Dans la pluspart des sociétés occidentales, le patronyme est transmis par la lignée paternelle. Ainsi sa transmission devrait coïncider avec l'ADN du chromosome Y. Cependant, sa mise en place en Europe a commencé relativement récemment au Moyen-Âge. De plus son caractère polyphylétique, les enfants illégitimes, les adoptions ou ses changements ont affaibli ces relations. Dans la pluspart des pays le nombre de patronymes se compte en dizaines de milliers, soit un nombre nettement supérieur au nombre d'haplogroupes du chromosome Y. Le patronyme le plus fréquent en Espagne est Garcia. Il représente environ 3% de la population. Par contre l'haplogroupe du chromosome Y le plus fréquent en Espagne est R1b-M269. Il représente entre 60 et 80% de la population. Cette différence dans les proportions, implique que de nombreux patronymes vont partager le même haplogroupe.

En Espagne, il y a 75.855 patronymes. Ceux-ci ont commencé à être adoptés à partir du 10ème siècle, mais ont été largement employés uniquement à partir du 12ème siècle. Cela coïncide avec la période de reconquête du territoire passé sous le joug des musulmans. Durant ce long processus, de nombreux juifs et musulmans ont adopté progressivement des patronymes chrétiens.

Rosario Calderón vient de publier un papier intitulé: Surnames and Y-Chromosomal Markers Reveal Low Relationships in Southern Spain. Il a étudié la population masculine de deux régions d'Andalousie: Huelva et Granada:
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Les échantillons ont été sélectionné parmi la population dont les quatre grand-parents sont nés dans la région. En Espagne, chaque individu est identifié par deux patronymes: le premier correspond au premier patronyme de leur père et le second correspond au premier patronyme de leur mère. Les femmes ne changent pas de patronyme lorsqu'elles se marient. Dans cette étude, le patronyme étudié correspond au premier patronyme de chaque individu.

Un total de 416 individus a été étudié: 167 de la province de Huelva et 249 de la province de Granada. Ils ont été testés sur 17 marqueurs STR du chromosome Y et sur 49 marqueurs SNP. Parmi tous ces individus, il y a 222 premiers patronymes différents dont 159 sont des singletons (une seule occurence). Les 63 autres patronymes se retrouvent à une fréquence qui varie de 2 à 21. Le patronyme le plus fréquent est Garcia qui représente 5,05% de l'ensemble des échantillons. La figure ci-dessous représente la fréquence des 63 patronymes les plus fréquents:
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La courbe jaune pointillée correspond aux 416 individus de cette étude, la courbe bleue au recensement de 2010 sur toute l'Espagne, et la courbe rouge au recensement de 2010 sur les provinces de Huelva et Granada uniquement. De manière intéressante, ces trois courbes se ressemblent.

Dans cette étude l'occurence correspond au nombre de fois qu'un patronyme apparait dans le groupe d'échantillons, alors que l'abondance correspond au nombre de patronymes pour une occurence donnée. La relation entre occurence et abondance est donnée par la courbe ci-dessous:
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Cette courbe peut se modéliser sous la forme y = a * x ** b avec a=90,27 et b=-1,76. Cette relation implique qu'il y a peu de patronymes fréquents et beaucoup de patronymes rares.

27 des 63 patronymes qui ont au moins 2 occurences correspondent au même haplogroupe. Parmi ceux là, 24 sur 27 correspondent à l'haplogroupe R1b-M269. La fréquence de ce marqueur est de 62% dans cette étude. De manière intéressante, les auteurs ont trouvé trois patronymes avec 3 occurences chacun. Chaque occurence correspondait à 3 haplogroupes différents: E-M81, I1-M253 et J2-M172. Le premier haplogroupe est très fréquent chez les berbères d'Afrique du Nord, le dernier est fréquent au Proche-Orient et sur les rives de la Méditerranée. Enfin celui du mileu est fréquent en Europe du Nord. La figure ci-dessous montre la composition de 10 des patronymes les plus fréquents ainsi que des patronymes qui apparaissent seulement 2 fois (doubletons) ou seulement 3 fois (trios).
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La majorité de ces patronymes a une diversité d'haplogroupes élevée. L'haplogroupe le plus fréquent est R1b-M269, mais on trouve également les haplogroupes suivants: E-V13, E-M81, E-M34, J1-M267, J2-M172, I1-M253, I2-P215 et G2a-P15. Cette diversité est un reflet de l'histoire de la Péninsule Ibérique, notamment l'Andalousie, et ses contacts avec le monde Méditerranéen. Ainsi il est remarquable qu'un grand nombre des descendants de migrants lointains établis en Andalousie ont adopté un patronyme fréquent en Espagne.

Parmi l'ensemble des échantillons, il y a 184 haplotypes différents sur 7 marqueurs STR et 354 haplotypes différents sur 17 marqueurs STR. Beaucoup sont des singletons. 39 individus de patronymes différents partagent le même haplotype sur 7 marqueurs. 5 individus de patronymes différents partagent le même haplotype sur 17 marqueurs. Une faible proportion d'haplotypes sont partagés entre plusieurs patronymes.

Parmi les 165 individus de l'haplogroupe R1b-M269, seulement 38 partagent le même patronyme et le même haplotype sur 7 marqueurs (23%). Parmi les 15 individus de l'haplogroupe J2-M172, 9 partagent le même patronyme et le même haplotype sur 7 marqueurs (60%). Globalement il y a peu de concordance entre patronymes et haplotypes. Les événements de non paternité, mais aussi la rapidité de mutation des marqueurs STR, peuvent être à l'origine de cet écart.

Les patronymes de cette étude ont été comparés avec des listes de patronymes espagnols d'origine arabe ou juive. Il y a ainsi 5 patronymes d'origine arabe, tous singletons. Deux d'entre eux sont de l'haplogroupe R1b-M269. Les autres sont des haplogroupes E-M81, E-V13 et J2-M241. Les patronymes d'origine Séphardiques sont fréquents en Espagne et difficilement discernables.

Globalement, il y a peu d'associations haplogroupe/patronyme, que ce soit avec les patronymes fréquents ou rares. Il y a de nombreux patronymes d'origine Castillane ou Léone dû à la reconquète des terres musulmanes lorsque des familles Castillanes et Léones ont été déplacées en Andalousie. Seuls peu de patronymes sont d'origine arabe. Il semble qu'un grand nombre de musulmans ou de juifs aient choisi un patronyme particulier au moment des conversions. En effet le patronyme de code "pz" comprend de nombreux échantillons d'haplogroupes E-M81 ou E-M34.