Pontus Skoglund vient de publier un nouveau papier sur des tests d'ADN ancien effectués sur des chasseurs-cueilleurs et des fermiers scandinaves. Il est intitulé: Genomic Diversity and Admixture Differs for Stone-Age Scandinavian Foragers and Farmers.

Les auteurs ont étudié 6 chasseurs-cueilleurs de la culture de la Céramique Perforée, 4 fermiers néolithiques de la culture des Vases à Entonnoirs, et 1 chasseur-cueilleur mésolithique. Tous les individus néolithiques ont été découverts en Suède et sont datés d'environ 5000 ans. L'individu mésolithique a été découvert également en Suède et date d'environ 7500 ans.

Les résultats des tests de l'ADN mitochondrial sont les suivants:
2014 Skoglund Table 1

Les 6 chasseurs-cueilleurs néolithiques et le chasseur-cueilleur mésolithique sont de l'haplogroupe U et V. Les 4 fermiers sont de l'haplogroupe H et K.

Un unique chasseur-cueilleur néolithique mâle a été testé pour son chromosome Y. Il est de l'haplogroupe I2a1. Cet haplogroupe est rare aujourd'hui en Scandinavie. Ce résultat est néanmoins conforme aux précédents résultats de tests sur le chromosome Y de mésolithiques scandinaves également de l'haplogroupe I.

Des études récentes ont montré que certains variants associés au phénotype et au système immunitaire diffèrent entre chasseurs-cueilleurs et fermiers. Cependant, peu de différences ont été trouvés dans cette étude sauf pour le marqueur SLC24A5 associé à la pigmentation de la peau. Les chasseurs-cueilleurs portent l'allèle ancestrale (peau sombre) alors que les fermiers portent l'allèle dérivée (peau claire).

Une Analyse en Composantes Principales a été réalisée pour comparer les échantillons anciens avec les populations contemporaines:
2014 Skoglund Figure 1A

Les 6 chasseurs-cueilleurs néolithiques scandinaves (en bleu ci-dessus) se regroupent en dehors de la zone de variation des populations contemporaines. Ils sont également réunis avec les chasseurs-cueilleurs mésolithiques scandinave et ibérique (en bistre). Ceci est consistant avec une continuité génétique dans la population des chasseurs-cueilleurs. Tous les fermiers néolithiques scandinaves (en rouge) se regroupent au milieu de la population actuelle du sud de l'Europe, de même que Ötzi, l'homme des glaces (en rose). Parmi les populations actuelles ce sont les Lituaniens qui se rapprochent le plus génétiquement des chasseurs-cueilleurs et les Sardes qui se rapprochent le plus des fermiers néolithiques.

Comme les chasseurs-cueilleurs et les fermiers néolithiques contribuent génétiquement aux populations européennes actuelles, les auteurs de l'étude ont regardé si ce mélange génétique avait déjà commencé au néolithique. Ainsi l'homme des glaces Ötzi forme un groupe avec les Sardes actuels, alors que le fermier scandinave est plus proche des chasseurs-cueilleurs. Cependant les chasseurs-cueilleurs de la culture de la Céramique Perforée qui sont plus récents que l'arrivée de l'agriculture en Scandinavie, ne montrent pas de flux génétique en provenance des premiers fermiers. Ces résultats suggèrent que les fermiers néolithiques scandinaves ont reçu un flux génétique en provenance des populations mésolithiques, alors que les chasseurs-cueilleurs néolithiques n'ont pas reçu de flux génétique en provenance des populations de fermiers, durant l'expansion néolithique vers le nord, malgré une coexistence d'au moins 40 générations en Scandinavie.

Si on représente un graphe de mélanges génétiques, on obtient les résultats suivants (la position géographique des échantillons d'ADN anciens est située sur la figure A en haut):
2014 Skoglund Figure 2

Le chasseur-cueilleur sibérien (MA1) contribue génétiquement pour environ 15% au chasseur-cueilleur scandinave (Ajvide58) mais pas au chasseur-cueilleur ibérique (LaBrana1). Les fermiers néolithiques reçoivent un flux génétique d'un groupe basal de chasseurs-cueilleurs européens différent de tous les échantillons connus d'ADN ancien. Celui-ci est plus important chez le fermier scandinave (Gökhem2) que chez Ötzi (Iceman).

Une phase possible de contact au nord de l'Europe entre les fermiers et les chasseurs-cueilleurs est la période entre 7500 et 6000 ans quand la culture de chasseurs-cueilleurs Ertebølle a coexisté pendant plus de 1000 ans avec la culture rubanée LBK.

La comparaison de niveaux relatifs de diversité génétique dans les populations peut fournir des informations sur la taille de ces populations. En effet, les petites populations ont souvent une diversité moindre. Cette diversité a été estimé dans les groupes scandinaves néolithiques. Ainsi la diversité chez les chasseurs-cueilleurs scandinaves est plus faible que chez les fermiers:
2014 Skoglund Figure 3A

Ces estimations suggèrent une stratification importante de la population néolithique scandinave. Mais contrairement à aujourd'hui, cette stratification n'est pas liée à la distance géographique, mais au mode de subsistance.

Ces résultats ont de fortes implications sur notre compréhension des histoires démographiques de ces groupes préhistoriques. La plus grande diversité chez les fermiers a pu être influencé par le flux génétique en provenance des chasseurs-cueilleurs. La faible diversité des chasseurs-cueilleurs peut être du au fait que leurs ancêtres résidaient dans un refuge glaciaire durant le Dernier Maximum Glaciaire, causant potentiellement des effets de goulot génétique. Les changements climatiques et d'éventuels effondrements de population ont probablement affecté la taille des populations de chasseurs-cueilleurs. Par la suite, leur mobilité a décru lorsqu'elles se sont installées dans les zones côtières. Pendant ce temps là, les ancêtres des populations de fermiers vivaient dans des régions plus chaudes qui pouvaient soutenir une population plus importante durant le Dernier Maximum Glaciaire.

L'université d'Uppsala en Suède qui abrite le centre de biologie évolutionnaire dirigé par Mattias Jakobsson vient de créer un Atlas des Anciens Génomes Humains de Suède.