Le duché du Brabant a lancé un projet ADN à partir de 2009 au niveau régional. Dans un premier temps ce projet s'est limité au duché de Brabant, mais s'est ensuite étendu à toute la Belgique et même jusqu’à la Flandre Française et le Grand-Duché du Luxembourg. Des tests du chromosome Y ont été réalisés sur 37 marqueurs STR. La généalogie des personnes impliquées dans le projet a été enregistrée.
Larmuseau et al. a publié récemment deux papiers qui permettent d'exploiter les données de ce projet. Le premier papier a été publié en 2011 et est intitulé: Temporal differentiation across a West-European Y-chromosomal cline: genealogy as a tool in human population genetics. Le second a été publié en 2012 et est intitulé: In the name of the migrant father - Analysis of surname origins identifies genetic admixture events undetectable from genealogical records.

Le papier de 2011

La différentiation génétique d'une population est instable dans le temps pour diverses raisons: dérive génétique, migrations, sélection, ... L'héritage du patronyme, corrélé avec l'étude du chromosome Y, et les recherches généalogiques permettent de mieux comprendre les événements démographiques récents. Des études ont été faites récemment pour mesurer les événement de non-paternité qui cassent le lien: patronyme/haplogroupe Y: ils seraient inférieurs à 5% par génération, voire inférieurs à 1% par génération dans certaines populations. La généalogie génétique permet ensuite d'estimer les effets des événements historiques sur la génétique des populations.
Le Duché de Brabant est une région historique qui comprend une province néerlandaise (le Brabant du nord) et trois provinces belges (Anvers, le Brabant flamand et le Brabant wallon). Les échantillons de cette étude ont donc été sélectionnés en fonction de la résidence de leur plus vieux ancêtre paternel connu. Cela permet de s'affranchir des effets des migrations récentes de ces dernières décades. A partir des valeurs des STR du chromosome Y, l'haplogroupe a été prédit à l'aide du prédicteur de Whit Atheys. Sur la base de ces résultats des SNPs ont été testés afin de confirmer l'haplgroupe des échantillons. Les membres d'une même famille ont été déterminés en fonction du patronyme et de leur distance génétique, puis éliminés de l'étude. Également, les échantillons issus d'un ancêtre commun et d'haplogroupe différents ont été exclus pour raison d'événement de non-paternité. En fonction de la généalogie des personnes, on a pu connaitre le lieu de résidence de leurs ancêtres paternels tous les 25 ans entre 1600 et 2000. Ceci a donc permis d'estimer la fréquences des haplogroupes dans les différentes régions en fonction du temps. Enfin les échantillons dont les patronymes ne sont pas autochtones à la région de leur plus ancien ancêtre paternel connu ont été éliminés pour s'affranchir d'éventuelles migrations plus anciennes que les enregistrements généalogiques. Ensuite la distance génétique a été mesurée entre les populations des trois principales régions du Brabant: Brabant du nord (aux Pays-Bas), Anvers–Turnhout–Malines (en Belgique) et Louvain–Bruxelles–Nivelles (en Belgique): 2011 Larmuseau Figure 1
Sur les 881 participants du projet ADN du Duché de Brabant, seuls 20% ont une généalogie fiable qui remonte avant 1600, 50% qui remonte avant 1650 et 90% qui remonte avant 1750. 247 participants ont été exclus de l'étude car leur plus ancien ancêtre paternel connu n'était pas du Brabant, ou bien eux-même ne réside pas dans le Brabant. Globalement 9 hapogroupes principaux ont été détectés, dont 85% appartiennent à l'haplogroupe R (65%) ou à l'haplogroupe I (20%). Parmi l'haplogroupe R, 27,6% sont R-U106, 20,1% sont R-P312* et 9,6% sont R-U152. Parmi l'haplogroupe I, 11,7% sont I1-M253. Il faut noter qu'au début du projet Brabant, les sous-clades de R-P312: R-L21 et R-DF27 n'étaient pas connues. Elles n'ont donc pas été testées. Elles sont inclues dans R-P312*. Les résultats donnant la distance génétique entre les trois différentes régions du Brabant aux différentes époques sont les suivants:
2011 Larmuseau Figure 2
La distance génétique est significative entre les régions 1 et 2 et entre les régions 1 et 3 avant 1700, et entre les régions 1 et 2 en 2000 et 2010. Jusqu'en 1875 il y a une tendance à une isolation par la distance car la distance génétique est plus grande entre les régions 1 et 3 qu'entre les régions 1 et 2. Il n'y a pas de différenciation génétique entre les régions 2 et 3. Les résultats concernant la fréquence de l'haplogroupe R-U106 sont également significatifs:
2011 Larmuseau Figure 3
La fréquence de R-U106 est plus élevée dans le nord et diminue lorsque l'on descend vers le sud. Le résultat est inverse pour l'haplogroupe R-U152. Il est faible dans le nord et monte progressivement lorsque l'on descend vers le sud. Ce gradient nord-sud mesuré dans la population du Brabant est probablement la mesure d'une ancienne différence génétique entre la France et les Pays-Bas. Le déclin de la différentiation entre les régions après 1700 est probablement du aux différentes migrations pour raison religieuse ou économique qui ont eu lieu à cette période. Cet effet a été ensuite amplifié à la révolution industrielle qui a vu augmenter considérablement le déplacement des gens. Néanmoins la différentiation génétique augmente après 1900 probablement suite à la révolution belge de 1830 qui a coupé le royaume des Pays-Bas en deux et favorisé les migrations de gens du nord aux Pays-Bas et de gens du sud en Belgique.

