Nick Patterson a sorti un nouveau papier intitulé: Ancient Admixture in Human History présentant de nouveaux outils pour estimer les mélanges génétiques dans les populations humaines. Ces méthodes sont illustrées par différents exemples. Les méthodes actuelles utilisées pour étudier les mélanges génétiques dans les populations sont l'Analyse en Composantes Principales et des méthodes basées sur des modèles de regroupement comme la méthode STRUCTURE. Cependant ces différents outils ont montré leur limite pour retrouver l'histoire de populations. Une approche alternative est de faire des déductions explicites sur l'histoire des populations en associant des modèles d'arbre phylogénétiques. Cependant une limitation de cette approche est qu'elle ne permet pas la possibilité de migrations et de mélanges entre différents groupes. Dans cet article, Patterson décrit une suite de méthodes définies spécifiquement pour décrire l'histoire de mélanges de populations. Ces méthodes sont: three-population test, D-statistics, F4-ratio estimation, admixture graph fitting, et rolloff. Un pacquet logiciel appelé: ADMIXTOOLS a été également réalisé qui permet de mettre en œuvre ces cinq méthodes. Les 4 premières méthodes sont basées sur l'étude des motifs de corrélation des fréquences des allèles. Elles permettent de mettre en évidence des mélanges génétiques de populations. La cinquième méthode permet d'estimer la date du mélange génétique entre populations.

Résultats et discussion:

  • Les Xhosa sont une population d'Afrique du Sud dont les ancêtres sont essentiellement des Bantous du groupe Nguni. Mais ils ont également des ancêtres San. La méthode "three-population" a été utilisée avec des échantillons San et Yoruba comme populations source et Xhosa comme population cible. La proportion de San dans la population Xhosa est estimée entre 0,19 et 0,55. Cet intervalle est grand, mais il montre néanmoins que la proportion de San est loin d'être négligeable dans la population Xhosa. La technique "rolloff" a ensuite été utilisée. La date du mélange génétique entre San et Bantous est estimée à 740 +/- 30 ans. L'archéologie et la linguistique montrent que les Nguni ont migré de la région des Grands Lacs d'Afrique de l'Est vers le sud vers l'année 1200 de notre ère. Les résultats génétiques sont donc très proches des résultats archéologiques et linguistiques.
  • Les Ouïgours sont connus pour être mélangés génétiquement. C'est l'occasion de tester les méthodes décrites ci-dessus. La méthode "three-population" a été utilisée en prenant des français et des Hans comme populations source, et les ouïgours comme population cible. Le Z-score obtenu a pour valeur -77,2 ce qui est très significatif. La proportion d'occidentaux dans la population ouïgour est estimée entre 0,452 et 0,525. La méthode "rolloff" permet d'estimer la date de mélange génétique chez les ouïgours à 790 +/- 60 ans. Cette date correspond avec l'arrivée des Mongols sous Genghis Khan (1206–1368).
  • L'étude génétique des espagnols a mis en évidence l'importance des Sardes et des populations du nord de l'Europe, comme les irlandais. La méthode "rolloff" permet d'estimer la date du mélange à 3600 +/- 400 ans. Aux environs de 2000 av. JC, une culture spécifique: la culture campaniforme s'installe sur toute l'Europe occidentale. Patterson suppose donc que le signale de mélange génétique qu'il détecte est lié à l'arrivée de la culture campaniforme en Europe occidentale. Selon cette hypothèse les Sardes seraient caractéristiques de la population néolithique européenne et les irlandais de la nouvelle population campaniforme.
  • La méthode "three-population" utilisée en prenant comme population source les Sardes et les Karitiana, une population indigène du Brésil, et comme population cible les français donne un signal significatif. La seule explication plausible est de considérer que la population française est le résultat d'un mélange génétique entre la population Sarde représentative de la culture néolithique européenne et une ancienne population nord eurasienne qui a ensuite migré aux Amériques, représentative de la population des chasseurs-cueilleurs. Si les Sardes sont remplacés par les Basques, on obtient à nouveau un signal significatif. Cet effet se reproduit en remplaçant la France par d'autres pays d'Europe. Cependant l'effet détecté est plus important avec les pays du nord qu'avec les pays du sud de l'Europe. Ainsi les amérindiens sont plus proches des français que des italiens. L'utilisation de la méthode "rolloff" permet d'estimer l'âge du mélange génétique à 4150 +/- 850 ans. Il faut être prudent avec cette date. En effet si le mélange génétique s'est fait uniquement dans le nord de l'Europe, un mélange génétique par la suite entre européen du nord et du sud peut sous-estimer cette date. Ces résultats sont cohérents avec les résultats d'ADN autosomal ancien sur des chasseurs-cueilleurs et des fermiers de Suède (Skoglund et al. 2012). On peut conclure de tout cela que l'arrivée des agriculteurs néolithiques en Europe s'est faite par une arrivée massive de population en provenance du Proche-Orient. Ces populations ont repoussé les chasseurs-cueilleurs du sud de l'Europe vers le nord sans mélange génétique significatif, notamment en Sardaigne et au Pays-Basque. Par contre fermiers et chasseurs-cueilleurs ont cohabité dans le nord de l'Europe, se mélangeant progressivement avec le temps. Ceci explique une date relativement récente trouvée pour le mélange génétique déterminé dans cette étude entre néolithiques et chasseurs-cueilleurs.