Une des dernières langues Européennes dont la classification linguistique et géographique reste peu claire est le Yiddish, la langue native de la communauté juive Ashkénaze dont l'origine est encore débattue. Le Yiddish est parlé depuis le 9ème siècle et mélange des caractères Hébreux, Allemands et Slaves.

Actuellement il y a deux principales hypothèses au sujet de l'origine linguistique du Yiddish. L'hypothèse Rhénane propose que la présence Juive en Europe est expliquée principalement par une première migration en provenance d'Israël vers l'Empire Romain après la destruction du temple d'Hérode en l'an 70. Ensuite il y aurait eu un mouvement des Juifs de France et d'Italie vers la Rhénanie aux 9ème et 10ème siècles accompagné par la naissance de la langue Yiddish basée sur les langues Germaniques et la naissance de la culture Ashkénaze, puis une autre migration d'Allemagne vers l'Europe de l'Est au 13ème siècle.

L'hypothèse Irano-Turco-Slave considère les Juifs Ashkénazes comme les descendants d'une population Iranienne hétérogène qui se sont mélangés avec des Slaves, des Grecs et des Turcs dans l'empire Khazar au 8ème siècle. Dès le premier siècle, de nombreux Juifs habitaient dans l'empire Iranien, descendants des migrants Judéens (exil Babylonien du 7ème siècle av. JC) ou convertis sur place. Ils étaient très actifs dans le commerce international selon les sources historiques. Avec le temps, beaucoup d'entre eux migrèrent vers l'empire Khazar pour accroître leurs opérations mercantiles. Ensuite des Turcs et des Slaves se sont convertis au Judaïsme pour participer au commerce lucratif de la route de la Soie entre l'Europe et la Chine qui était à l'époque essentiellement un monopole Juif. La langue Yiddish est apparue à cette époque comme une langue secrète pour le commerce.

La figure ci-dessous illustre les deux hypothèses: à gauche en bleu l'hypothèse Rhénane et à droite en orange l'hypothèse Irano-Turco-Slave:
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Ranajit Das vient de publier un papier intitulé: Localizing Ashkenazic Jews to primeval villages in the ancient Iranian lands of Ashkenaz. Il a analysé le génome de 367 participants au projet Génographique dont les parents sont des juifs Ashkénazes. La grande majorité de ces personnes habitent les États-Unis, ce qui peut apporter un biais à cette étude.

Les auteurs ont comparé le génome des Ashkénazes avec celui de 600 individus appartenant à 35 populations à l'aide du logiciel ADMIXTURE. Le résultat est optimal pour K=9 ascendances:
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Dans l'ouest de l'Eurasie, les ascendances dominantes sont les composantes Méditerranéenne (en rose), Asie du Sud-Ouest (en rouge foncé), et Nord Européenne (en vert). C'est également le cas des Juifs Ashkénazes bien qu'ils présentent également une ascendance Sub-Saharienne (en rouge clair) non négligeable. Les auteurs ont utilisé l'outil Geographic Population Structure pour prédire le lieu d'origine des différents échantillons. Cet outil déduit la position géographique d'un échantillon à partir des proportions des différentes ascendances. Ainsi 78% des échantillons non Juifs de cette étude sont positionnés par cet outil à moins de 250 km de leur lieu d'origine. De nombreux Juifs Ashkénazes sont positionnés au nord est de la Turquie sur la côte sud de la mer Noire. Ils sont situés notamment auprès de quatre villages qui portent un nom dérivé du terme Ashkénaze: İşkenaz, Eşkenez, Aşhanas et Aschuz, à proximité des anciennes routes commerçantes. Un tiers des échantillons Ashkénazes sont positionés entre la Turquie et les pays Slaves indiquant ainsi l'influence Slave. Aucun individu est situé en Allemagne confortant ainsi l'hypothèse Irano-Turco-Slave par rapport à l'hypothèse Rhénane concernant l'orgine de la langue Yiddish.

L'analyse des haplogroupes des Juifs Ashkénazes montrent que les haplogroupes mitochondriaux majoritaires sont K1a, H1, N1, J1, HV et K2a, et les haplogroupes du chromosome Y majoritaires sont J1a, E1b, J2a, R1a et R1b. Notamment certains haplogroupes présents chez les Ashkénazes (H7, I, T2 et V pour mtDNA et Q1b pour Y-DNA) sont absents ou très rares chez les non Ashkénazes. La plupart des haplogroupes du chromosome Y des Ashkénazes sont fréquents dans les populations de l'ouest de l'Asie comme la Turquie, l'Iran, l'Afghanistan ou le Caucase.

En conclusion, l'explication la plus parcimonieuse de l'origne du Yiddish et des Juifs Ashkénazes en fonction des données de cette étude, est donnée par des populations Gréco-Romaines et Irano-Turco-Slaves qui se sont converties au Judaïsme durant le premier millénaire ap. JC. dans une région située entre les mers Noire et Caspienne. Ils étaient des marchands qui se sont alliés pour prospérer. Au moment de l'empire Khazar la langue Hébreu avait disparue depuis 5 ou 6 siècles. Une élite Khazar s'est alors convertie au Judaïsme pour profiter du commerce de la route de la Soie. Les marchands Juifs ont alors créé la langue Yiddish pour communiquer le long des routes commerçantes. A la chute de l'empire Khazar, le monopole Juif sur la route de la Soie s'est terminé. A ce moment le Yiddish était la seule langue parlée par les Juifs Ashkénazes d'Europe et a commencé à intégrer du vocabulaire Germanique.