Les populations des Îles du Sud Est Asiatique ont connu récemment des changements démographiques importants, notamment dus à la diffusion du complexe culturel Néolithique et des langues Austronésiennes il y a moins de 5000 ans. De plus, des influences d'Inde sous forme de réseaux culturels et commerciaux ont débuté il y a plus de 2000 ans dans la région.

Alexander Mörseburg et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Multi-layered population structure in Island Southeast Asians. Ils ont étudié le génome de 196 individus appartenant à 10 populations dont 50 ont déjà été publiés: Birmans et Viet-Namiens du continent Est Asiatique, Ilocano, Tagalog et Kankanaey des Philippines, Malais de Malaisie, Bajo, Lebbo, Murut et Dusun de Bornéo. Ces données ont été comparées à des génomes du Sud Est Asiatique et de l'Asie du Sud:
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Les auteurs ont réalisé une analyse avec le logiciel ADMIXTURE. Les meilleurs résultats sont obtenus avec le paramètre K=9:
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La composante k6 correspond à une ascendance Austronésienne, la composante K5 à une ascendance Austroasiatique, la composante k3 à une ascendance Papou, la composante k2 à une ascendance Est Asiatique, la composante k4 à une composante Sud Asiatique. Les Kankanaey sont une population indigène du nord de Luçon, la plus grande île des Philippines. Ils appartiennent au groupe des Igorots. Pour K=9, une très grosse majorité de leur ascendance est Austronésienne. On retrouve cette ascendance à Taïwan et dans toutes les populations des Îles du Sud Est Asiatiques sauf les Papous. Le lieu d'habitat des Kankanaey dans le nord des Philippines, est proche de Taïwan, le lieu supposé de l'origine de l'expansion Austronésienne. Cette population semble donc un reliquat de la population à l'origine de cette expansion.

Les auteurs ont ensuite étudié la taille de la population effective des différentes populations:
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Les populations du continent: Viet-Namiens, Birmans et Malais ont les tailles de population effective les plus élevées. A l'inverse, les Kankanaey ont la plus faible valeur, bien que comparable aux Lebbo de Bornéo.

L'analyse avec le logiciel TreeMix confirme que les Kankanaey sont plus proches des populations de Taïwan que de celles des Philippines:
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Le scénario le plus probable concernant le peuplement de la région semble montrer que les ascendances Austroasiatique et Papou sont les plus anciennes de la région des Îles du Sud Est Asiatique. Celles-ci ont ensuite reçu un flux de gènes consécutifs aux migrations Austronésiennes il y a 4000 ou 3000 ans, originaires de Taïwan, et peut-être du nord des Philippines. Ce scénario est conforté par l'analyse des séquences mitochondriales de 8 individus Kankanaey dont les haplogroupes B4a1a et M7b1a2a1 sont typiques des populations parlant une langue Malayo-Polynésienne.

Les auteurs ont ensuite utilisé les statistiques f3 et f4 et le logiciel ADLER pour identifier d'éventuelles connexions Sud Asiatique dans la région du Sud Est Asiatique. Le résultat suggère la présence d'ascendance Sud Asiatique à différents degrés dans quelques populations continentales ou insulaires: Birmans (24,9%), Malais (8,3%), Bajo (5,3%) et à très faible proportion Philippins. Ce flux de gènes est estimé autour de 2400 ans. Ces valeurs sont supportées par l'analyse avec le logiciel ADMIXTURE (voir figure ci-dessus).

Les données archéologiques suggèrent que la présence Sud Asiatique dans le Sud-Est de l'Asie est continue depuis 2500 ans environ. Cependant, cette présence est due principalement d'abord à des artisans qui commerçaient avec la population locale, et plus tard à des élites religieuses (Brahmanes) qui ont conseillé les gouvernants locaux. Ainsi ces petits groupes n'ont pas dû avoir de forte influence génétique dans le Sud Est Asiatique. Ainsi, mis à part la population Birmane proche géographiquement de l'Inde, il n'y a pas d'impact génétique important de l'Inde dans la région du Sud-Est Asiatique.