L'histoire humaine de l'Afrique du Nord est un processus démographique complexe caractérisé par de multiples migrations, mélanges génétiques et effets fondateurs. La première occupation de la région par l'homme moderne remonte à environ 160.000 ans, et se poursuit ensuite durant la culture Atérienne. Il a été suggéré que la population actuelle d'Afrique du Nord correspond à un retour vers l'Afrique avant le début de l'holocène. Une des populations les plus caractéristiques de la région est la population berbère qui est supposée descendre de ces premiers habitants venus du Moyen-Orient. Les événements historiques ont ensuite enregistré de multiples migrations: Phéniciens, Romains, Vandales, Byzantins, Juifs, Espagnols et Français ainsi que la présence de plusieurs groupes locaux: les Libyens, les Maures, les Gétules et les Numides. Cependant, l'événement historique le plus important est sans conteste la conquête Arabe du 7ème siècle qui a imposé la conversion à l'islam et l'apprentissage de la langue Arabe dans la région. Ceci a influencé la distribution géographique des communautés berbères actuelles confinées dans des régions périphériques et isolées entre la Mauritanie et l’Égypte. Le nomadisme est un des facteurs qui a contribué à l'isolement de ces populations qui ont divergé dans leurs cultures et leurs langues. Ainsi la population d'Afrique du Nord est une mosaïque de peuples différents représentés par une élite romanisée, puis arabisée dans les villes et les populations berbères dans les campagnes. En Afrique du Nord, l'Algérie est endroit clef pour comprendre les processus démographiques de la région, située entre la Méditerranée et le Sahara. Plusieurs dialectes berbères y sont représentés: Chouia, Kabyle, M'Zab, Zénète, Chleuh et Touareg.
Asmahan Bekada vient de publier un papier intitulé: Genetic Heterogeneity in Algerian Human Populations. Il a analysé les deux marqueurs uni-parentaux (ADN mitochondrial et du chromosome Y) ainsi que l'ADN autosomal dans plusieurs groupes d'Algérie parlant berbère ou arabe. Ainsi 4 populations ont été testées: Oranais, Algérois, Reguibats (tribu parlant Arabe qui revendique descendre de Sidi Ahmed al-Rgibi qui vivait au 16ème siècle dans le Sahara Occidental. Ce sont d'anciens nomades sédentarisés aujourd'hui au Maroc, au Sahara Occidental et dans la région de Tindouf dans l'ouest de Algérie) et Zénètes (groupe berbère qui vit aujourd'hui dans la ville de Timimoun) (points rouges ci-dessous):
Des échantillons issus d'études antérieurement publiées ont été ajoutés à cette analyse. Ce sont des Oranais, des Algérois, des berbères de Tizi Ouzou et des berbères Mozabites (points jaunes ci-dessus).
Les échantillons ont été testés sur 19 marqueurs STR et 165 marqueurs SNP du chromosome Y, la région HVR1 et 21 SNP de la région codante pour l'ADN mitochondrial. Pour l'ADN autosomal, les populations algériennes ont été comparées à des Yorubas d'Afrique, des Basques Français et des Palestiniens.
La composition des lignages paternels est comparable à celle des autres populations d'Afrique du Nord avec une prépondérance de l'haplogroupe E1b-M81, suivi par E1b-M78 originaire du nord-est de l'Afrique et J. L'haplgroupe J1-M267 a été attribué à l'expansion islamique. Cependant les fréquences des différents haplogroupes varient fortement en fonction des groupes Algériens étudiés, indépendamment de leur affiliation linguistique. Certains haplogroupes sub-Sahariens sont présents à des fréquences non négligeables dans certains groupes comme les Zénètes (23%), alors que le groupe Européen R1-M173 est présent à des fréquences variables. La diversité génétique est la plus basse chez les Reguibats et les Mozabites. Il est important de noter que la faible diversité n'est donc pas une caractéristique des peuples berbères puisque les Zénètes présentent une forte diversité génétique, alors que les Arabes Reguibats présentent une faible diversité génétique.
Une analyse en Composantes Principales (PCA) sur la fréquence des haplogroupes du chromosome Y et une analyse Multi-Echelles ont été réalisées:
Les Algérois et les Oranais se regroupent entre eux sur la PCA et la première composante sépare les populations du Nord (Algérois et Oranais) des Mozabites et des Reguibats. Ces derniers sont caractérisés par une haute fréquence de E1b-M81 et une absence de E1b-M78.
Les échantillons Algériens présentent un mélange de lignages maternels Eurasiens, Nord Africains et sub-Sahariens. Les haplogroupes sub-Sahariens (L) sont très fréquents chez les Zénètes (65%) par rapport aux autres groupes. L'haplogroupe Nord Africain U6 est absent chez les Algérois et se retrouve chez un seul individu Zénète, alors qu'il atteint une fréquence qui varie de 8,3 à 28,2% dans les autres groupes. Un autre groupe Nord Africain: M1 est absent chez les Zénètes.
L'Analyse en Composantes Principales sur la fréquence des haplogroupes mitochondriaux montre que la première composante sépare les Reguibats (haute fréquence de U6) des Algérois (haute fréquence de J):
La forte contribution sub-Saharienne différencie également les Zénètes via la seconde composante.
