Anna Szécsényi-Nagy vient de publier sa thèse intitulée Molecular genetic investigation of the Neolithic population history in the western Carpathian Basin concernant la génétique du Néolithique du bassin des Carpathes. Elle avait publié en 2014 un papier montrant la continuité génétique entre la culture de Starčevo et la culture LBK. Dans sa thèse, l'auteur étudie l'ADN mitochondrial et du chromosome Y de l'ensemble des cultures néolithiques de l'ouest du bassin des Carpathes allant de la culture de Starčevo au complexe Lasinja à la fin du Néolithique:
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32 sites archéologiques allant du Mésolithique à l'Âge du Cuivre ont été choisis pour des analyses d'ADN ancien:
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La figure ci-dessus indique les 31 sites du Néolithique et du Chalcolithique. Le trente deuxième site est un site Mésolithique situé dans le sud de la Croatie. Il s'agit de la grotte Vela Spila. En tout, 323 individus ont été testés pour extraire leur ADN ancien, allant du Mésolithique à l'Âge du Bronze.

Concernant l'ADN mitochondrial, la région HVR1 a été séquencée, ainsi que la région HVR2 uniquement pour les échantillons du même site archéologique et de même séquence HVR1, afin de déterminer une éventuelle parenté. De plus 22 SNPs de la région codante ont été testés pour discriminer les principaux haplogroupes. Concernant l'ADN du chromosome Y, 25 SNPs ont été testés pour discriminer les principaux haplogroupes. Les résultats ont été ensuite comparés aux autres résultats d'ADN ancien obtenus dans des études antérieures, ainsi qu'aux résultats obtenus sur des populations contemporaines.

L'unique échantillon Mésolithique de cette étude est de l'haplogroupe mitochondrial U5b2a5. Cela supporte les résultats obtenus dans la population Mésolithique Européenne principalement de l'haplogroupe U. Un large spectre d'haplogroupes nouveaux apparaissent avec les premiers fermiers Néolithiques: K, J, T2, N1a, HV et V remplaçant ainsi le substrat Mésolithique:
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La culture de Vinča montrent davantage d'individus de l'haplogroupe U que les autres cultures Néolithiques. Les cultures de la fin du Néolithique ont la même diversité génétique que celles du début du Néolitique. Cependant la fin du Néolithique voit l'accroissement des haplogroupes U8, W et T1.

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Une Analyse en Composantes Principales a été réalisée pour comparer les cultures étudiées dans cette thèse avec les autres cultures archéologiques Européennes:
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La première composante sépare les chasseurs-cueilleurs (en gris) des fermiers Néolithiques (en rouge). La seconde composante sépare les individus de l'Âge du Bronze (en jaune), des chasseurs-cueilleurs et des Néolithiques du sud-ouest de l'Europe (en rouge foncé). Toutes les cultures Néolithiques de l'ouest du bassin des Carpathes se regroupent à la droite de cette figure. La culture Lasinja (BL) de la fin du Néolithique se rapproche cependant des cultures de l'Âge du Bronze.

32 individus ont donné des résultats concernant les tests de l'ADN du chromosome Y:
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Les haplogroupes F*, G2a et I2a sont présents dans la culture de Starčevo. L'unique individu de la culture de Vinča est G2a. La culture LBKT contient un G2a et un I1. Curieusement les haplogroupes G2a et F ne sont pas trouvés dans la culture de Sopot (probablement un problème de sous-échantillonage). On remarque l'apparition des haplogroupes E1b, J2 et C que l'on trouve également dans la culture Lengyel associés aux haplogroupes F* et G. Il y a un F* et un C dans la culture de Lasinja. Trois échantillons de l'Âge du Bronze voient l'apparition de l'haplogroupe R1b pour la première fois dans cette région.

L'haplogroupe I est clairement un héritage du Mésolithique. L'haplogroupe G est associé à l'arrivée des premiers fermiers Néolithiques en Europe en provenance du Proche-Orient. L'haplogroupe F* apparait également pour la première fois en Europe au Néolithique. Des études supplémentaires seront nécessaires pour mieux caractériser cette branche F qui contient notamment l'haplgroupe H. L'haplogroupe C1 a préalablement été trouvé dans des individus du Paléolithique (Kostenki en Russie) et du Mésolithique (La Brana en Espagne). Il pourrait être ainsi également un héritage du Mésolithique en Europe. L'haplogroupe J2 est détecté pour la première fois dans des échantillons du Néolithique Européen. Il a toujours été associé à la diffusion Néolithique en Europe. L'haplogroupe E1b-V13 a déjà été détecté chez un individu du Néolithique Ancien d'Espagne. L'haplogroupe R1b apparait à deux reprises à l'Âge du Bronze dans cette étude: dans un individu de la culture de Vučedol daté de 2870 à 2580 av. JC., et dans un individu de la culture de Gáta/Wieslburg daté de 1950 à 1760 av. JC. De manière intéressante l'individu de la culture de Vučedol est plus ancien que les précédents échantillons R1b de la culture Campaniforme. Il serait intéressant de savoir s'il appartient à la sous-clade R1b-L51 comme les campaniformes, ou à la sous-clade R1b-Z2103 comme les individus de la culture Yamnaya.

En conclusion, l'arrivée des premiers fermiers néolithiques à l'ouest du bassin des Carpathes montre une forte discontinuité génétique qui implique une migration massive d'une population en provenance du proche-Orient dans la région. Cependant l'individu d'haplogroupe mitochondrial U4 et celui d'haplogroupe du chromosome Y I2a dans la culture de Starčevo impliquent une très faible acculturation de chasseurs-cueilleurs dans cette culture du Néolithique Ancien.

La différence entre les cultures de Starčevo et LBKT est visible uniquement dans la plus forte présence de l'haplogroupe H dans la culture de LBKT. Cet haplogroupe H a précédemment été détecté dans des individus Pré-Néolithiques de la Péninsule Ibérique et du Nord-Est de l'Europe, mais jamais en Europe Centrale. Il est donc difficile de dire aujourd'hui si le surplus d'haplogroupe H dans la culture LBKT est dû à l'intégration de chasseurs-cueilleurs ou à l'arrivée de nouveaux migrants Néolithiques du Proche-Orient. Une étude sur la région codante de l'ADN mitochondrial sera nécessaire pour distinguer les échantillons H Pré-Néolithiques et Néolithiques.

Globalement les résultats de cette étude montrent une forte continuité génétique tout le long du Néolithique. Cependant, la disparition de l'haplogroupe N1a et l'apparition des haplogroupes W et U8 dans la culture Lasinja de la fin du Néolithique pourrait indiquer plusieurs migrations successives de fermiers Néolithiques dans la région.