Le papier de 2012

L'utilisation du patronyme en Europe Occidentale date des 13ème et 14ème siècles. La question se pose donc de savoir si l'information donnée par le patronyme est aussi fiable que les informations généalogiques, et permet ainsi de remonter plus loin dans le temps. Ainsi le patronyme peut donner des indications sur le lieu d'origine de la lignée paternelle. Nous nous proposons d'évaluer cette information en l'utilisant pour mesurer des migrations situées dans le temps entre l’avènement des patronymes et les premiers enregistrements généalogiques.
Un événement migratoire est intervenu à la fin du 16ème siècle du nord de la France vers la Flandre flamande. Dans le dernier quart du 16ème siècle, la Flandre flamande était dévastée suite à des épidémies de grippe et de peste, et à des migrations vers l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Angleterre pour des raisons économiques ou religieuses. Des populations venues du nord de la France sont alors arrivées. Au début du 17ème siècle, 10% de la population de Flandre flamande avait un patronyme français. Cette étude se propose de mesurer la fréquence des haplogroupes du chromosome Y dans les populations de Flandre flamande regroupées selon l'origine de leur patronyme.
Seuls ont été sélectionnés pour l'étude les échantillons dont l'ancêtre paternel le plus ancien connu est né avant 1750 et vivait dans les limites de la Flandre actuelle. Le langage et la signification des patronymes ont été déterminé et deux groupes ont été constitués. Le premier groupe, nommé AFS, comprend les échantillons dont le patronyme est originaire de Flandre et dont l'ancêtre paternel le plus éloigné vivait en Flandre avant 1750. Le second groupe, nommé FRS, comprend les échantillons dont le patronyme est originaire de France et dont l'ancêtre paternel le plus éloigné vivait en Flandre avant 1750. Enfin la fréquence des haplogroupes de deux populations française en Île de France et dans le Nord - Pas de Calais a été déduite à partir des données d'études précédentes. Parmi les 900 individus qui ont participé à l'étude, 685 avaient leur ancêtre paternel le plus ancien connu qui vivait en Flandre avant 1750. Après sélection, seuls 622 échantillons ont été retenus. Parmi ces derniers 50 avaient un patronyme d'origine française, bien que leur langue maternelle soit le flamand. Parmi les 572 échantillons restant, 23 avaient un patronyme faisant référence à une région en dehors de la Flandre (Allemagne, Angleterre ou Pays-Bas). Ils ont donc été éliminés. Il restait donc un groupe de 549 échantillons dont le patronyme est originaire de Flandre. La fréquence des différents haplogroupes est donnée ci-dessous pour les deux groupes.
2012 Larmuseau Table 1
Globalement, les quatre haplogroupes les plus fréquents sont: R1b-U106 (26,78% pour AFS et 12% pour FRS), R1b-P312* (19,13% pour AFS et 32% pour FRS), I1-M253 (12,02% pour AFS et 10% pour FRS) et R1b-U152 (10,56% pour AFS et 16% pour FRS). La fréquence des principaux haplogroupes a pu être déterminé pour les deux régions françaises: Île de France et Nord - Pas de Calais et comparé avec les résultats en Flandre: 2012 Larmuseau Table 2
Le groupe AFS est bien différentié des deux régions françaises, par contre le groupe FRS ressemble beaucoup aux deux régions françaises. Ces résultats indiquent nettement une migration en provenance de France vers la Flandre qui est survenue entre l'origine des patronymes aux 13ème et 14ème siècles et le début des enregistrements généalogiques. Cela démontre que le regroupement suivant l'origine du patronyme est nettement informatif.
2012 Larmuseau Figure 1