Les Phéniciens étaient une des grandes civilisations de la Méditerranée. Ils habitaient, à l'origine, les côtes Est de la Méditerranée et ont dominé le commerce maritime durant les second et premier millénaires av. JC. Ils ont également créé le premier alphabet. Les principales villes étaient Tyr, Sidon, Byblos et Arwad localisées au Liban et au sud de la Syrie. Peu de choses sont connus à leurs propos en dehors des écrits Grecs et Égyptiens. Ils ont échappé aux destructions provoquées par les Peuples de la Mer à la fin du deuxième millénaire av. JC. Leur stratégie consistait à créer des comptoirs commerciaux sur le pourtour de la mer Méditerranée afin de commercer avec les populations locales. Ils ont également établi des colonies Phéniciennes permanentes dont la plus connue est Carthage dans l'actuelle Tunisie. Cette ville a été fondée par la reine Didon en provenance de la ville de Tyr en l'an 813 av. JC. Cette ville est devenue rapidement l'une des plus puissante de la Méditerranée, avant d'être détruite par les Romains durant la troisième guerre Punique entre 149 et 146 av. JC.
La colline Byrsa est le point culminant de la cité de Carthage et était le lieu de son acropole. Aujourd'hui c'est le lieu du Musée National de Carthage. En 1994, un puits profond de 4m a été découvert et a mené à une tombe qui contenait deux sarcophages de grès. L'un était vide, mais le second renfermait le squelette d'un jeune homme, deux amphores, une lampe, une boîte en ivoire, des amulettes et des offrandes de nourriture. Cette tombe a été datée de la fin du sixième siècle av. JC. Le jeune homme mesurait environ 1,70 m et était âgé entre 19 et 24 ans.
Elizabeth A. Matisoo-Smith et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: A European Mitochondrial Haplotype Identified in Ancient Phoenician Remains from Carthage, North Africa. Ils présentent le génome mitochondrial complet de ce jeune homme. Il appartient à l'haplogroupe U5b2c1 avec cinq mutations supplémentaires.
Les auteurs ont également séquencé le génome mitochondrial complet de 47 Libanais actuels appartenant à l'haplogroupe U. Seuls sept de ceux-ci appartiennent à l'haplogroupe U5, mais aucun n'appartient à l'haplogroupe U5b2c.
L'haplogroupe U5 est considéré comme l'un des plus anciens d'Europe. Sa date de coalescence est estimée à environ 30.000 ans. Il est courant parmi les individus du Mésolithique Européen. L'haplogroupe U5b2c1 a été identifié dans les deux squelettes vieux de 7000 ans du site de La Braña en Espagne. L'individu Phénicien diverge néanmoins de 8 mutations de ces deux individus. L'haplogroupe U5b2c1 est rare dans la population actuelle puisqu'on le retrouve seulement dans six individus d'Espagne, du Portugal d'Angleterre, d’Écosse et d'Allemagne. Trois des mutations supplémentaires du phénicien se retrouvent également chez un individu contemporain du Portugal.
Il est donc peu probable que l'individu Phénicien de Carthage soit originaire des côtes Est de la Méditerranée. Il doit venir plus probablement du Nord de la Méditerranée, peut-être de la péninsule Ibérique dont une des plus anciennes colonies Phéniciennes est Cadiz fondée en l'an 1110 av. JC.
ADN mitochondrial d'un ancien Phénicien de Carthage
vendredi 27 mai 2016. Lien permanent ADN ancien
6 réactions
1 De Antonin - 27/05/2016, 19:16
"Il est donc peu probable que l'individu Phénicien de Carthage soit originaire des côtes Est de la Méditerranée"
C'est aller un peu vite en besogne, la ligné maternelle ne reflète qu'une seule lignée. Par ailleurs, il s'agit ici sans doute ici d'une lignée autotochtone que l'on trouvait déjà en Afrique du Nord au mésolithique voire avant et qui a ensuite pratiquement disparu, tout comme en Europe.
