La pratique de l'agriculture a débuté il y a environ 11.000 ans au Proche-Orient, avant de se diffuser vers l'ouest et le nord à travers l'Europe, transformant ainsi le mode de vie des petits groupes de chasseur-cueilleurs. Les premières études de génétique sur des squelettes préhistoriques Européens ont montré que la transition agricole a été provoquée par des migrations suivies par des mélanges génétiques avec les groupes de chasseur-cueilleurs. La péninsule Ibérique représente l'extrémité occidentale de la transition Néolithique qui a atteint les côtes Méditerranéennes Espagnoles il y a environ 7600 ans, l'intérieur de la péninsule il y a environ 7300 ans et la côte Nord Cantabrique entre 7300 et 6800 ans. Les études mitochondriales sur des échantillons Ibériques du Néolithique et du Chalcolithique n'ont pas permis de conclure avec des affinités suggérées avec le Proche-Orient et des mélanges génétiques entre chasseurs-cueilleurs et agriculteurs. Les processus de Néolithisation dans la péninsule Ibérique restent ainsi contentieux. Les relations des premiers fermiers Ibériques avec les premiers fermiers d'Europe Centrale et avec les groupes de chasseur-cueilleurs, ainsi que leur contribution au pool génétique des Ibériques modernes sont cruciales pour comprendre l'histoire démographique de la région. De plus, la connexion des Basques avec leurs voisins régionaux est d'un intérêt particulier, pour déterminer leur origine longtemps débattue.

Torsten Günther vient de publier un papier intitulé: Ancient genomes link early farmers from Atapuerca in Spain to modern-day Basques. Il a étudié les restes de 8 individus de la grotte de El Portalón de Cueva Mayor dans la Sierra de Atapuerca, située à côté de Burgos dans le nord de l'Espagne. Ces individus appartiennent aux périodes Chalcolithique et de l'Âge du Bronze entre 5500 et 3500 ans avant le présent:
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Le séquençage complet de ces huit individus a été réalisé. Il y a 4 hommes et 4 femmes.
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Les haplogroupes mitochondriaux sont U5, H3, K1a, J1c et X2c. L'haplogroupe U5 est associé aux chasseur-cueilleurs, les haplogroupes K1a, J1c et X2c sont associés aux agriculteurs et l'haplogroupe H3 aux 2 groupes. Seulement 2 haplogroupes du chromosome Y ont été déterminé: H2 et I2a. L'haplogroupe I2a est associé aux chasseur-cueilleurs et l'haplgroupe H2 a déjà été trouvé dans un échantillon issu d'un agriculteur de la culture de Starcevo. Ainsi, les haplogroupes mitochondriaux et du chromosome Y indiquent un mélange génétique entre chasseur-cueilleurs et agriculteurs.

Tous les individus de El Portalón sont intolérants au lactose. Ils ont la peau claire. Leur couleur des yeux est variée mais avec une tendance à être plutôt marron, contrairement au chasseur-cueilleur de La Braña.

Une Analyse en Composantes Principales a été réalisée pour comparer les individus de El Portalón avec d'autres échantillons préhistoriques et des populations modernes:
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Il y a une nette séparation entre les chasseur-cueilleurs et les agriculteurs quelle que soit leur origine géographique. Les populations modernes les plus proches du groupe des chasseur-cueilleurs sont les Européens du Nord. Au contraire, les populations modernes les plus proches du groupe des agriculteurs sont les Européens du Sud. Ces résultats sont conformes avec ceux obtenus à partir de la statistique f3. Ils démontrent que le processus de Néolithisation a été mené par une migration d'un groupe génétiquement homogène vers la péninsule Ibérique, l'Europe Centrale et la Scandinavie.

Les auteurs ont ensuite appliqué un modèle démographique pour tracer un graphe représentant les mélanges génétiques entre individus:
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Ce graphe met en évidence un lien génétique entre un chasseur-cueilleur de Sibérie vieux de 24.000 ans (MA1) et les chasseur-cueilleurs Scandinaves (Motala 12). Les agriculteurs du Chalcolithique (ATP2 et Iceman) et les agriculteurs Scandinaves (Gok2) possèdent une certaine quantité de gènes issus des chasseur-cueilleurs, au contraire des premiers fermiers d'Europe Centrale (Stuttgart et NE1). Cette ascendance chasseur-cueilleur augmente avec le temps chez les agriculteurs Européens comme le montre la figure ci-dessous:

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La meilleure source d'ascendance chasseur-cueilleur chez les individus de El Portalón semble être un mélange des individus Mésolithiques de La Braña en Ibérie et de Loschbour au Luxembourg, alors que les agriculteurs de la fin du Néolithique d'Europe Centrale ont reçu leur ascendance chasseur-cueilleur à partir des chasseur-cueilleurs Scandinaves. Ceci démontre que les premières populations d'agriculteurs arrivées en Europe en provenance du Proche-Orient ont assimilé petit à petit, pendant des millénaires, les groupes de chasseur-cueilleurs voisins.

Les auteurs ont ensuite comparé les individus de El Portalón avec les populations modernes à l'aide du logiciel ADMIXTURE:
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Toutes les populations actuelles d'Ibérie possèdent de l'ascendance issue des chasseur-cueilleurs (en bleu) et des agriculteurs (en orange), mais également d'Afrique du Nord (en jaune) et du Caucase/Asie Centrale (en noir). Ces deux dernières ascendance ont pu arriver en Ibérie, durant l'Âge du Bronze ou plus tard avec l'Empire Romain. Les Basques forment une exception puisque ils possèdent pas ou très peu d'ascendance d'Afrique du Nord et du Caucase/Asie Centrale. De manière générale, la statistique f3 montre que parmi tous les Européens, les Basques et les Sardes montrent le plus d'affinité génétique avec les individus de El Portalón:
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De plus, la statistique D montre que les Basques représentent la population moderne la plus proche génétiquement des individus de El Portalón. Ces données suggèrent donc que les Basques contemporains prennent leur origine génétique chez les premiers fermiers d'Ibérie.

Ces résultats sont un peu surprenant puisque les Basques ont longtemps été pris pour un relicat isolé proche des populations Mésolithiques de la région, et que la langue Basque était supposée un reste des langues Mésolithiques Européennes. Les données de cette étude suggèrent au contraire que la langue Basque est probablement un relicat des langues des premiers agriculteurs Européens.