Les hommes modernes ont quitté l'Afrique en suivant des routes côtières pour atteindre la Péninsule Arabique à une date estimée entre 125.000 et 60.000 ans. Ils ont ensuite atteint l'Asie du Sud et l'Australie, puis l'Europe et l'Amérique.

Les relations entre la population Arabe contemporaine et ces anciennes migrations est une question ouverte. Une des hypothèses est que la migration initiale en dehors de l'Afrique a établi des populations dans la Péninsule Arabique qui sont les ancêtres directs des populations actuelles de cette région. Si cette hypothèse est exacte, certains Arabes actuels sont les parents les plus éloignés de tous les Eurasiens contemporains.

Juan L. Rodriguez-Flores vient de publier un papier intitulé: Indigenous Arabs are descendants of the earliest split from ancient Eurasian populations. Il a étudié le génome complet de 104 habitants actuels du Qatar dont 56 bédouins, 20 individus d'origine Perse-Asie du Sud, 20 individus d'origine Africaine et 8 individus d'origine inconnue:
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Les auteurs ont analysé 23,784,210 SNPs autosomaux. Une étude du taux de consanguinité a montré que les bédouins avaient le plus fort taux de consanguinité, supérieur notamment à celui de la plupart des populations analysées dans le projet des 1000 génomes.

Une Analyse en Composantes Principales a été faite pour comparer la population du Qatar avec les autres populations:
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Les bédouins Qatari se regroupent proche des Européens, les Qatari d'origine Asiatique se regroupent entre les bédouins et les Asiatiques, enfin les Qatari d'origine Africaine se regroupent proche des Africains.

Les auteurs ont également étudié les haplogroupes mitochondriaux et du chromosome Y:
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Ces résultats montrent que les trois populations Qatari sont très différentes. L'haplogroupe du chromosome Y J1 domine nettement chez les bédouins, alors qu'il est absent chez les Qatari d'origine Asiatique. Ceci implique une forte isolation entre ces deux populations. Les haplogroupes du chromosome Y chez les Qatari d'origine Africaine sont dominés par les haplogroupes Africains E1 et B2 consistant avec un mélange génétique récent avec une ascendance Africaine. La distinction entre les trois groupes est moins évidente à partir des haplogroupes mitochondriaux. Les groupes sont ainsi beaucoup plus diversifiés indiquant des histoires paternelle et maternelle différentes. Les groupes Qatari reflètent ainsi une société patrilocale avec de fortes barrières historiques contre les mariages entre différents groupes. En effet, le flux de gènes extérieur dans chaque groupe vient principalement par les femmes.

La comparaison entre la diversité autosomale et du chromosome X montre que la population effective féminine est plus importante que la population effective masculine chez les bédouins et les Qatari d'origine Asiatique. Le ratio est moins fort que chez les Africains, mais plus fort que chez les Européens et les Asiatiques. Chez les Qatari d'origine Africaine, le ratio est encore plus fort que chez les Africains, probablement suite à l'histoire de ce groupe issu de la traite des esclaves dans la région, et à une culture polygame importante.

Une analyse avec le logiciel ADMIXTURE a également été réalisée. Le résultat est optimal pour K=12:
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Les bédouins Qatari sont ainsi très proches des bédouins B et des Saoudiens, mais moins des bédouins A. Cette ascendance spécifique en vert clair, semble être un signal d'une population Arabe ancestrale. Les bédouins A n'ont que 45% de cette ascendance, contre 93% chez les bédouins B et 84% chez les bédouins Qatari. Les Qatari d'origine Asiatique partage à 45% une ascendance en jaune que l'on retrouve également chez les Iraniens à 46%. Enfin, les Qatari d'origine Africaine ont la majorité de leur ascendance (composante verte) en commun avec les populations Africaines.

L'âge du mélange génétique d'ascendance Africaine dans les trois populations Qatari a été estimé avec le logiciel ADLER. Ce mélange remonte à 15,2 générations chez les bédouins, 14 générations chez les Qatari d'origine Asiatique et seulement 9,3 générations chez les Qatari d'origine Africaine en concordance avec une origine liée à la traite des esclaves pour ce dernier groupe.

Les auteurs ont ensuite estimé la contribution d'ascendance Neandertalienne dans les trois goupes Qatari, ainsi que dans les autres populations à l'aide des statistiques f4 et D. Les bédouins ont plus d'ascendance de Neandertal que toutes les populations Africaines et que les Qatari d'origine Africaine. Ils en ont autant que les Qatari d'origine Asiatique ou que les autres populations du Moyen-Orient, mais plutôt un peu moins que les populations d'Europe ou d'Asie. Ce résultat est consistant avec une divergence plus ancienne des ancêtres des bédouins par rapport aux autres populations Eurasiennes.

Enfin une analyse avec le logiciel TreeMix a été réalisée:
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Il montre notamment qu'un ensemble de 50 des 56 bédouins, 3 Qatari d'origine Asiatique, 1 Qatari d'origine Africaine et 2 Qatari non assignés à un groupe, se regroupent en dehors des lignages Africains, mais forment un groupe qui est basal à toutes les populations non Africaines (figure D ci-dessus). Ainsi les bédouins possèdent le critère de la population ayant connu la plus ancienne migration hors d'Afrique et sont donc plus éloignés des autres populations Eurasiennes. De plus un autre groupe de 11 Qatari d'origine Asiatique, 3 bédouins Qatari, 1 Qatari d'origine Africaine et 1 Qatari non assigné forme un groupe Asiatique plus proche des autre populations Asiatiques que des bédouins Qatari (figure C ci-dessus).

Ainsi cette étude supporte l'hypothèse que les premières populations hors d'Afrique se sont établies dans la Péninsule Arabique et que les bédouins de cette région sont les descendants directs de ces premières migrations.