Les études récentes ont montré que les populations de l'ouest de l'Eurasie et de l'est de l'Asie ont divergé en dehors de l'Afrique entre 45.000 et 36.200 ans. Il y a des preuves que la branche ouest Eurasienne constituait une meta-population qui s'étendait de l'Europe à l'Asie Centrale et qu'elle a contribué génétiquement à la fois aux Eurasiens de l'ouest contemporains et aux premiers colons Américains. Les premiers Européens ont reçu ensuite un flux de gènes en provenance du Proche-Orient durant le processus de Néolithisation il y a 8000 à 5000 ans. Cependant, ce qui est arrivé ensuite, est beaucoup moins clair.

Les données archéologiques montrent des changements culturels majeurs en Europe et en Asie après le Néolithique. Vers 3000 av. JC., les cultures de fermiers Néolithiques dans l'est de l'Europe sont remplacées par la culture Yamnaya qui est associée à de nouvelles perception de la famille, de la propriété et de l'individu. Vers 2800 av. JC., la culture Cordée, peut-être basée sur la culture Yamnaya, s'est développée en Europe et a remplacé également les anciennes cultures Néolithiques. Dans l'ouest et le centre de l'Asie, les chassseurs-cueilleurs dominaient encore, sauf dans les montagnes de l'Altaï et le bassin de Minusinsk où la culture Afanasievo, proche de la culture Yamnaya, prospérait. A partir de 2000 av. JC., une nouvelle classe de maîtres artisans connus dans la culture de Sintashta a émergé dans l'Oural, construisant des chars, domestiquant les chevaux et produisant de nouvelles armes sophistiquées. Ces innovations se sont diffusées rapidement en Europe et en Asie où elles ont donné naissance à la culture d'Andronovo. Cette dernière a été ensuite remplacée par les cultures Mezhovskaya, Karasuk et Koryakovavers vers 1500 av. JC. Il est encore débattu si ces changements culturels de l'Âge du Bronze en Europe et en Asie sont le fruit de migrations de populations ou de changements culturels dans les différents groupes, et si la diffusion des langues Indo-Européennes est liée à ces événements ou est plus ancienne.

Morten E. Allentoft vient de publier un papier intitulé: Population genomics of Bronze Age Eurasia. Il a obtenu le génome de 101 individus Eurasiens allant de la fin du Néolithique à l'Âge du Fer:
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Une Analyse en Composantes Principales et une Analyse par ADMIXTURE ont été réalisés:
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Les populations du nord et du centre de l'Europe sont composées d'un mélange des groupes de chasseurs-cueilleurs et de fermiers néolithiques, mais elles ont reçu un flux génétique "Caucasien" au début de l'Âge du Bronze qui coïncide bien avec l'expansion Yamnaya en provenance des Steppes Pontiques. Cet événement a résulté en la formation de la culture Cordée, ce qui est supporté par les résultats de la statistique f3 sur les génomes de cette étude. Bien que les cultures Européennes Cordée, Campaniforme, Unetice et Scandinaves de la fin du Néolithique et du début de l'Âge du Bronze sont génétiquement similaires, elles montrent cependant un léger gradient dans leur affinité avec la culture Yamnaya avec la culture cordée la plus proche et l'Âge du Bronze de Hongrie la plus élognée. La culture Campaniforme est dans une position intermédiaire. La statistique D montre de plus que cette influx "Caucasien" dans les cultures Européennes, vient des Steppes Pontiques et non du sud Caucase (Arménie). De manière intéressante les génomes de la culture de Remedello du Chalcolithique d'Italie ne possèdent pas ce flux génétique "Caucasien". Ces individus de Remedello sont donc proche des fermiers Néolithiques. L'affinité génétique importante entre la culture Cordée et la culture de Sintashta suggère une origine commune pour ces deux cultures. La présence d'ascendance Néolithique dans la culture de Sintashta et son absence dans la culture de Yamnaya suggère ainsi que la culture de Sintashta dérive d'une migration vers l'est d'individus issus de la culture Cordée.

En Asie, la culture d'Afanasievo est génétiquement identique à la culture Yamnaya:
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Ces résultats confirment donc que la culture d'Afanasievo correspond à la migration vers l'est d'individus issus de la culture Yamnaya. La culture d'Andronovo est similaire génétiquement à la culture de Sintashta et clairement distincte des cultures Yamnaya et Afanasievo. Ainsi la culture d'Andronovo correspond à une expansion de la culture de Sintashta. A la fin de l'Âge du Bronze, en Asie, la culture d'Andronovo est remplacée par les cultures Karasuk, Mezhovskaya et des cultures de l'Âge du fer qui apparaissent multi-ethniques avec un mélange génétique graduel avec l'Asie de l'est. De manière intrigante, la culture de l'Age du Bronze Okunevo de la région Sayano-Altaï est proche génétiquement des Amérindiens contemporains. Ceci implique que la culture Okunevo pourrait représenter une population ancienne reliée à l'individu du Paléolitique de Mal'ta proche du lac Baïkal.

Ces résultats génétiques qui prouvent la migration d'individus de la culture Yamnaya des Steppes Pontiques à la fois vers le Nord de l'Europe et vers l'Asie Centrale durant le début de l'Âge du Bronze semblent bien correspondre à l'expansion des langues Indo-Européennes. De plus l'ascendance ANE en Europe dérive probablement de ces migrations Yamnaya.

Il est clair que ces résultats autosomaux, mais aussi les résultats mitochondriaux et du chromosome Y prouvent que le gène pool Européen et centre Asiatique de la fin de l'Âge du Bronze est très proche de la structure génétique des populations Européennes contemporaines:
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Des exceptions sont les populations contemporaines de Sardaigne et de Sicile qui sont restées très proches des populations Néolithiques.

De manière intéressante, parmi les 5 individus mâle de la culture Yamnaya, 4 sont de l'haplogroupe du chromosome Y R1b et 1 de l'haplogroupe I2a. Ces résultats sont a rapprocher du papier de Haak dans lequel tous les individus mâle de la culture Yamnaya étaient également R1b. De plus, les 4 individus mâle de la culture Campaniforme sont également tous de l'haplogroupe R1b. Parmi les 6 individus de la culture Cordée, 4 sont R1a, 1 est R1b et 1 est R1.

Les auteurs ont également recherché les variants génétiques assujettis à la sélection naturelle. Ainsi le variant rs1426654 associé à la couleur de la peau montre que l'allèle dérivé correspondant à la peau claire s'est généralisé pendant le Néolithique. Les individus avaient tous la peau foncée au Mésolithique, alors qu'ils avaient tous la peau claire à l'Âge du Bronze. Le variant rs12913832 associé à la couleur des yeux montre que les mésolithiques avaient presque tous les yeux bleus. A l'Âge du Bronze la couleur des yeux était partagée entre des yeux clairs et des yeux foncés. Il est intéressant de remarquer que les yeux bleus étaient absents chez les individus de la culture Yamnaya. Enfin le variant rs4988235 associé à la tolérance au lactose est très peu fréquent à l'Âge du bronze. Il est cependant le plus présent parmi les individus de la culture Yamnaya, indiquant ainsi une possible origine de ce variant dans cette culture des Steppes.
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