Ron Pinhasi et al. viennent de sortir un papier faisant le bilan des connaissances actuelles sur l'histoire génétique des européens: The genetic history of Europeans. Le peuplement de l'Europe par l'homme moderne est caractérisée par trois périodes clef: l'arrivée des premiers hommes en Europe il y a environ 45.000 ans associée à la culture Aurignacienne, le maximum glaciaire et la formation de zones refuges entre 27.000 et 16.000 ans, l'arrivées des premiers fermiers néolithiques en provenance du Proche-Orient entre 9.000 et 5.000 ans. Beaucoup d'études sur la variation génétique de l'homme moderne ont été faite prenant en compte une analyse phylogéographique à partir de l'ADN mitochondrial et du chromosome Y. Dans ces analyses, les différentes branches de l'arbre phylogénétique associées à une estimation de leur âge sont supposées être corrélées à des mouvement migratoires. Si cela peut être justifié dans certains cas, ces analyses conduisent souvent à des mauvaises interprétations. La recolonisation du nord de l'Europe à partir des refuges glaciaires a pu avoir de profonds effets sur la diversité génétique des européens, néanmoins il est difficile de distinguer ces effets de ceux survenus lors de la transition néolithique.

Il y a trente ans, une première étude basée sur l'analyse en composantes principales pour créer des cartes synthétiques de l'Europe basée sur des groupes sanguins a montré que la première composante reflétait un gradient sud-est -> nord-ouest qui a été interprété par la migration néolithique avec un minimum de mélange avec les populations de chasseurs-cueilleurs. Néanmoins cette interprétation a montré ses limites, et n'explique pas toutes les données observables. Les différentes études génétiques qui ont suivi ont donné des résultats plus ou moins contradictoires en raison de différents facteurs:

  • chaque marqueur génétique a sa propre histoire généalogique.
  • les artéfacts archéologiques montrent que la transition néolithique en Europe n'est pas un unique processus démographique, mais tout un ensemble complexe de mouvements migratoires maritimes et continentaux. Il est donc probable que le mélange génétique entre chasseurs-cueilleurs et fermiers est très variable d'une région à l'autre.
  • les études diffèrent selon le type de donnée moléculaire utilisée: fréquence des allèles, séquences ADN, SNP, STR, ... Il est donc souvent difficile de les comparer.
  • l'utilisation de marqueurs ayant un héritage paternel ou maternel comme l'ADN du chromosome Y et l'ADN mitochondrial pourrait refléter de réelles différences des contributions masculines et féminines des fermiers dans le pool génétique européen. En effet l'ADN mitochondrial apparait inconsistant avec un large remplacement néolithique contrairement à l'ADN du chromosome Y. Cela pourrait montrer l'arrivée massive d'hommes néolithiques en provenance du Proche-Orient, mais une contribution féminine moindre.