Une Analyse en Composantes Principales a également été réalisée sur l'ADN autosomal. Les deux premières composantes séparent les Yorubas, les Palestiniens, les Basques et les Algériens. Tous les groupes forment un ensemble compact sauf les berbères Algériens (Mozabites et Zénètes) qui s'étendent vers les Africains sub-Sahariens:
Une analyse avec le logiciel ADMIXTURE a également été réalisée:
K=2 fait apparaître une composante sub-Saharienne et une composante Européenne. K=3 ajoute une composante Afrique du Nord/Moyen-Orient et K=4 une composante Afrique du Nord et une composante Moyen-Orient. Les Algériens présentent un mélange complexe de ces composantes. Les Mozabites possèdent la plus haute proportion de composante d'Afrique du Nord. Les Zénètes présentent de fortes variations des proportions des différentes composantes dues à différents mélanges de gènes sub-Sahariens.
Afin de voir si ces différences détectées dans les populations Algériennes montrent des distinctions suivant le sexe, des analyses de PCA et d'ADMIXTURE ont été réalisées uniquement sur le chromosome X (voir figures ci-dessus). En effet, des distinctions peuvent être faites. Ainsi, la composante Nord Africaine est plus élevée sur les chromosomes autosomes que sur le chromosome X. Ceci peut s'expliquer par une composante portée principalement par les hommes. Au contraire les composantes du Moyen-Orient, Européenne ou sub-Saharienne semblent plutôt portées par les femmes.
En conclusion, il apparait que la structure génétique des Algériens n'est pas complètement corrélée avec l'affiliation ethnique (Berbère/Arabe) ou géographique (Nord/Sud). Ceci permet de conclure que l'arabisation de l'Afrique du Nord a été un processus davantage culturel que démographique. Les haplogroupes mitochondriaux sub-Sahariens sont plus fréquents que les lignages du chromosome Y sub-Sahariens suggérant un flux de gènes sub-Saharien dans les populations Algériennes plus important chez les femmes que chez les hommes. Ces différences peuvent s'expliquer par le rôle et le statut de la femme dans la société Algérienne.
Hétérogénéité génétique de la population Algérienne
vendredi 2 octobre 2015. Lien permanent Génétique des populations
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11 réactions
1 De EM81 - 28/02/2017, 16:12
Mais que nos ancêtres berbères ont ils fait aux femmes berbères U6 pour qu'elles soient si peu nombreuses par rapport aux hommes berbères Eb1b1b1 en Algérie ? Logiquement ça devrait faire du 50-50 %, reflétant le sex ratio de la population générale.
Et d'où viennent les R1B, ils devraient être au minimum aussi nombreux au Maroc qu'en Algérie s'ils viennent d'Ibérie préhistorique. Faut il en conclure que ce sont des descendants d'esclaves de la période barbaresque?
2 De E M 81 - 13/03/2017, 00:16
Les gens de Timimoun ne sont pas des Algériens autochtones mais des purs Maliens et n'ont donc pas lieu d'être pris en compte dans une analyse génétique de la population algérienne dont le fond est berbère. Il faut savoir ce qu'on veut.
Et puis mettre 100 000 habitants du désert ( Timimoun et Réguibats) au même rang que 40 millions d'Algériens du Nord pour ensuite faire une moyenne raciale et prouver ainsi que les Algériens ont 20 % de gênes subsahariens, de qui se moque t'on?
Est ce que les généticiens français effectuent l'analyse génétique de la population française en prélevant leurs échantillons en Martinique, en Guyane, aux Comores et les trois autres en métropole avant de faire la moyenne des six?
3 De Mixte : Arabo-berbero-europeen - 29/07/2017, 21:02
@M81 . D'apres les etudes par les specialistes de Familytree dna labo , le mt adn U5 d'origine europeennne trouve ' chez les Marocains et Algeriens est une cluster(sous classe) qui se trouve qu'au Maghreb en l'occurence U5B2 , elle est supposee' descendre des europeens au temps de la glaciation de la peninsula iberique et par consequent , les gens qui la portent (Moi meme compris) ne sont pas le resultats des kidnapping d'europeennes au temps de la Barbarie . Juste pour rappel , le mt dna U6 est d'origine eurosiatique et pas Nord africaine ,son retour en Afruqe du Nord a ete en Paleolithic. Lire aussi les 7 soeurs de Eve par Bryan Sykes.
4 De Warlen - 24/09/2019, 20:09
Les chromosome X des subsahariens, orientaux, ou européens, portés par les femmes, sont plus liés à la polygamie, concubinage islamique, ou viole, qu'autre chose.
U6 de X et R1b de Y européens ne sont pas liés à l'esclavage (c'est un mythe), ils sont plus liés à la géographie ancienne qu'à la géographie actuelle (ne pas oublier les glaciers et les îles méditerranéennes aujourd'hui rattachées à l'Afrique et l'Europe).
En revanche le J1 spécifiquement arabe n'existe ( J1 et J2 se retrouvent sur plusieurs continents et plusieurs peuples qui ne sont pas souvent arabes.