Il faudrait au moins l'haplogroupe paternel bcp plus informatif et encore mieux l'ADN autosomal.
Probablement que l'individu possède un chromosome Y issu de l'est de la Méditerranée mais que son ADN autosomal soit majoritairement Nord-Africain. En effet les premiers Phéniciens se sont très certainement mélangé avec des femmes nord-africaines et au fils des générations, seul le chromosome Y phénicient est demeuré.
Certainement que des études futures viendront confimer cela.
2 De Rainetto - 29/05/2016, 09:31
"Il est donc peu probable que l'individu Phénicien de Carthage soit originaire des côtes Est de la Méditerranée. Il doit venir plus probablement du Nord de la Méditerranée, peut-être de la péninsule Ibérique dont une des plus anciennes colonies Phéniciennes est Cadiz fondée en l'an 1110 av. JC"
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Moi aussi je dit que cette interprétation va vite en besogne, mais pour d'autres raisons.
(Je dit surtout dommage qu'on a pas encore d'ADN autosomal (le plus important), ni plus d'ADN uniparental, pour les anciennes civilisations du Proche-Orient. Il y a une chape de plomb sur ce sujet.)
On sait aujourd'hui, par les nombreuses études d'ADN autosomal récentes sur le Néolithique, qu'ils y a eu depuis le Néolithique d'importants bouleversements de population, et que justement, la population ancienne du Proche-Orient au Néolithique était génétiquement (sur l'ADN autosomal) très proche des Européens du Sud-Ouest actuels. Il y a eu un profond bouleversement et remplacement de population au Proche-Orient dans des temps plus récents, pour aboutir à la population actuelle qui est très différente de celle du Néolithique. Mais à l'heure actuelle on ne sait pas quand ni comment ce changement s'est produit, car on a encore peu de donnés (et seulement d'Anatolie), et aucune donné post-néolithique. Cela a pu se faire progressivement et par étapes aboutissant à une diversité régionale à certaines époques. A l'époque des Phéniciens on ne sait pas du tout où la situation en était génétiquement, encore moins dans l’endroit précis de la Phénicie. D'ailleurs on ne sait pas non plus si les Phéniciens sont autochtones ou originaire d'ailleurs, leur situation très côtière est de nature à nous faire poser la question ( il y a par exemple une hypothèse avec les "peuples de la mer", une autre hypothèse serait de mettre l'accent sur la culture mégalithique qui s'est développée au Levant à l'age du bronze ancien, et qui semble issue d'un essaimage de la culture mégalithique atlantique, tout comme en d'autres endroits de Méditerranée).
Dans l’hypothèse où ils sont autochtones de la région, il est tout à fait possible que les Phéniciens était encore plus ou moins apparentés aux anciens agriculteurs néolithiques du Proche-Orient, qui étaient apparentés aux populations actuelles d'Europe du Sud-Ouest, alors que la population actuelle du Levant, bien différente, serait donc arrivée après l’ère phénicienne. Cet échantillon d'ADN mitochondrial peut être considéré comme un bien maigre indice en ce sens.
3 De Bernard - 29/05/2016, 10:34
Je suis d'accord avec le fait que l'on connait trop peu de choses sur la génétique du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord au temps des Phéniciens pour avoir des certitudes sur la lignée maternelle de cet ancien Phénicien. Cependant en fonction de la connaissance actuelle de la répartition du groupe U5b2c1, l'hypothèse Ibérique pour cette lignée maternelle est la plus probable. Cela peut changer en fonction des futures découvertes. Un autre point que je voudrais mentionner ici et qui n'est pas été relevé dans ce papier, c'est l'existence d'un individu d'haplogroupe U6b1a dans la population actuelle du Liban. Cet haplogroupe était jusqu'à présent connu uniquement dans les Îles Canaries. C'est même un marqueur caractéristique Canarien. De plus cet individu Libanais se trouve à la base de la sous-clade U6b1a3 datée d'environ 2500 ans. Cette découverte est très intéressante car elle tend à montrer que la première colonisation des Îles Canaries a été faite par les Phéniciens au premier millénaire av. JC.
