Les chemins pris par l'homme moderne pour sortir d'Afrique sont sujets à de nombreux débats. Les preuves archéologiques (mobilier et fossiles) ainsi que les mesures crâniométriques des populations Africaines et Asiatiques ont démontré que Homo Sapiens était présent hors de l'Afrique entre 120.000 et 70.000 ans. Cependant, cette colonisation est considérée comme une expansion qui a échoué puisque les analyses génétiques des populations actuelles suggèrent une unique sortie d'Afrique plus récente.

Le séquençage ADN d'anciens individus a mis en évidence un échange de gènes entre les premiers Eurasiens et au moins deux populations humaines archaïques (Neandertal et Denisova), et suggère que les hommes modernes sont entrés en Eurasie il y a environ 100.000 ans puisqu'un homme de Neandertal de l'Altaï de cet âge possède un flux de gènes issu d'hommes modernes. Enfin la majorité de la diversité génétique des hommes modernes hors d'Afrique dérive d'une unique migration vieille d'environ 75.000 ans.

Luca Pagani et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Genomic analyses inform on migration events during the peopling of Eurasia. Ils ont utilisé le séquençage complet à haute couverture de 483 échantillons issus de 125 populations formant le EGDP (Estonian Biocentre Human Genome Diversity Panel):
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Ils ont fait une analyse avec le logiciel ADMIXTURE. La figure C ci-dessus indique le résultat obtenu pour K=8 (en bas) et 14 (en haut). L'analyse avec le logiciel fineSTRUCTURE a mis en évidence le fait que l'ensemble des échantillons se regroupent en 12 groupes régionaux principaux.

Les auteurs ont ensuite considéré le gradient des fréquences d'allèles:
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La figure ci-dessus indique une bonne corrélation entre les forts gradients (fortes distances génétiques) et des particularités géographiques ou climatiques comme les montagnes ou les zones arides qui ont donc servi de barrières génétiques.

Le logiciel fineSTRUCTURE montrent que les papous de Nouvelle-Guinée et les negritos de Philippines montrent plus de courts segments Africains que les autre populations non Africaines. Ces résultats seraient consistants avec une divergence plus ancienne entre ces populations et les Africains.

Deux modèles principaux sont compatibles avec ces résultats:

  • mélanges génétiques avec une population archaïque potentielle
  • mélanges génétiques avec une population d'hommes modernes qui a quitté l'Afrique avant la migration principale hors d'Afrique


Les auteurs estiment cependant que le second modèle permet de mieux expliquer les données. Cela conduit à une proportion de 2% d'ADN issus d'un flux de gènes venant d'une population d'hommes modernes issus d'une sortie d'Afrique plus ancienne, mais n'ayant pas de descendance actuelle.

Une étude supplémentaire est nécessaire pour savoir si cette signature présente chez les papous est la même que celle observée dans le génome d'un Neandertal de l'Altaï vieux de 100.000 ans et qui présente un flux de gènes issus d'hommes modernes.