Le peuple Ket est un groupe ethnique du bassin de la rivière Ienisseï de Russie. Ils sont considérés comme les derniers nomades chasseurs-cueilleurs de l'Asie du Nord en dehors des côtes Pacifiques, jusqu'à leur sédentarisation forcée dans les années 1930. La langue Ket est distincte de toutes les familles linguistiques connues, mais était autrefois rattachée à une famille du bassin de la rivière Ienisseï dont tous les éléments ont aujourd'hui disparus suite à de nombreuses pressions démographiques. Les Kets ont progressivement migré vers le nord le long de la rivière Ienisséï et résident maintenant dans plusieurs villages du district de Turukhansk.

Des traces des langues Ienisséïques sont retrouvées actuellement dans plusieurs langues Turques de Sibérie du Sud, reflétant probablement des mélanges génétiques entre ces peuples. Cependant le peuple Ket est resté longtemps isolé. Pourtant, après les épidémies de variole des 17ème et 18ème siècles, les Kets se sont mariés plus souvent avec des individus du peuple Selkup qui élève le renne et parle une langue Ouralienne. Depuis leur sédentarisation, les Kets se sont davantage mélangés avec les peuples Sibériens et Russes.

Récemment, plusieurs études ont proposé un lien entre les langues Ienisséïques et les langues Na-Dené du Nord-Ouest de l'Amérique.

Pavel Flegontov vient de publier un papier intitulé: Genomic study of the Ket: a Paleo-Eskimo-related ethnic group with significant ancient North Eurasian ancestry. Il a étudié le génome de 46 échantillons Kets et 42 échantillons des peuples Ouraliens voisins.
2015_Flegontov_FigureS1.1.jpg

Environ 130.000 marqueurs autosomaux ont été testés, les haplogroupes mitochondriaux et du chromosome Y ont été déterminés. Ces échantillons ont été comparés à plusieurs populations modernes de Sibérie et du Nord de l'Amérique, ainsi qu'à plusieurs échantillons anciens comme l'homme de Mal'ta vieux de 24.000 ans de Sibérie et un paléo-eskimo Saqqaq vieux de 4000 ans.

Une analyse avec le logiciel ADMIXTURE a été effectuée:
2015_Flegontov_Figure1A.jpg

Pour une valeur supérieure ou égale à K=11, le logiciel identifie une composante spécifique pour le peuple Ket. Cette composante (orange ci-dessus) est proche de 100% chez les Kets. Elle est également très importante (jusqu'à 81,5%) chez les Selkups. Elle est supérieure à 20% dans quatre populations de la région de l'Altaï qui parlent une langue Turque: les Shors, les Khakases, les Altaïens et les Teleuts. De manière intéressante, cette composante Ket apparait également dans l'ancien génome Saqqaq (7,2%).

Le logiciel ADMIXTURE montre également l'existence d'une composante commune entre les Kets et des peuples parlant une langue Samoyède ou une langue Ouralienne: Selkups, Enets, Nenets, Khanty et Mansi. Cette composante est présente à une proportion qui varie de 5,5 à 22% selon les peuples. Elle est également présente dans l'échantillon ancien du Saqqaq.

L'Analyse en Composantes Principales, ainsi que les statistiques f3 et f4, montrent que les Kets et les Selkups forment un groupe avec les Nganasans:
2015_Flegontov_FigureS6.3.jpg

Les Nganasans, les Ulchis et les Yukaghirs sont également les populations les plus proches de l'échantillon ancien paléo-eskimo Saqqaq.

Le logiciel TreeMix montre également que les populations Nganasans, Kets, Selkups, Evens et Yukaghirs forme un groupe. De plus une migration apparait entre la branche Saqqaq et la base de ce groupe:
2015_Flegontov_Figure2A.jpg

Ainsi les Kets et les Selkups appartiennt à un groupe de populations proche génétiquement des paléo-eskimos.

Contrairement aux Nganasans, les Kets et les Selkups ont une forte proportion d'ascendance issue de l'homme de Mal'ta (entre 27 et 62% selon les échantillons). Cette ascendance a été appelée Ascendance Nord Eurasienne dans des études précédentes. Pour comparaison, cette ascendance ANE est voisine de 2% chez les Nganasans, de 30 à 39% chez les Karitianas d'Amérique du sud et de 23 à 28% chez les Mayas. On peut supposer que les Kets sont issus d'un mélange génétique formé de l'ascendance ANE et d'une ascendance Est Asiatique. Les Kets ont la plus forte proportion d'ascendance ANE de toutes les populations modernes Eurasiennes situées à l'ouest des péninsules Tchoukotka et Kamchatka. Les auteurs supposent que l'ascendance ANE est entrée chez les Kets à l'Âge du Bronze avec la culture Okunevo. Elle est entrée chez les Selkups seulement aux 17ème et 18ème siècles lorsqu'ils se sont mélangés avec les Kets.

Dans cette étude, les populations Na-Dené sont représentées par les Athabaskans, les Chipewyans, les Tlingits et les Haidas. Des études précédentes ont proposé un lien entre les langues Na-Dené et les langues Ienisséïques. Cependant cette étude génétique ne montre pas de liens entre les Kets et les Athabaskans, les Chipewyans ou les Tlingits. Pourtant un faible signal existe entre les Kets et les Haidas détecté par la statistique f3. Alors que les Nganasans sont plus proches des Chipewyans ou Tlingits.

Les haplogroupes mitochondriaux et du chromosome Y ont été déterminés pour l'ensemble des 46 échantillons Kets de cette étude. Ainsi l'haplogroupe mitochondrial U4 est prépondérant (environ 30%). De manière intéressante les anciens chasseurs-cueilleurs Européens sont à très forte majorité de l'haplogroupe U. L'homme de Mal'ta est également de l'haplogroupe U. Ainsi l'haplogroupe U4 chez les Kets peut être représentatif de l'ascendance ANE. D'autre part, plus de 90% des Kets sont de l'haplogroupe du chromosome Y: Q1a. Deux échantillons Kets sont des haplogroupes I1 et I2. Il est également tentant d'associer l'haplogroupe Q1a avec l'ascendance ANE. Ainsi 1 échantillon sur 4 de la culture de l'Âge du Bronze: Karassouk est de l'haplogroupe Q1a. Cette culture a été associée aux peuples parlant une langue Ienisséïque.