Marcos Gallego Llorente vient de publier un papier intitulé: Ancient Ethiopian genome reveals extensive Eurasian admixture throughout the African continent donnant ainsi le premier génome complet d'un Africain préhistorique. Cet individu vieux d’environ 4500 ans est un homme issu de la grotte Mota des hauteurs du sud de l'Ethiopie:
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L'haplogroupe mitochondrial est L3x2a qui se retrouve aujourd'hui uniquement dans la corne de l'Afrique et la vallée du Nil suggérant ainsi une continuité maternelle en Ethiopie depuis au moins 4500 ans.

L'haplogroupe du chromosome Y est E1b1. L'haplogroupe E est vieux de 21.000 à 32.000 ans et originaire d'Afrique de l'Est. La mutation E1b1-P2 présente chez l'homme de Mota représente la sous-clade la plus répandue de l'haplogroupe E et se retrouve notamment à hautes fréquences chez les Éthiopiens contemporains.

Une Analyse en Composantes Principales et une analyse statistique f3 ont été réalisées pour comparer le génome de l'homme de Mota avec différentes populations contemporaines:
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L'homme de Mota est proche des Éthiopiens contemporains et plus spécifiquement des Aari, un groupe parlant une langue Omotique et vivant dans le sud de l'Éthiopie dans la région de la grotte Mota, indiquant là encore une continuité génétique de cette région depuis au moins 4500 ans.

L'âge de cet individu montre qu'il est plus ancien que le flux de gènes Eurasien en Afrique daté d'environ 3000 ans mis en évidence dans des papiers scientifiques précédents étudiant le génome de populations contemporaines.

Pour tester cette hypothèse, les auteurs ont utilisé la statistique f4. Ils ont notamment montré que l'homme de Mota ne comporte pas de gènes d'origine Eurasienne confirmant ainsi que le flux de gènes Eurasien en Afrique est plus récent que 4500 ans.

Les auteurs ont ensuite utilisé le génome de l'homme de Mota comme référence d'un génome Africain non mélangé, et ont recherché si les populations Africaines contemporaines pouvaient être considérées comme un mélange génétique d'un Africain (l'homme de Mota) avec une population Eurasienne contemporaine ou ancienne. Dans cette analyse les Sardes et les premiers fermiers néolithiques Européens sont les populations les plus représentatives de cet influx Eurasien en Afrique:
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Les Sardes sont connus pour être la population Européenne la plus proche génétiquement des premiers agriculteurs Européens. Ainsi il apparait que la migration d'origine Eurasienne en Afrique daté d'environ 3000 ans est issue de la même source génétique qui a produit la migration Néolithique en Europe il y a environ 8000 ans, en provenance du Proche-Orient. De manière intéressante, des preuves archéologiques datent de la même époque (il y a 3000 ans) l'arrivée de certaines espèces domestiques (blé, orge et lentilles) en Afrique. Ainsi les descendants directs des fermiers du Proche-Orient qui ont apporté l'agriculture en Europe, ont également joué un rôle dans le développement de nouvelles formes de production alimentaire dans la corne de l'Afrique.

Les auteurs ont ensuite utilisé le génome de l'homme de Mota et des premiers fermiers Néolithiques d'Europe comme source de mélange génétique dans les différentes populations Africaines contemporaines. Ils ont ainsi mis en évidence un influx génétique Eurasien en Afrique plus important que détecté précédemment (voir la figure 2B ci-dessus). Ainsi les Yoruba et les pygmées Mbuti qui sont pris d'habitude comme une référence Africaine, montrent 6 à 7% d'ascendance Eurasienne dans leur génome.

En utilisant l'homme de Mota comme référence, les auteurs ont également montré que les Yoruba et les Mbuti ont entre 0,2 et 0,7% de gènes issus de Néandertal, consistant avec leurs proportions de gènes Eurasiens.

Les auteurs ont également recherché les gènes responsables du phénotype chez l'homme de Mota. Sans surprise, celui-ci avaient les yeux marrons et la peau sombre, et était intolérant au lactose. Il avait d'autre part les allèles montrant une adaptation à l'altitude, que l'on retrouve également chez les Éthiopiens contemporains. Il est ainsi probable que l'homme de Mota était le descendant des habitants des hauteurs d'Éthiopie qui vivaient dans cet environnement depuis des millénaires.

Erratum

Les auteurs de ce papier viennent de publier un erratum concernant leur étude. Suite à une erreur bio-informatique, l'influx de gènes Eurasiens en Afrique a été surestimé. Il y a bien eu une importante migration en Afrique de l'Est en provenance d'Eurasie. Cependant elle s'étend beaucoup moins ailleurs en Afrique. Ainsi les Yoruba et les Mbuti ne présentent pas plus de gènes Eurasiens que l'ancien Éthiopien de la grotte Mota. Voici la carte corrigée montrant l'influx de gènes Eurasiens en Afrique:
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