L'isolement géographique des Amériques a retardé leur colonisation jusqu'à la fin du Pléistocène il y a entre 20.000 et 10.000 ans. Il est probable que les premiers hommes arrivèrent d'Asie à travers le détroit de Béring situé au-dessus du niveau de la mer durant le Dernier Maximum Glaciaire. Cependant, à cette époque, la plupart de l'Amérique du Nord était recouverte par les plaques glaciaires de la Cordillère et de la Laurentide qui bloquaient l'accès depuis l'Est de la Béringie. Peu de temps après la fonte de la plaque de la Cordillère, une route potentielle le long de la côte Pacifique s'est ouverte il y a environ 17.000 à 15.000 ans. La route alternative à travers un corridor à l'Est des Montagnes Rocheuses s'est ouverte seulement entre 11.500 et 11.000 ans. Le timing et la route utilisés par la première migration humaine sont importants dans la compréhension de la taille et de la vitesse de celle-ci.

Les études génétiques des populations Amérindiennes sont compliquées par l'effondrement démographique et la perte importante de la diversité génétique qui ont suivi la colonisation Européenne à la fin du 15ème siècle. Cependant les premiers résultats suggèrent que l'arrivée de petits groupes fondateurs dans une unique migration soit à l'origine de la plupart de l'ascendance Amérindienne aujourd'hui, bien que la distribution de certains haplogroupes mitochondriaux suggèrent différentes routes d'arrivée soit le long de la côte Pacifique (pour D4h3a), soit à travers le corridor à l'Est des Montagnes Rocheuses (pour X2a).

Malheureusement, la précision de l'horloge moléculaire est limitée dans les études des Amériques à cause de la faible diversité génétique et du manque de points de calibration. Ainsi, celles-ci estiment l'arrivée des premiers hommes avec une faible précision entre 26.300 et 9.700 ans.

Bastien Llamas et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Ancient mitochondrial DNA provides high-resolution time scale of the peopling of the Americas. Ils ont séquencé le génome mitochondrial complet de 92 individus pré-colombiens âgés entre 8600 et 500 ans. Ces échantillons sont situés au Pérou (70), en Bolivie (9), dans le Nord du Chili (6), au Mexique (5) et en Argentine (2). L'individu d'Anzick situé en Amérique du Nord et préalablement séquencé a été ajouté à ce groupe:
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Les échantillons appartiennent à 84 haplotypes différents dont les haplogroupes sont A2, B2, C1b, C1c, C1d et D1. L'haplogroupe D4h3a n'a pas été observé. Aucun de ces 84 haplotypes anciens ne correspond à un individu contemporain. Ces résultats montrent l'importance des tests d'ADN ancien pour prendre la pleine mesure de la diversité génétique du passé et pour reconstruire le processus de peuplement des Amériques.

L'estimation des âges des ancêtres communs les plus récents (TMRCA) pour les haplogroupes A2, B2, C1, D1 et D4h3a est fortement synchrone confirmant ainsi que ces cinq haplogroupes ont pris part à la migration initiale. Dans la figure A ci-dessous, les disques noirs indiquent les points de divergence entre les Sibériens et les Amérindiens. Les clades Sibériennes sont en noir et les clades Amérindiennes en gris:
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Dans la figure B ci-dessus, les clades Sibériennes sont en noir, les clades Amérindiennes contemporaines en bleu et les clades Amérindiennes anciennes en rouge.

Les auteurs ont effectué une analyse phylogénétique Bayesienne des séquences mitochondriales. Comme l'utilisation de plus de 400 séquences pour cette analyse est trop consommatrice de temps de calcul, les auteurs ont utilisé trois ensembles de 87 séquences contenant exclusivement les cinq haplogroupes Amérindiens: A2, B2, C1, D1 et D4h3a pour cette analyse, plus 20 séquences Sibériennes des lignages sœur et les 92 anciens génomes de cette étude auquels a été ajouté le génome de l'individu d'Anzick séquencé dans une étude antérieure. Ainsi chaque ensemble contenait en tout 200 séquences dont les résultats correspondent aux trois réplicats indiqués dans le figure ci-dessous:
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La figure ci-dessus montre que la divergence génétique entre les ancêtres des Sibériens et des Amérindiens remonte à une date située entre 24.900 et 18.400 ans. On peut considérer que les deux populations étaient séparées après cette date. Il n'est pas possible de savoir ci cette séparation a eu lieu en Sibérie ou en Béringie. Cependant cette date de séparation correspond au Dernier Maximum Glaciaire. On peut supposer que les conditions arides ont conduit les populations vers les franges Ouest de la Béringie, c'est à dire la Sibérie actuelle pour aller dans dans un refuge situé plus au sud. A l'inverse, les populations situées à l'Est des péninsules du Kamchatka et du Chukotka ont été bloquées par les ceintures de glace Aléoutiennes et ont du restée isolées en Béringie de l'Est. La taille de la population féminine effective bloquée en Béringie est de l'ordre de 2000:
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Quoique ce nombre ne peut pas être traduit directement en taille de population réelle, cette population devait être relativement réduite et pas supérieure à quelques dizaines de milliers d'individus. L'observation de la faune dans cette région à cette époque indique un paysage formé par une toundra arbustive qui aurait pu être capable de subvenir aux besoins d'une telle population. Ces données sont donc compatibles avec un refuge glaciaire en Alaska et au Yukon durant le Dernier Maximum Glaciaire.

L'arbre phylogénétique mitochondrial montre qu'il y a une soudaine expansion de tous les haplogroupes entre 16.000 et 13.000 ans suggérant que la date de 16.000 ans correspond effectivement à l'entrée initiale des premiers hommes en Amérique du Nord. Si on suppose que l'isolement de cette population a commencé entre 24.900 et 18.400 ans, cela correspond à une durée de séjour de ces hommes dans ce refuge compris entre 2400 à 9000 ans.

Cette date de 16.000 ans correspond au retrait de la plaque glaciaire de la Cordillère et donc à une route le long de la côte du Pacifique:
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Sachant que le premier indice archéologique de la présence de l'homme au sud du Chili est de 14.600 ans, il a fallu 1400 ans à cette population pour atteindre le sud de l'Amérique du Sud. Cette migration rapide des premiers hommes a conduit à la formation d'une structure géographique de la génétique de cette population avec des flux de gènes limités entre ces diverses régions.

Il a été suggéré précédemment que la colonisation Européenne a résulté en un effet de goulot dans la diversité génétique des Amérindiens. Les données de cette étude montrent en effet que les haplotypes modernes et anciens ne partagent pas d'ancêtres communs plus récent que 9.000 ans malgré leur nombre élevé. Les auteurs ont étudiés sept modèles démographiques différents pour essayer d'expliquer ces données à l'aide de l'outil BayeSSC. Seul le modèle qui combine une séparation géographique entre des populations hébergeant les haplotypes modernes et anciens et une extinction rapide des anciens lignages suite à la colonisation Européenne permet d'expliquer les observations.