Durant la plupart des 100.000 dernières années, l'Australie, la Tasmanie et la Nouvelle Guinée formait un unique continent appelé Sahul, séparé du reste de l'Asie continentale. Des études récentes suggèrent que le Sahul a été colonisé entre 55.000 et 47.000 ans. La spécificité du mobilier archéologique et des restes humains fossiles en Australie a conduit plusieurs études précédentes à suggérer que les ancêtres des aborigènes Australiens et des papous de Nouvelle-Guinée ont quitté l'Afrique avant les ancêtres des Eurasiens. De plus, les aborigènes et les papous possèdent des gènes issus de populations archaïques comme les Neandertaliens et les Denisoviens.

A l'arrivée des Européens, les aborigènes Australiens parlaient plus de 250 langues différentes, dont les deux tiers appartiennent à la famille Pama–Nyungan qui couvre environ 90% du continent. L'origine de cette famille linguistique a été longtemps débattue et sa date d'expansion a été estimée datée du milieu de l'Holocène. D'autres changements qui ont suivi il y a environ 4000 ans, incluent la prolifération de lames de silex et l'introduction du dingo. Une étude génétique récente a proposé d'associer ces changements avec l'introduction d'un flux de gènes Indien.

Anna-Sapfo Malaspinas et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: A genomic history of Aboriginal Australia. Ils ont séquencé le génome de 83 aborigènes d'Australie et de 25 papous de Nouvelle-Guinée. Dans la figure ci-dessous les étoiles représentent la position des individus testés dans cette étude. Le nombre entre parenthèses indique le nombre d'individus par site. Les carrés sont les génomes préalablement publiés et utilisés pour comparaison. Les cercles noirs indiquent les sites archéologiques et les cercles blancs les restes humains fossiles:
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Les auteurs ont réalisé une analyse des principales ascendances des génomes aborigènes. Le résultat est optimal pour un paramètre K=7:
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Ainsi la diversité génomique de la population des aborigènes Australiens est le mieux modélisée par quatre ascendances principales qui peuvent être associées à quatre régions géographiques: Europe, Asie de l'Est, Nouvelle-Guinée et Australie. Les proportions de ces ascendances varient selon les groupes aborigènes. Le groupe parlant la langue Ngaanyatjarra (WCD) situé dans le centre de l'Australie possède la plus forte proportion d'ascendance Australienne (95%). Les composantes Est Asiatique et Nouvelle-Guinée se retrouvent principalement dans le Nord-Est de l'Australie, alors que la composante Européenne se retrouve dans tous les groupes.

En utilisant la statistique f3, les auteurs ont montré que les aborigènes Australiens et les papous de Nouvelle-Guinée sont des groupes plus proches l'un de l'autre, que de n'importe quelle autre population. La figure b ci-dessous montre une analyse Multi-Dimensionnelle et la figure c l'affinité génétique des différentes populations avec les aborigènes Australiens:

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Ces résultats sont consistants avec un modèle dans lequel les aborigènes Australiens et les papous de Nouvelle-Guinée sont originaires d'une population ancestrale commune qui a colonisé le Sahul. Les auteurs ont ensuite simulé plusieurs modèles démographiques et ont montré que le modèle de colonisation de l'Australie en une seule migration est le plus probable.

Les analyses ont montré que la population ancestrale aux aborigènes et aux papous a subi un effet de goulot génétique il y a environ 50.000 ans. Cette date correspond aux premières preuves archéologiques dans la région. Les populations aborigènes et papous ont ensuite divergé il y a environ 37.000 ans:
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Les auteurs ont ensuite utilisé plusieurs méthodes pour analyser la présence d'ADN archaïque chez les aborigènes Australiens. Ainsi les papous et les aborigènes présentent un excès d'ADN Denisovien par rapport aux autres populations non Africaines. Ces éléments permettent d'affirmer que le flux de gènes Denisovien est antérieur à la divergence entre les aborigènes et les papous. Les analyses ont montré également qu'il y a eu un flux de gènes Neandertalien à une date antérieure à la divergence de toutes les populations non Africaines. Ce flux de gènes est estimé avoir eu lieu il y a environ 60.000 ans.

Les auteurs ont ensuite utilisé la statistique D. Ils ont ainsi montré que les aborigènes Australiens et les Eurasiens sont à la même distance génétique de l'ancien individu d'Ust’-Ishim, lorsqu'on prend en compte le flux de gènes issus de populations archaïques. Ce résultat implique un scénario correspondant à une unique migration de l'homme moderne en dehors de l'Afrique. Cette migration unique a subi un effet de goulot génétique il y a environ 72.000 ans. Ce modèle implique également que les aborigènes et les papous ont divergé avec les Eurasiens (58.000 ans) avant que les Européens ne divergent avec les Est Asiatiques (42.000 ans):
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Les auteurs ont également montré que les groupes aborigènes du Nord-Est ont divergé des groupes du Sud-Ouest il y a environ 31.000 ans. L'intérieur de continent très aride a donc servi de barrière génétique durant le Dernier Maximum Glaciaire. Ils ont également mis en évidence une expansion qui a débuté il y a environ 10.000 ans dans le Nord-Est de l'Australie. Ces données sont cohérentes avec les restes archéologiques.

Enfin les auteurs n'ont mis en évidence aucun flux de gènes en provenance d'Inde chez les aborigènes Australiens, à l'aide des statistiques f3 et D.