La transition Néolithique est l'un des événements démographiques les plus importants dans le processus de peuplement de l'Europe, après l'arrivée de l'homme moderne au début du paléolithique supérieur. Les dernières études génétiques ont montré que les premiers fermiers d'Europe Centrale appartenant à la culture rubanée (LBK) vers 5500 av. JC. étaient une population étrangère en provenance du Proche-Orient, qui différait beaucoup de la population locale de chasseurs-cueilleurs. Un intérêt particulier réside dans les relations entre les communautés agricoles et foragères après l'arrivée des premiers colons. Cette arrivée s'est elle faite en un unique événement démographique absorbé génétiquement par la population locale ou en de nombreuses vagues successives qui ont permis aux arrivants d'absorber la population locale?

Là encore, les dernières études génétiques ont montré que la population des premiers fermiers d'Europe Centrale est restée stable génétiquement pendant environ 2500 ans jusqu'à la fin du Néolithique. Une caractéristique de cette population est la haute fréquence de l'haplogroupe mitochondrial N1a et la faible occurence des lignages U typique des chasseurs-cueilleurs. Cette continuité génétique a pris fin vers 3100 av. JC par un influx d'haplogroupes chasseurs-cueilleurs, et une augmentation significative de la fréquence de l'haplogroupe mitochondrial H.

Il est intéressant de se poser la question si ce schéma démographique se répète dans des régions voisines. Une de ces régions est la Cujavie située dans le centre de la Pologne dans laquelle les premières communautés rubanées sont arrivées également vers 5500 av. JC. Après 5000 av. JC, cette culture a donné naisance à une culture du Néolithique Moyen du groupe Brześć Kujawski (BKG) affilié à la culture de Lengyel. Ce groupe a toujours été à la frontière du monde Danubien et probablement en contact avec les groupes de chasseurs-cueilleurs situés plus au nord.

Wiesław Lorkiewicz vient de publier un papier intitulé: Between the Baltic and Danubian Worlds: The Genetic Affinities of a Middle Neolithic Population from Central Poland qui présente des données obtenues à partir de tests d'ADN mitochondrial sur des squelettes de sites archéologiques de Cujavie datés entre 4700 et 4000 av. JC.
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Les découvertes archéologiques les plus significatives du groupe BKG ont été faites sur des sites situés à Brześć Kujawski ou dans les proches environs. 25 squelettes de ce groupe ont été analysés par les auteurs appartenant aux sites de Osłonki, Brześć Kujawski et Konary:
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L'étude a porté sur des tests d'ADN mitochondrial. La région HVR1 a été testée ainsi que quelques SNPs de la région codante par RFLP pour discriminer les haplogroupes principaux. Des résultats ont été obtenus sur 11 échantillons:
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Ce sont les premiers résultats obtenus pour le Néolithique du centre de la Pologne. Les haplogroupes H, U5, T et HV0 ont été déterminés. Ils ont été comparés avec des résultats obtenus en Europe Centrale concernant les populations de chasseurs-cueilleurs (HGC), du Néolithique Ancien: la culture rubanés (LBK), la culture de Rössen (RSC) et le groupe Schöningen (SCG), du Néolithique Moyen: la culture Baalberge (BAC), la culture Salzmünde (SMC) et la culture Bernburg (BEC), du Néolithique Final: la culture cordée (CWC) et la culture campaniforme (BBC).

Les résultats obtenus dans cette étude pour le groupe BKG est typique des populations du Néolithique d'Europe Centrale. Cependant, à cause du faible nombre d'échantilllons, il est difficile de donner une interprétation définitive. Cependant il y a une très haute fréquence de l'haplgoroupe H (64%) supérieure à la fréquence de cet haplogroupe dans les populations actuelle d'Europe Occidentale, et 2 fois supérieure à la fréquence de cet haplogroupe des populations du Néolithique Ancien. 3 individus des tombes 11, 40 et 70 du site de Osłonki, ont le même haplotype et pourrait être reliés maternellement. Ces 3 tombes datent toutes de la période entre 4500 et 4300 av. JC.

L'haplogroupe N1a n'a pas été identifié dans cette étude. Ce pourrait être dû au faible nombre d'échantillons étudiés. L'haplogroupe U5 est présent dans 9% des résultats. Ce résultat est intermédiaire entre les résultats obtenus pour les populations du Néolithique Ancien (3,9% pour LBK et 0% pour RSC), et ceux du Néolithique Moyen.

La distance génétique entre les différents groupes est présentée dans la table ci-dessous:
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Des différences statistiques significatives ont été trouvées entre le groupe BKG et le groupe des chasseurs-cueilleurs. Il n'y a par contre pas de différence entre le groupe BKG et le groupe de Rössen (RSC) et la culture Salzmünde (SMC) qui est une variante de la culture à gobelets à entonnoirs(TRBK).

Une Analyse en Composantes Principales a également été effectuée:
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La première composante sépare les fréquences des haplogroupes N1a et U. La seconde composante sépare les fréquences des haplogroupes I, T1 et U2. La troisième composante non représentée ci-dessus sépare les fréquences des haplogroupes HV, H, J et K.

Un premier groupe est constitué des cultures LBK, RSC et SMC. Un second groupe est constitué par les cultures BKG, SCG, TRB, BAC et BEC. Enfin les groupes du Néolithique Final CWC et BBC et des chasseurs-cueilleurs se situent à part.

L'émergence de la culture à gobelets à entonnoirs (TRBK) marque le début d'une seconde étape de la néolithisation de l'Europe qui implique les populations de chasseurs-cueilleurs davantage que précédemment. Selon les résultats de cette étude, le groupe BKG montre des similarités avec les populations post-LBK comme la culture de Rössen (RSC) sauf pour les haplogroupes N1a et U5 qui ont pourtant joués un rôle crucial à cette époque, alors qu'il diffère du groupe LBK. D'un autre côté le groupe BKG partage des affinités avec les cultures du Néolithique Moyen comme la culture TRBK.

En résumé le groupe BKG diffère du groupe LBK des premiers fermiers d'Europe Centrale. Cette discontinuité semble plus importante pour le groupe BKG que pour les autres groupes du Néolithique Moyen d'Europe Centrale. Les affinités génétiques entre les groupes BKG et TRBK sont également importantes sachant qu'une hypothèse donne la Cujavie comme berceau de la culture TRBK qui a joué un grand rôle dans la néolithisation de l'Europe du Nord. Cependant cette affinité pourrait être également dûe à l'absorption importante de population de chasseurs-cueilleurs comme pour la culture TRBK. La réponse à cette question de l'origine de la culture TRBK demande donc davantage de tests génétiques dans cette région de Pologne Centrale.