Les populations Balto-Slaves constituent environ un tiers des Européens actuels et occupent environ la moitié du continent Européen. Il y a un consensus parmi les linguistes pour indiquer que les langues Baltes et Slaves sont issues d'une racine commune: le proto-Balto-Slave qui s'est séparé des autres langues Indo-Européennes il y a environ 4500 à 7000 ans. Son origine est supposée en Europe Centrale. La séparation entre les langues Balte et Slave est supposé datée d'environ 3500 à 2500 ans. La séparation entre les différentes langues Slaves daterait entre 1700 et 1300 ans au moment de la dispersion de ces populations. Ces dispersions ont affecté des régions préalablement occupées par des populations de langue Baltique, Finno-Ougrienne ou Turque dans l'est de l'Europe, de langue Germanique dans le centre de l'Europe et diverses langues dans les Balkans.

Les études génétiques précédentes ont montré que les populations Slaves diffèrent peu de leurs voisins non Slaves. Notamment les lignages masculins et féminins d'Europe de l'est semblent plus âgés que la dispersion historique des Slaves du début du Moyen-Âge. Cependant une récente étude autosomale sur la distribution des segments IBD (Identical By Descent) révèle de nombreux segments partagés par différentes populations Européennes, datés entre 2000 et 1000 ans.

Alena Kushniarevich vient de publier un papier intitulé: Genetic Heritage of the Balto-Slavic Speaking Populations: A Synthesis of Autosomal, Mitochondrial and Y-Chromosomal Data. Les auteurs ont étudié les variations génétiques patrilinéaires, matrilinéaires et autosomales de différentes populations Balto-Slaves. Ainsi 6876 échantillons mitochondriaux, 6079 échantillons du chromosome Y et 296 génomes complets représentant toutes les populations Balto-Slaves actuelles ont été testés:
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Une Analyse Mutlidimensionnelle a été réalisée sur les résultats autosomaux (figure 2A ci-dessous), les résultats du chromosome Y (figure 2B ci-dessous) et les résultats mitochondriaux (figure 2C ci-dessous):
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Dans les schémas autosomaux et du chromosome Y, la plupart des populations Balto-Slaves sont dispersées suivant un axe nord-sud correspondant à leur position géographique. Ainsi les Slaves de l'est (Russes du sud et du centre, Bélarusses et Ukrainiens) forment un groupe dans les figures 2A et 2B. Les Russes du Nord se séparent de ce groupe et rejoignent leurs voisins géographiques Finlandais. Les Slaves de l'ouest sont plus différenciés. Notamment les Tchèques et dans une moindre mesure les Slovaques se positionnent plus près des Allemands, alors que les Polonais restent proche des Slaves de l'est. La plupart des Slaves du sud sont séparés du reste des populations Balto-Slaves et forment un groupe à part, avec des différenciations internes entre les populations du sud-ouest (Slovènes, Croates et Bosniaques), et les populations du sud-est (Macédoniens et Bulgares). Les Serbes se situent entre ces deux groupes. La distance génétique entre Slaves du sud est aussi ou plus importante que celle des Slaves de l'est alors que leur région géographique est plus petite. Enfin les populations Baltes se situent à côté de leurs voisins Estoniens dans le schéma du chromosome Y alors qu'elles sont plus proches des Slaves de l'est dans le schéma autosomal. Le schéma mitochondrial est cependant beaucoup moins structuré.

Les auteurs ont ensuite utilisé le logiciel ADMIXTURE pour étudier les composantes ancestrales des populations Balto-Slaves. Le résultat est optimal pour 6 composantes:
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Les populations Balto-Slaves incluent principalement 2 composantes k2 (bleu-clair) et k3 (bleu-foncé) bien que dans des proportions distinctes. La composante k3 est présente dans toutes les populations Européennes et décroit du nord-est vers le sud. Ainsi, cette composante est importante chez les Baltes et les Slaves de l'est, et décroit notablement chez les Slaves du sud. Au contraire, la composante k2 est importante autour de la Méditerranée et dans la région du Caucase et décroit vers le nord de l'Europe. Ainsi, si elle atteint environ 30% chez les Slaves du sud, elle tombe à environ 5% chez les Russes du nord et les Baltes. Une troisième composante k5 se retrouve seulement dans les populations Slaves de l'est et de l'ouest et les Russes du nord.

Les auteurs ont ensuite analysé les segments IBD entre les différentes populations. Pour cela ils ont créé deux groupes: le premier rassemble les Slaves de l'est et de l'ouest, le second les Slaves du sud. Sept autres groupes rassemblent les autres populations. Les résultats sont les suivants:

  • la statistique IBD entre les Slaves de l'est et de l'ouest et les Slaves du sud est plus significative qu'entre les Slaves de l'est et de l'ouest et les populations de la région de la Volga, les Européens de l'ouest et les Nord Caucasiens.
  • la statistique IBD entre les Slaves de l'est et de l'ouest et les Slaves du sud est plus faible qu'entre les Slaves de l'est et de l'ouest et les populations du nord-est de l'Europe (populations Baltes, Estoniens, Karéliens et Russes du nord).
  • la statistique IBD entre les Slaves de l'est et de l'ouest et les Slaves du sud est équivalente à celle entre les Slaves de l'est et de l'ouest et les populations de Hongrie, Roumanie ou les Gagaouzes de Moldavie.
  • la statistique IBD entre les Slaves du sud et les populations de Hongrie, Roumanie ou les Gagaouzes de Moldavie est équivalente à celle entre les Slaves du sud et les Slaves de l'est et de l'ouest.
  • la statistique IBD entre les Slaves du sud et les grecs est plus faible que celle entre les Slaves du sud et les Slaves de l'est et de l'ouest.

Les auteurs ont également appliqué une approche lexico-statistique pour estimer la phylogénie des différentes langues Balto-Slaves actuelles:
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La séparation entre les langues Slaves de l'ouest, de l'est et du sud est estimée autour de 1900 ans.

Cette étude a montré la proximité génétique entre les populations Slaves de l'ouest et de l'est occupant une aire géographique s'étendant entre la Pologne et la région de la Volga. Ces populations sont caractérisées par une forte proportion des haplogroupes mitochondriaux: H5, H6 et U4a. Au contraire les Slaves du sud montre une plus grande diversité génétique, sur une plus petite aire géographique dans les Balkans. Les auteurs proposent de caractériser les Slaves de l'est et de l'ouest par un substrat Européen du Centre-Est défini par la composante autosomale k3 et une forte proportion de l'haplogroupe du chromosome Y R1a, et les Slaves du sud par un substrat Européen Sud-Est défini par la composante autosomale k2 et une forte proportion des haplogroupes du chromosome Y: I2a et E. Ce substrat Européen Sud-Est ne s'étend pas à l'ensemble des Balkans puisque les Grecs sont différenciés des Slaves du sud.