Andrés Moreno-Estrada vient de publier un papier intitulé: The genetics of Mexico recapitulates Native American substructure and affects biomedical traits. Les Natifs Américains possèdent la plus faible diversité génétique parmi tous les groupes continentaux, bien qu'il y ait de fortes divergences d'un groupe à un autre. En conséquence, ces populations abritent des allèles rares pouvant cibler des maladies génétiques. Dans cette étude, les auteurs ont analysé environ 1 millions de SNPs autosomaux dans 511 individus Natifs Américains issus de 20 populations indigènes, couvrant la plupart des régions du Mexique. Ces données ont été comparées à des échantillons africains et européens.

Une Analyse en Composantes Principales a été réalisée. Les deux premières composantes séparent les populations Africaines et Européennes des populations Natives Américaines. La troisième composante permet cependant de séparer les différentes populations Natives Américaines. Ces dernières suivent un clair gradient géographique du nord-ouest vers le sud-est:
2014 Moreno-Estrada Figure 1a

Les groupes Seri et Lacandon montrent les plus hauts niveaux de différentiation inter-populations. Ces niveaux sont supérieurs aux différences entre européens et chinois. Ces fortes différences impliquent un haut degré d'isolation de ces populations. Certains groupes comme les Seri, les Huichol ou les Lacandon possèdent de longs segments d'homozygotie. D'autres groupes comme les Mayas ou les Nahuan ont un taux plus faible d'homozygotie. Ils sont les descendants d’importantes civilisations pré-colombiennes qui étaient moins isolées que d'autres groupes Natifs Américains. Ces derniers sont caractérisés par une taille de la population faible qui a subi un effet de goulot génétique.

L'isolation est aussi corrélée au degré de parenté à l'intérieur et entre les groupes ethniques. Un graphe de parenté entre les populations a ainsi été tracé en fonction des segments IBD supérieurs à 13 cm:
2014 Moreno-Estrada Figure 1c

La plupart des parentés sont ainsi à l'intérieur des groupes ethniques. Les quelques connexions entre les différents groupes apparaissent le long des côtes.

Ensuite un arbre a été tracé afin de visualiser les liens de parentés d'un groupe à l'autre:
2014 Moreno-Estrada Figure 1d

On retrouve ainsi dans cet arbre les différentiations sud-nord et est-ouest. Les populations avec haut degré d'homozygotie ont une branche plus longue. Les regroupements suivent un schéma géographique. Les groupes du nord sont en bleu foncé, les groupes du sud sont en vert et les groupes Maya sont en orange.

Ces signaux sont les héritiers d'une diversité pré-colombienne des populations Natives Américaines. Cependant, ces 500 dernières années, les choses ont beaucoup évolué. La plupart des Mexicains contemporains sont des métis qui ont des origines Natives Américaines, Européennes et Africaines. Pour étudier ce phénomène, les auteurs ont analysés des échantillons issus de 500 individus appartenant à 12 groupes métis. Ils ont utilisé pour cela le logiciel ADMIXTURE pour estimer les proportions d'ascendance dans chaque individu. Lorsque le paramètre K=3, on retrouve les 3 ascendances principales: Natives Américaine, Européenne et Africaine. Cette dernière est cependant très faible, toujours inférieure à 5%. Le meilleur modèle correspond à une valeur de K=9:
2014 Moreno-Estrada Figure 2b

Les groupes Natifs Américains se divisent alors en 6 composantes différentes. Trois d'entre elles correspondent à des groupes ethniques isolés: les Seri en bleu marine, les Lacandon en jaune et les Tojolabal en marron. Les trois autres composantes sont plus largement distribuées: une composante du nord en bleu clair, une composante du sud en bleu et une composante Maya en orange. Cette composante Maya est également présente avec une proportion qui varie de 10 à 20% dans le centre du Mexique. Cette relation entre Mayas et populations du centre du Mexique est probablement ancienne.
2014 Moreno-Estrada Figure 2c

La répartition des composantes Natives Américaines se retrouvent chez les métis. Les Sonora et populations du nord du Mexique ont la plus grande proportion de la composante Native Américaine du nord. Inversement les populations métis du sud du Mexique ont la plus grande proportion de la composante Native Américaine du sud. Enfin, les populations de la péninsule du Yucatán ont la plus grande proportion de la composante Maya. Il y a donc une très forte corrélation entre génétique et géographie qui se retrouve également chez les populations métis.