Christina Jane Adler a publié sa thèse en 2012 à l'université d'Adélaïde en Australie. Elle est intitulée Ancient DNA studies of human evolution. La transition entre les modes de vie des chasseurs-cueilleurs et des agriculteurs est associée à des mouvements de population, des changements culturels, des modifications drastiques dans le type de nourriture, la diffusion de nouvelles maladies et l'émergence des langages indo-européens (au début du néolithique selon Renfrew, ou à la fin du néolithique selon Gimbutas). Dans cette thèse l'auteur a utilisé l'ADN ancien sur des squelettes d’Europe Centrale pour enquêter sur la période néolithique et son impact sur la composition génétique des populations européennes actuelles. Le but était notamment de voir si une population unique et continue a existé en Europe Centrale depuis les débuts du néolithique jusqu'à maintenant, à travers l'étude de l'analyse de l'ADN mitochondrial.

Des études précédentes d'ADN mitochondrial ancien ont montré que les chasseurs-cueilleurs d'Europe du nord et centrale sont à très grosse majorité de l'haplogroupe U. En opposition la population néolithique est beaucoup plus variée avec la présence de nombreux haplogroupes: N1a, H, HV, J, K, T, V et U3 (Bramanti-2009, Malmstrom-2009, Haak-2005). Ces analyses ont également montré que les populations néolithiques d'Europe Centrale étaient proches des populations actuelles du Proche-Orient, ce qui a validé les modèles de diffusion du néolithique basée sur la migration de population, mais qu'elles étaient très différentes des populations actuelles d'Europe Centrale, indiquant ainsi l'existence de migrations post-néolithiques importantes. Ces migrations on pu notamment avoir lieu durant le chalcolithique. C'est précisément l'objet de cette thèse que de comparer les populations du début du néolithique en Europe Centrale (culture LBK) avec des populations du chalcolithique et de l'âge du Bronze, comme la culture cordée, la culture campaniforme ou la culture d'Unetice.

Les recherches précédentes ont montré qu'il y a une forte discontinuité dans l'ADN mitochondrial entre les populations actuelles d'Europe Centrale et les chasseurs-cueilleurs paléolithiques de la même région, et les premiers fermiers de la culture rubanée (LBK). Ceci montre que des migrations importantes en Europe durant la fin du néolithique ou le début de l'âge du bronze, ont influencé fortement la diversité génétique de la population actuelle. Ces différences génétiques sont notamment caractérisées par les basses fréquences dans le passé de l'haplogroupe mitochondrial H, comparées à aujourd'hui. L'haplogroupe H est aujourd'hui le plus fréquent en Europe avec un taux proche de 45%. Les plus hautes fréquences de H sont aujourd'hui en Europe de l'ouest. Elles diminuent lorsque l'on se déplace vers l'est du continent. L'haplogroupe H est complètement absent parmi les populations paléolithiques d'Europe Centrale et se retrouve à un taux d'environ 19% parmi les populations de la culture LBK. Cette dernière est caractérisée par un taux élevé de 25% de l'haplogroupe mitochondrial N1a.

Cette étude a analysé l'ADN mitochondrial de cinq cultures différentes du néolithique à l'âge du Bronze, en Europe Centrale: la culture LBK (5.450 à 4.775 av. JC) pour 8 échantillons, la culture de Rössen (4.475 à 4.250 av. JC) pour 10 échantillons, la culture cordée (2.700 à 2.000 av. JC) pour 13 échantillons, la culture campaniforme (2.500 à 2.050 av. JC) pour 8 échantillons et la culture d'Unetice (2.050 à 1.800 av. JC) pour 17 échantillons. Pour ces 56 échantillons, la région hypervariable HVR1 de l'ADN mitochondrial a été séquencée. De plus, pour contrôler les haplogroupes déterminés à partir de la région HVR1, un ensemble de 22 SNPs de la région codante ont été testés. Les résultats pour les différentes populations anciennes sont les suivants. Pour la culture LBK: K, J, N1a, N1a, T2, T et J. Pour la culture de Rössen: H, H, H, X2, K, H5, T2, HV, T2e et N1a. Pour la culture cordée: H, HV, U5a, U4, K, H, W6, U5a1, U5a, J, X, J et T2. Pour la culture campaniforme: H, H, J, H, H5, H, H3 et H5. Enfin pour la culture d'Unetice: U5a1a, U2, T1, H7a, U5a1a, U, T2, U5a1a, I, U5a1, W, I1, U5b, X, T2b, T2 et I.

Une analyse en composante principale a permis de comparer les résultats génétiques pour ces 5 cultures avec des populations contemporaines d'Europe et du Proche-Orient. Cette analyse est basée sur la fréquence des haplogroupes principaux dont la valeur est supérieure à 1%. Dans la figure 1A, ci-dessous les populations anciennes sont identifiées par des carrés noirs. Les populations actuelles du Proche-Orient sont dans le quadrant en bas à gauche, les populations actuelles d'Europe du Nord-Ouest sont dans le quadrant en haut à droite, et les populations actuelles d'Europe de l'est sont dans le quadrant en bas à droite.
2012 Adler Figure 1
Les résultats montrent que les populations du début du néolithique sont bien différenciées des cultures de la fin du néolithique et de l'âge du Bronze. Les populations de la culture rubanée et de la culture de Rössen sont caractérisées par les haplogroupes N1a, W, K, T et J (figure 1B). Elles sont situées dans la partie gauche de la figure comme les populations actuelles du Proche-Orient montrant ainsi leur affinité. Au contraire, les populations de la fin du néolithique et de l'âge du Bronze sont situées dans la partie droite de la figure 1A. Les populations de la culture cordée et d'Unetice sont caractérisées par les haplogroupes U, I et T et sont situées proches des populations actuelles de l'Europe de l'est. La population de la culture campaniforme est caractérisée par la très haute fréquence de l'haplogroupe H et se retrouve proche des populations de l'Europe de l'ouest.

Des simulations d'analyse coalescente ont montré que les populations des cultures de la fin du néolithique et du début de l'âge du Bronze sont probablement les ancêtres des populations actuelles d'Europe Centrale. Ainsi des migrations entre le début du néolithique et l'âge du Bronze sont à l'origine du pool génétique actuel de l'Europe Centrale. Les changements qui sont intervenus durant le néolithique sont notamment caractérisés par la décroissance de la fréquence de l'haplogroupe N1a, et la forte croissance de l'haplogroupe H. L'haplogroupe U qui était l'haplogroupe principal au paléolithique, avait disparu au début du néolithique. Il réapparait ensuite à la fin du néolithique et à l'âge du Bronze. Les haplogroupes H1 et H3 auparavant supposés être marqueurs de la re-colonisation de l'Europe à partir des refuges glaciaires pourraient en réalité s'être diffusés bien plus tard au chalcolithique avec la culture campaniforme. La réapparition de l'haplogroupe U avec les cultures cordées et d'Unetice semble montrer que ces cultures prennent leur source dans les anciennes populations mésolithiques de l'Europe.

Concernant le campaniforme, si on ajoute aux échantillons d'Adler les autres échantillons connus par les études de Melchior, 2010 et Lee, 2012, on obtient un total de 16 échantillons avec les résultats suivants: H: 44%, U: 25%, J: 6%, K: 6%, T: 6%, W: 6% et I: 6%. C'est à dire des résultats très proches de la population actuelle de l'Europe. En conclusion, il semble bien que des migrations importantes ont modifié le pool génétique européen au chalcolithique. Ces migrations sont probablement portées par la culture campaniforme à l'ouest de l'Europe et la culture cordée à l'est de l'Europe.