4 De liganol - 30/05/2016, 05:47
@Rainetto
''...D'ailleurs on ne sait pas non plus si les Phéniciens sont autochtones ou originaire d'ailleurs, leur situation très côtière est de nature à nous faire poser la question ( il y a par exemple une hypothèse avec les "peuples de la mer", une autre hypothèse serait de mettre l'accent sur la culture mégalithique qui s'est développée au Levant à l'age du bronze ancien, et qui semble issue d'un essaimage de la culture mégalithique atlantique, tout comme en d'autres endroits de Méditerranée)...''
Les Phéniciens étaient des Cananéens et des sémites comme le démontre le déchiffrement de leur langue, qui faisait partie des langues ouest sémitique. Tous les villes phéniciennes (Tyr,Sidon,Byblos etc,.) existaient des siècles avant la venue des peuples de la mer, qui ne sont arrivés dans la région que vers la fin du 2ème millénaire, vers -1200, alors que les villes phéniciennes étaient déjà vieux de plus de mille ans à cette époque, et certaines même plus de deux milles ans selon l'archéologie. La plus ancienne mention des Cananéens a été faite par les Égyptiens au 3ème millénaire avant notre ère, mais c'est surtout après l'effondrement des grandes civilisations de la région causés par les peuples de la mer, vers la fin du 2ème millénaire avant notre ère, que les cités cananéennes de la côte vont se tourner vers la mer et devenir les grands navigateurs que nous connaissons et fonderont plusieurs colonies; Concernant le nom Phénicien, si je ne me trompe, il leur a été donné par les Grecs, mais les Phéniciens étaient en fait des Cananéens, ou si l'on préfère, des descendants des Cananéens.
5 De Rainetto - 30/05/2016, 15:55
@liganol
Cela ne préjuge en rien de le la génétique des Phéniciens, car les peuples de langues sémitiques c'est vaste et diversifié, et probablement encore plus dans l'Antiquité. De plus si vous avez suivit mon opinion dans nos discussions passés, vous savez que je suppose que les langues chamito-sémitiques dans leur ensemble (dont les langues sémitiques sont une partie) sont issues d'une branche méridionale des migrations du Néolithique, issues de la partie sud du Croissant fertile, provenant d'une population qui était génétiquement assez apparentée aux EEF (sans être identique, et avec un assortiment d'haplogroupes un peu différent, en partie dû à des effets fondateurs différents lors de la dispersion). On sait aujourd'hui, par la génétique, que les peuples chamitiques d'Afrique sont probablement (comme les peuples sémitiques du Proche-Orient et d'Afrique de l'est) issus d'un mélange entre les populations néolithiques apparentées aux EEF (qui parlaient l'ancêtre des langues chamito-sémitiques) et des populations autochtones plus méridionales. Donc n'importe quelle population ancienne parlant une langue de la famille chamito-sémitique peut très bien avoir été plus EEF par le passé que ne le sont les peuples chamito-sémitiques actuels, qui se sont fort mélangés avec d'autres populations entretemps.
Les Arabes actuels parlent une langue sémitique, mais sont issus d'une population de la péninsule Arabique (elle même issue donc d'un long mélange ancien entre des Africains de l'est, un peu d'Indiens, et d'une population sans doute proche des EEF qui avait migré au sud en Arabie et dans la Corne africaine en apportant d'anciennes langues sémitiques, dont l'une va donner naissance à l'Arabe), qui a remonté vers le nord récemment, au Moyen-Age.
Les Juifs séfarades d'Orients sont une branche sémitique plus anciennement autochtone du Levant et de ce fait ils sont restés un peu plus proche génétiquement des EEF (et donc des Européens du sud) et moins mélangé avec des africains (ils le sont quand même si on les comparent aux Européens, car il y eu probablement plusieurs flux et reflux de gènes africains au Proche-Orient dans l'histoire, déjà avant les Arabes).
