Certaines populations d'Océanie ont environ 5% de leur ascendance issue des hommes archaïques de Dénisova et d'autres populations Eurasiennes et Amérindiennes ont environ 2% de leur ascendance issue des hommes archaïques de Néandertal.

Sriram Sankararaman et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: The Combined Landscape of Denisovan and Neanderthal Ancestry in Present-Day Humans. Pour cela ils ont analysé le génome de 257 individus issus de 120 populations diverses dont 20 Océaniens.

La taille des segments d'ADN issus d'hommes archaïques est fonction de la date du mélange génétique. Plus ceux-ci sont longs, et plus le mélange est récent. La date d'introgression Néandertalienne a été estimée dans des études précédentes à une valeur comprise entre 60.000 et 50.000 ans. Pour estimer la date d'introgression Dénisovienne, les auteurs ont exploité le fait que les sites dérivés chez les Dénisoviens, mais ancestraux chez les Néandertaliens et les Africains Sub-sahariens sont très probablement issus d'une introgression Dénisovienne s'ils sont dérivés chez les Océaniens. De la même façon, les sites dérivés chez les Néandertaliens, mais ancestraux chez les Dénisoviens et les Africains Sub-sahariens sont très probablement issus d'une introgression Néandertalienne s'ils sont dérivés chez les Océaniens. La comparaison des longueurs des segments d'ADN issus d'une introgression Néandertalienne avec les longueurs des segments issus d'une introgression Dénisovienne permet de comparer les deux dates d'introgression. Ainsi les auteurs ont trouvé que si la date d'introgression Dénisovienne est de 1000, la date d'introgression Néandertalienne est de 1121:
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Ceci donne donc une valeur de l'introgression Dénisovienne entre 54.000 et 44.000 ans chez les Océaniens.

Les auteurs ont ensuite recherché une ascendance Dénisovienne dans 257 individus issus de 120 populations diverses:
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La figure ci-dessus montre bien que les populations Océaniennes possèdent le plus d'introgression Dénisovienne. De plus les introgressions Néandertalienne et Dénisovienne sont plus importantes chez les populations de l'Est de l'Eurasie que chez les Eurasiens occidentaux. Notamment les auteurs ont détecté un pic d'introgression Dénisovienne chez certains Asiatiques du Sud (Himalaya, Inde du Centre et du Sud) plus important que prévu. Ainsi les Sherpas ont le plus grand pic en dehors des Océaniens. Ceci est cohérent avec le fait préalablement montré que les Tibétains possèdent une adaptation à l'altitude héritée des Dénisoviens. Cette ascendance Dénisovienne chez les Sud Asiatiques peut être expliquée par une unique introgression suivie par une dilution à différents niveaux chez les Océaniens, Sud Asiatiques, et Est Asiatiques par des populations avec moins d'ascendance Dénisovienne. Cependant, si la dilution ne permet pas d'expliquer ces données, un minimum de trois introgressions Dénisoviennes est nécessaire.

L'ensemble de l'ADN Dénisovien détecté chez les Océaniens est de 257 million de paires de base alors que l'ensemble de l'ADN Néandertalien détecté dans toutes les populations non Africaines est de 673 millions de paires de base. Les auteurs ont identifié 238 régions du génome humain avec une forte ascendance Néandertalienne et 48 régions avec une forte ascendance Dénisovienne. Parmi les régions avec le plus d'ascendance Néandertalienne on trouve les gènes impliqués dans la formation de la kératine liée à la peau et aux cheveux, et parmi les régions avec une forte ascendance Dénisovienne on trouve les gènes impliqués dans l'activité des transporteurs de phospholipides liée au métabolisme des graisses et dans l'activité de récepteurs olfactifs qui permettent la détection de parfums subtils. La figure ci-dessous indique les principales régions Néandertaliennes (en rouge sur fond gris) et Dénisoviennes (en bleu sur fond gris):
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Il y a également des régions du génome humain qui sont vide d'ascendance archaïque. Dans la figure ci-dessus, elles sont dessinées dans la partie interne sur fond blanc. Il y a notamment quatre déserts d'ascendance à la fois Néandertalienne et Dénisovienne dans les chromosomes 1, 3, 7 et 13. Notamment le désert sur le chromosome 7 inclut le gène FOXP2 lié au langage.

Les auteurs ont remarqué que l'ascendance Néandertalienne décroit à proximité des régions fonctionnelles dans toutes les populations, de même que l'ascendance Dénisovienne décroit à proximité des régions fonctionnelles chez les Océaniens, indiquant ainsi un effet de la sélection naturelle dans ces régions.

Les auteurs ont également mis en évidence une baisse de la fertilité masculine liée au mélange génétique avec les populations archaïques. En effet, la proportion d'ascendance archaïque est plus faible chez les hommes contemporains sur le chromosome X comparés aux autosomes. Il y a également une diminution de l'ascendance archaïque dans les gènes reliés au fonctionnement des testicules. Il y a donc un effet de l'hybridation hommes modernes/Néandertaliens ou hommes modernes/Dénisoviens sur la stérilité masculine. Ainsi les hommes modernes et les hommes archaïques devaient être aux limites de la « compatibilité biologique ». Nombre de leurs hybrides ont probablement été touchés d’infertilité.