ça serait faux de penser que le J1 est forcément arabe car, les turcs, les phéniciens, les juifs, les arméniens, les asiatiques, les européens sont aussi J1 en partie. Le J1 existe même dans les pays où les arabes ne sont jamais allés.
5 De Awthem - 13/06/2020, 22:51
Curieusement l'auteur de cette article ne cite pas les arabes parmis les envahiseurs étrangers ayant colonisé l'Afrique du nord.
La population algérienne est parfaitement homogène à mes yeux, puisque malgré la falsification de l' histoire, l'arabisation et l'islamisation forcés le génome Berbère E-M81 reste dominant à hauteur de 70 % de la population. Le génome arabe n 'existe pas ( J1 ou J2, peuvent bien provenir de l'europe de l'Est, de l'Iran, la Turquie, de Grèce, des juifs, du moyen orient, caucase et tant d'endroits où les arabes ne sont jamais aller, au total j1 /j2 représentent moins de 10 % ) . Le reste sont des européens de l'époque des glaciers et bien sûr les subsahariens représent environ 12 % au sud du pays. Les métissages sont dûs aux violes arabo-islamiques ou esclavage sexuel.
L'afrique du nord (algérie comprise) est largement homogène ( à 80 % Berbère en moyenne) par rapport à beaucoup de régions du globe. Le reste n'est qu'une goûte dans l'océan.
A titre de comparaison, l' Arabie caractérisée par J1 = 62 %
6 De El Hadi - 14/08/2020, 01:54
@Awthem
Ce que tu dis concernant les Arabes est complètement erroné les J1 présent au maghreb environ 30 % en Algérie et presque 50% dans des tribus tel Ouled Naïl sont à plus de 95 % des branchages très récent J1c3d2, il n'y strictement aucun doute quand à l'origine de ces branches qui n'est autre que l'invasion hilalienne, Soulaym etc...
7 De Colf - 05/03/2021, 18:25
Oui le R1 B vient en patie d'Ibérie certes, mais pas que de l'Ibérie car il y avait aussi des îles en méditerranée occidentale pendant les glaciations (par exemple la Kabylie était une île, qui s'est ratachée plus tard à la côte nord africaine. A l'inverse la Sicile qui est encore une île aujourd'hui, s'est plutôt détachée de l'Afrique du nord pour se ratacher presque à l'Italie).
Ceci dit, la géographie et les plaques techtoniques anciennes ne sont pas ce qu'elles sont aujourd'hui. C'est pourquoi R1B est plus présent en Algérie qu'au Maroc.
8 De Colf - 05/03/2021, 18:48
Les Hilaliens n'existent plus c'est juste un myte arab-islamiste (ou wahhabite). J1 vient plutôt des juifs, des turcs, caucasiens, perses ou arméniens.
J1 est déjà minoritaire en Arabie et au Koweït, il ne peut donc en aucun cas se retrouver majoritaire en pays Amazigh (le pouvoir algérien, clan de Oujda, DRS, FLN du Maroc, racontent des sotises et nom des vérités scientifiques). En Algérie comme au Maroc / Tunisie, il y a beaucoup plus de juifs que d' arabe génétiques (notamment à Tlemcen, Oran, Alger, Constantine, Annaba, El-ouad ou Bousâada).
9 De Flore - 06/03/2021, 11:55
Bonjour De Colf pouvez-vous sourcez ce que vous dîte dans ce passage, car ça m'intéresse, mais je ne l'ai pas retrouvé : "par exemple la Kabylie était une île, qui s'est ratachée plus tard à la côte nord africaine. A l'inverse la Sicile qui est encore une île aujourd'hui, s'est plutôt détachée de l'Afrique du nord pour se ratacher presque à l'Italie).
Ceci dit, la géographie et les plaques techtoniques anciennes ne sont pas ce qu'elles sont aujourd'hui. "
Merci
10 De Lebardi - 19/09/2023, 20:00
Les Ouled Naïl, ne sont pas des arabes, même si J1 est dominant (physiquement il ressemblent aux noirs subsahariens). Les Ouled Nail J1, sont plutôt des juifs orientaux mélangés aux turcs, harméniens ou subsahariens arabisés et islamisés. Les Dernier Hilaliens ont été écrasés par les Almohads près de Sétif, puis expulsés vers d'autres pays ou en Orient. Le mythe Hilaliens et l'oeuvre du clan de Oujda au pouvoir (via la France ou Nasser), pour faire croire que l'Algérie n'est pas un pays éthbiquement Homogène.
De plus 100 milles métisses ou descendants de Hilaliens (pour 50 millions d'Algériens), ne peuvent en aucun cas modifier le caractère éthnique de l'Algérie, encore moins sa génétique. Parler arabe ne fait pas de vous un hilalien, comme décréter par le pouvoir arabo-islamiste et sa junte.
11 De Clown Dadaf - 18/02/2024, 15:51
Intéressant de noter une spécificité génétique chez cette ethnie si particulière que sont les kabyles : une forte présence du E1b1b1-M35 !
Est-ce que ça justifierait le particularisme kabyle? A creuser !