Il y a 20 ans, la paléogénétique a donné des premiers résultats en analysant de l'ADN de population ancienne. Pendant longtemps elle s'est contentée de tester la région HVR1 de l'ADN mitochondrial, ce qui est quelque peu limité. Cependant les progrès techniques récents ont permis les premières études du génome à grande échelle. Ainsi l'ADN d'un paléo-eskimo a été suivi de résultats sur l'ADN de l'homme de néanderthal et de l'homme de Denisova. Plus récemment des données sur Ötzi, l'homme des glaces, et sur 4 scandinaves des temps néolithiques ont été publiées. L'ADN mitochondrial ancien de 3 paléolithiques et de 14 chasseurs-cueilleurs mésolithiques ou des temps néolithiques, a montré qu'ils étaient tous de l'haplogroupe U. Cet haplogroupe U se retrouve aujourd'hui à une fréquence variant de 1 à 7% selon la région, mais pouvant monter à 20% parmi les baltes et jusqu'à 40% parmi les saami. De manière intéressante, tous les chasseurs-cueilleurs d'Europe centrale et du nord-est, et la majorité des chasseurs-cueilleurs européens sont de l'haplogroupe U. Il y a trois exceptions: deux italiens sont N* et pre-HV et un suédois. Ce dernier datant des temps néolithiques pourrait être le résultat d'une mixité avec les fermiers. Dans tous les autres échantillons de chasseurs-cueilleurs les haplogroupes communs: H, T, K et J sont absents, suggérant qu'ils ont été introduits par les fermiers.
Un changement de la génétique des européens durant la transition néolithique est également suggéré par les résultats concernant trois chasseurs-cueilleurs et un fermier scandinaves. Le fermier néolithique apparait être plus proche des européens modernes du sud de l'Europe alors que les chasseurs-cueilleurs sont plus proches des européens du nord. Cependant aucun européen d'aujourd'hui n'a un profil similaire aux chasseurs-cueilleurs suggérant que leur profil génétique n'existe plus aujourd'hui. Ainsi l'ADN ancien est compatible avec un scénario dans lequel les fermiers sont arrivés par le sud et le sud-est, et une fraction substantielle du pool génétique des chasseurs-cueilleurs survit dans le nord de l'Europe.
En 2005, l'étude de 24 échantillons mitochondriaux néolithiques LBK ont été comparés avec les populations actuelles de la même région. L'haplogroupe N1a a été trouvé à 25% chez les néolithiques et seulement 0,2% chez les européens actuels. Une autre étude a comparé 20 chasseurs-cueilleurs d'Europe centrale et du nord avec 25 fermiers LBK. Le résultat a montré une forte discontinuité génétique. Une autre étude concernant l'ADN mitochondrial de 11 néolithiques moyens de Catalogne, a montré une continuité génétique entre les fermiers et la population actuelle. De la même manière une étude sur 120 squelettes basques du néolithique et de l'âge du bronze a montré une continuité avec les populations actuelles. Une autre étude basée sur l'ADN mitochondrial de 49 échantillons du nord de l'Espagne allant du paléolithique à l'âge du bronze a montré qu'il n'y a pas de différence entre les paléolithiques d'Espagne, d'Europe centrale et de Scandinavie, mais qu'il y a une discontinuité génétique entre les paléolithiques et les néolithiques, l'âge du bronze et les hommes modernes. Néanmoins les néolithiques d'Espagne sont différents des néolithiques d'Europe centrale, et des hommes modernes.
Contrairement à l'ADN mitochondrial, l'ADN du chromosome Y a donné beaucoup moins de résultats. Cependant l'étude de 22 échantillons de la grotte de Treilles a montré que 20 d'entre eux appartenaient au même haplogroupe G2a, suggérant qu'une population masculine fondatrice est arrivée par la mer dans le sud de la France. Le même haplogroupe a été trouvé dans 5 échantillons sur 6 de la grotte Avellaner et sur 1 échantillon sur 3 de fermiers LBK. Cette présence de G2a dans 26 échantillons sur 31 fermiers néolithiques est à la fois étonnante et intrigante.
Le séquençage complet d'Ötzi daté de 5300 ans dans le sud Tyrol a montré une connection avec les îles thyréniennes (Corse et Ssardaigne). De manière intrigante, c'est aussi la région où son haplogroupe Y se retrouve à haute fréquence et cet haplogroupe est également G2a. Ce résulat suggère que la structure génétique de l'Europe n'a pas été fixée au néolithique, mais a continué à évoluer suite à de nouveaux mouvements démographiques post-néolithiques.
L'ensemble des études d'ADN ancien montre ainsi que l'Europe centrale a subi l'arrivée de fermiers il y a 7500 ans. Les populations actuelles d'Europe centrale ne sont pas seulement issus des chasseurs-cueilleurs et des néolithiques de cette région. Le manque de continuité entre les néolithiques ibériques et les espagnols modernes, de même qu'entre les chasseurs-cueilleurs de Suède et les scandinaves actuels montre que le changement de population a été fréquent durant l'Holocène (les 10.000 dernières années). La discontinuité entre les néolithiques et les populations actuelles soulève la question concernant le processus démographique qui est apparu après le néolithique. Les futures recherches devront révéler les effets de ces processus démographiques post-néolithiques dont les premières données suggèrent qu'elles ont eu un impact majeur sur la génétique européenne. Cela inclut les événements associé à l'âge du bronze, l'âge du fer et les migrations plus récentes.