Les Arméniens sont aujourd'hui confinés dans le Caucase, mais ils occupèrent l'est de l'Anatolie avant d'être déplacés au début du 20ème siècle vers le Caucase entre les mers Noire et Caspienne suite au génocide arménien. Aujourd'hui, seul un Arménien sur trois habite les terres de l'actuelle République d'Arménie, mais jusqu'en 1920 les Arméniens peuplaient un territoire à cheval entre l'Empire ottoman et la Transcaucasie, cinq à six fois plus vaste que la superficie de l'Arménie actuelle : il couvrait la zone orientale de l'Anatolie, la grande partie ouest du haut-plateau arménien (Turquie) et des terres désormais rattachées à l'Iran et à la Syrie. Les deux tiers des Arméniens forment ainsi la diaspora arménienne à travers le monde.

Les Arméniens forment un groupe ethno-linguistique-religieux distinct dans la région. Ils ont leur propre église apostolique arménienne fondée au 1er siècle. Ils ont également leur propre alphabet et leur propre langage classifié comme une branche de la famille Indo-Européenne affiliée aux langages Balkaniques comme le Grec ou l'Albanais.

Marc Haber vient de publier un papier intitulé: Genetic evidence for an origin of the Armenians from Bronze Age mixing of multiple populations. Dans cette étude il a analysé l'ADN autosomal de 173 Arméniens d'Arménie mais aussi du Liban, et les a comparé à 78 autres populations:
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Une Analyse en Composantes Principales a été effectuée. La figure ci-dessous montre que les Arméniens (en rouge) se regroupent ensemble en haut de la figure et qu'ils sont proche des populations du Proche-Orient (en bleu), d'Europe (en vert) et du Caucase (en orange):
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Plus spécifiquement, les Arméniens sont proches des Espagnols, des Italiens et des Roumains en Europe, des Libanais, des Juifs, des Druze et des Chypriotes au Proche-Orient, et des Georgiens et des Abkhazes du Caucase.

Pour étudier les mélanges génétiques entre populations, les auteurs de cette étude ont utilisé la statistique f3(Arméniens,A,B) qui est significativement négative si les Arméniens sont issus d'un mélange génétique entre les populations A et B.

Les résultats montrent un signal significatif pour un mélange de populations Africaines sub-sahariennes et Ouest Européennes, et un mélange de Sardes et de populations d'Asie Centrale:
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Le plus ancien signal correspond au mélange de populations Africaines sub-sahariennes et Ouest Européennes vers 3800 av. JC., suivi de près par le mélange entre Sardes et populations Caucasiennes. Ensuite plusieurs mélanges apparaissent entre 3000 et 1200 av. JC impliquant diverses populations Eurasiennes:
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L'analyse de structures dans la population Arménienne montre que celle-ci est formée de trois groupes principaux. Des Arméniens issus de la diaspora qui ont leur origine dans l'est de l'Anatolie, des Arméniens d'Arménie séparés en deux sous-groupes principaux, et quelques Arméniens de Tjambarak et de Maykop:
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Les résultats ont ensuite été comparés avec le génome d'Ötzi, un individu des Alpes italiennes du chalcolithique. Un arbre a été construit à l'aide de l'outil TreeMix qui permet de mettre en évidence les relations historiques entre populations. Les résultats montrent un flux de gène d'une population similaire à Ötzi vers les Arméniens correspondant à 29% de l'ascendance des Arméniens:
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Ötzi est proche de la population Sarde et semble repésentatif des fermiers néolithiques.

La statistique f3 permet également de confirmer que les Arméniens ont leur plus grande ascendance génétique chez les Sardes et d'autres populations Européennes.

Pour savoir si l'affinité entre les Arméniens et les Européens précède l'arrivée des fermiers néolithiques en Europe, la même analyse a étét faite en remplaçant le génome de Ötzi par le génome du chasseur-cueilleur ibérique de La Braña vieux de 7000 ans. Les résultats montrent qu'il y a peu d'affinité génétique entre les Arméniens et ce squelette du mésolithique.

En conclusion, la génétique des Arméniens montre une origine dans un mélange de plusieurs populations entre 3000 et 2000 av. JC, une période qui correspond à l'Âge du Bronze et à une utilisation importante des métaux pour les outils des agriculteurs, les chariots et les armes. Cette période correspond également aux premiers systèmes d'écriture, et à l'établissement de routes commerciales. De nombreuses civilisations comme l'Egypte ancienne, la Mésopotamie et la vallée de l'Indus émergent et prennent de l'importance. Cette période correspond également à l'établissement légendaire de l'Arménie en 2492 av. JC. Les signaux de mélanges génétiques disparaissent vers 1200 av. JC, à une époque où les principales civilisations de l'Âge du Bronze de la Méditerranée orientale disparaissent suite à la destruction des principales villes et des routes commerciales. On peut en déduire une isolation importante de l'Arménie à partir de cette époque.

On trouve ainsi chez les Arméniens et dans d'autres populations isolées du Proche-Orient une forte ascendance partagée avec les premiers fermiers Européens dans des proportions comparables aux Européens actuels, mais non comparables aux populations actuelles du Proche-Orient. Les résultats de cette étude montrent que cette ascendance partagée entre Arméniens et Européens date d'une période plus récente que le Néolithique. Les processus démographiques de l'Âge du Bronze ont eu un impact majeur sur la génétique des populations de cette région.