Durant les 2000 dernières années les Îles Britanniques ont subi plusieurs migrations bien documentées: l'arrivée des Romains au premier siècle de notre ère, les Anglo-Saxons venus des côtes de la mer du Nord entre 400 et 650, les Vikings Scandinaves entre 800 et 1000 et enfin les Normands en l'an 1066. Ces événements ont produit une ascendance génétique complexe de la population Britannique.

Stephan Schiffels vient de publier un papier intitulé: Iron Age and Anglo-Saxon genomes from East England reveal British migration history dans lequel il analyse le génome complet de 10 anciens individus issus des sites archéologiques de Hinxton (5 échantillons), Oakington (4 échantillons) et Linton (1 échantillon) dans l'est de l'Angleterre, proche de Cambridge:
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Tous ces individus ont été datés au radiocarbone et appartiennent à 3 périodes distinctes: la fin de l'Âge du Fer (vers 100 av. JC.) pour 2 individus d'Hinxton et l'individu de Linton, le début de la période Anglo-Saxonne (5ème et 6ème siècles) pour les 4 individus de Oakington et le milieu de la période Anglo-Saxonne (7ème au 9ème siècles) pour 3 individus de Hinxton.

Les 2 individus de l'Âge du Fer de Hinxton sont des hommes, les autres sont des femmes. Les haplogroupes mitochondriaux et du chromosome Y ont été déterminés pour tous ces individus:
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Ces haplogroupes sont très communs chez les Britanniques contemporains notamment les hommes qui sont R1b-L21 et R1b-DF13.

Une Analyse en Composantes Principales a été effectuée pour comparer ces 10 individus aux populations actuelles Européennes:
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Les anciens individus sont proches des Anglais et Ecossais contemporains, mais les individus de l'Âge du Fer sont plus proches des Anglais et des Français et les Anglo-Saxons plus proches des Ecossais et des Norvégiens. Cependant, la différence génétique entre ces échantillons est très mince.

L'analyse des variants rares permet d'étudier des structures génétiques récentes. Ainsi les auteurs ont étudié des variants rares dont la fréquence est inférieure à 1% dans un panel de référence de 433 Européens de Finlande, Espagne, Italie, Pays-Bas et Danemark. Ces variants rares ont ensuite été recherchés dans les 10 anciens individus de l'est de l'Angleterre. Les résultats montrent ainsi de fortes différences dans le rapport entre les allèles rares partagés avec les Néerlandais et avec les Espagnols:
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Les échantillons du milieu de la période Anglo-Saxonne de Hinxton partagent plus de rares variants avec les Néerlandais contemporains que les échantillons de l'Âge du Fer de Hinxton et de Linton. Les échantillons du début de la période Anglo-Saxonne de Oakington sont plus divers avec O1 et O2 proches des Anglo-Saxons de Hinxton, O4 proche des individus de l'Âge du Fer et O3 étant dans une position intermédiaire suggérant une ascendance mélangée. Cette différence entre les échantillons est plus importante pour les variants les plus rares et décroit lorsque la fréquence du variant augmente. Ce point est consistant avec le fait que les variants rares sont plus jeunes que les variants plus fréquents.

Les variants rares ont également été analysés dans 30 individus contemporains de Grande-Bretagne (Est de l'Angleterre, Pays de Galles et Ecosse). Ces échantillons sont plus proches des ancien individus de l'Âge de Fer que des Anglo-Saxons. Il y a une petite mais significative différence entre les échantillons contemporains Britanniques. En effet les Anglais de l'est partagent plus d'allèles avec les Néerlandais et les Ecossais sont plus proches des échantillons de l'Âge du Fer. Ainsi les Anglais de l'est contemporains ont environ 30% de leur ascendance Anglo-Saxonne alors que les Gallois et les Ecossais n'en ont environ que 20%.

Les auteurs ont ensuite défini une nouvelle méthode (figure a ci-dessous) pour déterminer un modèle démographique qui simule la distribution des variants rares. La méthode a été validée sur des données simulées (figure b ci-dessous). Elle a été ensuite appliquée sur 524 échantillons appartenant à 6 populations européennes (figure c ci-dessous):
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La séparation entre Européens du sud et du nord apparait il y a 7000 ans. Ensuite on voit 3 séparations distinctes il y a environ 4500 ans: entre Finlandais, Britanniques, Danois et Néerlandais. Le regroupement des Britanniques avec les Finlandais est surprenant, mais est probablement dû à la présence d'échantillons dans les îles Orcades longtemps annexées par les Vikings. L'âge de la séparation entre Italiens et Espagnols, voisin de 2700 ans, est énigmatique et est expliqué par les auteurs par la conséquence de migrations suivant une séparation plus précoce.

Ensuite les auteurs ont placé les anciens échantillons sur l'arbre obtenu (figure d ci-dessus). Les Anglo-Saxons apparaissent principalement sur la branche Danoise et un peu sur la branche Néerlandaise (selon les échantillons), alors que les échantillons de l'Âge de Fer apparaissent à la base de la branche ancestrale à tous les Européens du Nord. Il y a cependant une exception avec l'échantillon O4 d'Oakington qui se place comme les échantillons de l'Âge du Fer.

De manière intéressante les échantillons du début de la période Anglo-Saxonne apparaissent plus mélangés génétiquement que les échantillons du milieu de la période Anglo-Saxonne, suggérant un flux continu de migrants Anglo-Saxons en Grande-Bretagne. De plus l'individu appartenant à la tombe la plus riche de la période des débuts des Anglo-Saxons est celui qui a une ascendance la plus proche des échantillons de l'Age du Fer.