Dani Nadel vient de publier un papier très intéressant intitulé: Earliest floral grave lining from 13,700–11,700-y-old Natufian burials at Raqefet Cave, Mt. Carmel, Israel, qui relate la découverte d'impressions de plantes sur le fond de certaines tombes natoufiennes en Israël.

Au levant méditerranéen, les plus anciennes tombes humaines connues datent de 120.000 à 55.000 ans et sont situées dans des grottes telles que Qafzeh, Skhul, Tabun, Amud et Kebara. Les corps sont généralement enterrés en position fléchie, parfois avec des restes d'animaux placés sur eux. Ces tombes sont souvent peu nombreuses et isolées et ne représentent pas de véritables cimetières.

Les sites Natoufiens entre 15.000 et 11.500 ans offrent un aspect différent. Ainsi plus de 450 squelettes ont été découverts dans des endroits tels que el-Wad, Eynan, Hayonim, Hilazon Tachtit, Nahal Oren et Raqefet. En effet ces derniers sites ressemblent davantage à des cimetières où plusieurs dizaines de tombes ont été découvertes. Celles-ci sont soit individuelles, soit multiples, les corps sont soit fléchis, soit allongés, ils sont décorés avec des perles, parfois les crânes sont enlevés après la décompostion du corps, de l'ocre est souvent utilisé et des offrandes sont peut-être associées à des fêtes funéraires.

Ce papier relate la découverte d'impressions de plantes associées à des tombes natoufiennes de la grotte Raqefet situés dans les Monts Carmel en Israël, et datées entre 13.700 et 11.700 avant le présent.
2013 Nadel Figure 1

Les fouilles ont révélé 29 squelettes situés tous sauf un sur une petite surface de 15 m2, ce qui justifie ici le terme de cimetière. Des adultes, des enfants et des nourrissons forment cette population. La plupart des tombes sont individuelles, bien que 4 tombes soient double: deux corps sont enterrés dans la même fosse. Parmi ces tombes, quatre ont montré des impressions de plantes. Pour cette étude, des échantillons de sédiments ont été collectés pour analyser les processus complexes et pour raffiner la microstratigraphie. Enfin des analyses phytolithes ont été menées. Le remplissages des tombes comprend du calcaire mélangé avec du charbon de bois, des os, du sol local, des graviers et des coquilles d'escargots. Un plaquage de boue tapissait l'intérieur de certaines tombes. Ce plaquage contenait des impressions de racines, feuilles et fruits, et devait donc avoir été humide durant l'enterrement ou juste après.

Le plus grand nombre d'impressions de plantes se trouve dans la sépulture double des individus 25 et 28:
2013 Nadel Figure 2

Les deux corps sont allongés sur le dos. L'un est un adolescent de 12 à 15 ans, avec les genous repliés vers la gauche. Le crâne a été enlevé rituellement. L'autre est un adulte d'environ 30 ans, avec les genoux repliés vers la droite. Il a été daté directement entre 12.550 et 11.720 avant le présent. Cet individu a une dalle de pierre verticale derrière la tête. A la base de la tombe on a retrouvé plus de 30 impressions de plantes, dont 13 racines. De la sauge, de la menthe et des scrophulaires ont été identifiés. Ces espèces poussent actuellement autour de la grotte. Ces fleurs poussent au printemps, ont une forte odeur aromatique et certaines ont un pouvoir médicinal. Ces impressions ont été faites avant le milieu de l'été.

La sépulture double des individus 18 et 19 préserve des données relatives à la préparation de la tombe. En effet un renflement du sol a été ciselé pour formé un mur interne à la tombe. Des impressions de roseaux ont été retrouvées sur une paroi verticale. Cette tombe est datée entre 13.700 et 13.000 avant le présent.Enfin, la sépulture de l'individu 1 montre des traces de racines entrecroisées.

La pratique de tapisser le fond des tombes avec des plantes ne semble pas lié à l'âge des individus. Ces impressions de plantes sont restreintes aux tombes et n'ont pas été trouvées ailleurs. D'autre part aucune impression de silex ou d'os n'a été trouvé sur le sol malgré la présence de nombreux de ces artéfacts, indiquant que la tapisserie de plantes devait être relativement épaisse et couvrir tout le sol de la tombe. Les datations ont montré que ce cimetière a pu être utilisé pendant une longue période de près de 2000 ans durant laquelle la coutume de tapisser la tombe de plantes n'a pas changé.

Des études expérimentales ont démontré le rôle des fleurs comme source de stimuli émotionnel avec des impacts positifs sur le fonctionnement social humain. Les fleurs peuvent être utilisées pour expirmer la sympathie, la fierté ou la joie. Elles peuvent également exprimer des sentiments religieux. Dans certaines religions, les fleurs permettent la communication spirituelle. Ces relations ont probablement permis la domestication de certaines espèces de plantes il y a bien longtemps. L'utilisation de fleurs dans des événements sociaux comme les funérailles, peut avoir également servi pour affirmer l'identité ou la solidarité d'un groupe. Ainsi le développement des cimetières natoufiens a probablement réduit les tensions sociales et amélioré la cohésion du groupe dans une période de fluctuation environnementale, d'accroissement de la densité de la population, et d'augmentation des conflits sociaux.