Bref l'histoire génétique des différents peuples sémitiques est sans doutes très complexe (mais avec tout les indices qu'on a maintenant, je commence à m'en faire une petite idée préliminaire). Les populations anciennes du Levant de l'époque des Phéniciens parlaient des langues sémitiques mais étaient probablement génétiquement assez différentes des populations actuelles du Levant.
C'est tout aussi complexe que les populations de langues indo-européennes en Asie: plus aucune n'est génétiquement très similaire aux anciennes populations des steppes (Sintashta, Andronovo) qui sont à l'origine de ces langues et qui les ont répandus en Asie du sud. En Asie seuls les Russes (qui ont colonisé la Sibérie seulement à une période historique récente) en sont restés génétiquement assez proches, chose qui ne paraitrait pas évidente au premier abord si on avait pas les donnés génétiques qu'on a aujourd'hui...
Avec les donnés actuelles, je m'avance à faire une hypothèse sur la génétique du Levant dans l'Antiquité: les Phéniciens avaient sans doute déjà un fort mélange autosomal CHG (anciens chasseurs-cueilleurs du Caucase, porteurs du Y-haplogroupe J2, qui correspondent à la composante raciale "irano-anatolienne" de l'ancienne anthropologie, dont je vous avais déjà parlé avant la découverte récente des CHG ), mais les Phéniciens avaient encore peu de mélange africain et indien, et étaient donc moins "méridionaux" que les populations actuelles du Levant. La population actuelle de l'ile de Chypre me semble être un isolat génétique pas trop éloigné de ce que devait être approximativement la population du Levant dans l'Antiquité (les Chypriotes sont essentiellement un mélange EEF/CHG, avec Y-haplogroupe J2 abondant, mais avec encore très peu du mélange africain et indien qui caractérise la population actuelle du Proche-Orient). Le fait que les Juifs séfarades du Levant, qui y sont autochtones depuis bien avant l'irruption des Arabes dans la zone, sont génétiquement assez semblables aux Chypriotes et sont en cela différenciés des Arabes (en fait il sont entre les deux, car ils se sont quand même un peu mélangé avec les Arabes depuis le temps), et ont moins de mélange africain que les Arabes, c'est un très puissant indice qui va dans ce sens.
La peste de Justinien qui a ravagé le Proche-Orient et profondément affaibli l'empire Byzantin, suivie de l'invasion arabo-musulmane venue du sud qui a remplie le vide et le remplacement démographique par simple écart des taux de natalité entre populations, auxquels il faut ajouter la traite négrière pratiquée très intensivement par les arabo-musulmans, ont vraiment bouleversé le paysage génétique du Proche-Orient en profondeur, qui n'est plus vraiment ce qu'il était autrefois.
Cordialement :-)
6 De Rainetto - 30/05/2016, 16:35
@Bernard
Merci pour ces précisions. Très intéressant en effet.
A propos de la génétique des Guanches des Canaries, je poste le lien vers cette étude sur des momies guanches pré-hispaniques (pour les lecteurs que ça intéresse) :
http://bmcevolbiol.biomedcentral.co...
Avec une flopée d'haplogroupes mt et Y.
Il y a un peu de tout chez ces Guanches pré-hispaniques, et même 3 individus R1bM269. On dirait que, après les Phéniciens, ces iles étaient un moulin connu de tout le monde, même les Celtes ou les Romains y sont probablement allés. Ce qui prouve que de nombreux peuples ont navigué assez loin dans l'Atlantique depuis l'Antiquité. Et quand on sait que à partir des Canaries il y a le grand courant marin Nord Équatorial (le courant qui équilibre le Gulf Strem dans l'autre sens) qui nous porte tout seul en Amérique centrale en trois petites semaines à la dérive sans effort, ça pose des questions sur l'émergence des civilisations précolombiennes d’Amérique...