Enfin, voici un papier que j'attends depuis des années car il apporte un élément fondamental dans le puzzle de la génétique des populations en Europe: Emerging Genetic Patterns of the European Neolithic: Perspectives From a Late Neolithic Bell Beaker Burial Site in Germany par Lee et al. Les informations supplémentaires sont accessibles ici. Ce papier donne le résultat de tests d'ADN ancien sur des squelettes issus d'un cimetière campaniforme situé en Allemagne. Le campaniforme est une culture qui apparait au 3ème millénaire av. JC. Elle est caractérisée par une céramique en forme de cloche renversée qui se propage sur l'ensemble de l'Europe occidentale de l'Irlande à la Sicile et du Portugal à la Hongrie. Des mesures isotopiques du strontium et de l'oxygène ont montré que cette culture était associée à des mouvements de populations. Le package campaniforme qui rassemble des gobelets, des poignard en silex ou en cuivre, des brassards d'archer, des pointes de flèches et des boutons perforés en V symbolise une société qui loue le statut de guerrier.

Au total 10 squelettes appartenant à 8 tombes (6 tombes individuelles et 2 tombes doubles) d'un cimetière situé à Kromsdorf en Allemagne, ont été testés. Ce cimetière est daté entre 2600 et 2500 av. JC. Ces 10 squelettes appartiennent à 6 hommes, 3 femmes et 1 individu dont le sexe n'a pas été déterminé: Lee Table 1
L'ADN mitochondrial a pu être testé avec succès sur 6 individus. Les résultats donnent 6 haplogroupes différents: U2e, W5a, I1, K1, U5a1 et T1a: Lee Table 2
Il est important de noter que tous les haplogroupes sont différents ce qui indique que ces 6 individus ne partagent pas d'ancêtres maternels. D'autre part, les haplogroupes W, I1, K1, U5 et T ont déjà été détectés dans des tests d'ADN ancien sur des squelettes mésolithiques ou néolithiques en Europe. L'haplgroupe K1 a été détecté dans des squelettes de la culture cardiale et du néolithique final du sud de la France, les haplogroupes T et W ont été détectés dans des squelettes de la culture rubanée (LBK) du centre de l'Europe, mais également dans le néolithique final en Espagne. L'haplogroupe I1 a été détecté dans le néolithique final en Espagne. L'haplogroupe U est le groupe le plus fréquent détecté dans des squelettes du mésolithique. Ainsi on peut conclure que les lignée féminines campaniformes sont en Europe bien avant le 3ème millénaire av JC et sont héritées des cultures précédentes: mésolithique pour U et néolithique pour les autres.

L'ADN du chromosome Y a pu être testé avec succès sur 2 individus. Les 2 résultats donnent un haplogroupe R1b: Lee Table 3
L'un a été testé plus précisément R1b-M269. Les deux sont négatifs pour la mutation U106. Ces résultats contrastent fortement avec les analyses de tests d'ADN-Y préalablement effectués sur des squelettes du néolithique: G2a3 et F* dans la culture rubanée (LBK) en Allemagne, G2a et E1b dans la culture cardiale en Espagne, G2a et I2a dans le néolithique final dans le sud de la France et Ötzi du néolithique final à la frontière Italo-Autrichienne qui est G2a2.

Cette première étude sur la génétique du campaniforme montre que celui-ci est donc caractérisé par l'arrivée d'une nouvelle population masculine qui contraste fortement avec une continuité génétique dans les lignées féminines. En conclusion les campaniformes semblent être des hommes étrangers qui ont pris des femmes localement quand ils sont arrivés en Europe occidentale. Ce résultat est bien sûr qu'une première donnée qui devra être confirmée par de nouvelles études d'ADN ancien sur des squelettes du campaniforme.