Les sites Mésolithiques de la Péninsule Ibérique (entre 11.000 et 4800 av. JC.) sont surtout présents le long de la façade Atlantique. Au Portugal, ils sont souvent associés à des restes de coquillages sur la côte ou le long des principales rivières. En Espagne on les trouve en Cantabrie et au Pays Basque, mais aussi sur la côte Méditerranéenne du côté de Valence et en Andalousie. Le Néolithique apparait vers 5700 ou 5600 av. JC. dans le Nord-Est de l'Espagne sur la côte Méditerranéenne. Il est associé à la culture cardiale. Il se répand ensuite le long de la côte Méditerranéenne puis Atlantique jusqu'en Espagne du Nord-Ouest à partir de 5300 av JC, mais aussi le long de la rivière Ebre dans l'intérieur des terres. A partir de la seconde moitié du cinquième millénaire av. JC, des mégalithes apparaissent d'abord au Nord de la Péninsule Ibérique, notamment des tombes à couloir et des tombes en forme de four, avant de se répandre dans le Sud vers 4000 av. JC. Le troisième millénaire est celui du Chalcolithique. Il voit apparaître les tombes en forme de Tholos. Les principaux sites sont ceux de Los Millares dans le sud-est de l'Espagne et le centre du Portugal (Leceia, Zambujal, Vila Nova de São Pedro). Dès la première moitié du troisième millénaire, les premiers sites Campaniformes apparaissent dans le bassin du Tage. Puis ils se développent dans le Nord du Portugal, en Alentejo et en Algarve. Ils apparaissent également dans le Nord-Est de l'Espagne, la vallée de l'Ebre, en Cantabrie, en Galice, dans le Sud de la Meseta et en Andalousie. L'Âge du Bronze débute vers 2200 av. JC et se prolonge jusque vers 900 av. JC. Il apparait dans la région de Valence, mais aussi dans le Nord-Est de l'Espagne, le long des principales rivières dont l'Ebre, le Douro, le Tage, la Guadalquivir. Un centre important correspond à la culture de El Argar dans le Sud-Est de l'Espagne entre 2200 et 1450 av. JC. On y trouve des habitations fortifiées situées en haut des collines.
Christina Roth vient de publier sa thèse intitulée: Once upon a time in the West - Paleogenetic analyses on Mesolithic to Early Bronze Age individuals from the Iberian Peninsula. Elle a analysé l'ADN mitochondrial de 344 squelettes préhistoriques datés entre le Mésolithique et l'Âge du Bronze dans la Péninsule Ibérique:
Elle a séquencé la région de contrôle HVR1 des échantillons et testé de nombreux SNPs de la région codante permettant de discriminer les principaux haplogroupes et leurs sous-clades. Les résultats ont ensuite été comparés aux résultats d'ADN mitochondrial anciens précédemment obtenus d'abord dans la Péninsule Ibérique, puis en Europe.
Des résultats du séquençage de la région HVR1 ont été obtenus pour 187 échantillons. La détermination de l'haplogroupe par analyse d'un SNP de la région codante a été obtenu pour 249 échantillons. Les haplgroupes suivants ont été trouvés: H, H1, H3, HV, J, K, L1, N1a, T2, U2, U3, U4, U5a, U5b, V et X. L'haplogroupe N1a a été trouvé dans un seul individu du Néolithique Ancien, l'haplogroupe U2 dans un seul individu du Néolithique Final et l'haplogroupe L1b dans un seul individu Campaniforme. L'haplogroupe U5a apparait dans plusieurs individus mais pas avant le Campaniforme. Les haplogroupes les plus fréquents sont K (27%), U5b (15%), J (13%), H1 (13%) et T2 (7%):
L'unique individu du Mésolithique qui a donné des résultats est de l'haplogroupe U5b.
Une Analyse en Composantes Principales basée sur la fréquence des haplogoupes a été réalisée en incluant les résultats d'études précédentes:
Dans la figure ci-dessus, les chasseurs-cueilleurs sont en gris, les Néolithiques Anciens en rose, les Néolithiques Moyens en rouge, les Chalcolithiques en magenta, les Campaniformes en violet et les Âges du Bronze en violet foncé. Le groupe des Néolithique Moyens du Nord Est de l'Espagne (NEN) (en haut) est séparé de tous les autres par la seconde composante. La première composante sépare le groupe du Néolithique Ancien de Els Trocs (TROCE) (à gauche) des chasseurs-cueilleurs (HGW), des Néolithiques Anciens du Nord de l'Espagne (NSE) et du Portugal Central (CPE) et des Néolithiques Moyens de la vallée de l'Ebre (EVN) (à droite).
Si maintenant on rajoute les résultats d'ADN mitochondrial ancien de toute l'Europe précédemment obtenus, on obtient ceci:
La première composante sépare principalement les groupes du Néolithique Ancien et Moyen d'Europe Centrale (à gauche) des chasseurs-cueilleurs d'Europe Centrale et de l'Est (à droite). La seconde composante sépare les groupes d'Europe Centrale (en bas) des groupes d'Europe de l'Ouest (en haut). Seul les groupes de la culture des Vases à Entonnoirs (FBC en vert) et des Néolithiques de Blätterhöhle (BLA en orange) se trouvent avec les groupes de l'Ouest de l'Europe. Seuls les Néolithiques de Els Trocs (TROCE en rose) et les Chalcolithiques du Nord-Est de l'Espagne se regroupent avec les groupes du Néolithiques du Centre de l'Europe.
Dans leur analyse, les auteurs ont ajouté les résultats notamment obtenus par Chandler en 2003. Ce qui fait que les haplogroupes mitochondriaux associés aux chasseurs-cueilleurs de la Péninsule Ibérique sont H, U4, U5b et N*. L'haplogroupe N* a également été retrouvé en 2003 par Caramelli chez un chasseur-cueilleur d'Italie. Cependant je ne suis pas sûr que ces résultats anciens soient très fiables. Ainsi le squelette de El Miron qui avait été attribué pourtant récemment à l'haplogroupe H par Concepcion de-la-Rua, a été récemment réévalué par Qiaomei Fu à l'haplogroupe U5b. Ainsi la position du groupe des chasseurs-cueilleurs Ibériques dans les Analyses en Composantes Principales ci-dessus pourrait être fortement erronée.
Les haplogroupes présents chez les Néolithiques Anciens de la Péninsule Ibérique et qui sont absents chez les chasseurs-cueilleurs sont: HV, I, J, K, N1a, T2, V et X. L'haplogroupe N1a relativement fréquent chez les Néolithiques Anciens d'Europe Centrale a été détecté pour la première fois chez un individu Néolithique Ancien Ibérique du site de Els Trocs. Tous les groupes du Néolithique Ancien Ibérique ont une forte proportion d'haplogroupes déjà présents chez les chasseurs-cueilleurs (H, U4, U5b et N*): 42% dans le Nord-Est de l'Espagne, 56% dans le Nord de l'Espagne et 78% dans le Centre du Portugal. Cependant aucun de ces haplogroupes n'a été retrouvé à Els Trocs ce qui explique sa position dans l'Analyse en Composantes Principales. Ces résultats semblent montrer différents processus de Néolithisation selon la région de la Péninsule Ibérique avec par endroits une forte acculturation des populations locales de chasseurs-cueilleurs. La figure ci-dessous montre la répartition des différents haplogroupes dans les groupes du Néolithique Ancien:
Ci-dessus, les haplogroupes chasseurs-cueilleurs sont en gris. Mais là encore tous les résultats du Centre du Portugal viennent de Chandler en 2003 et pourraient ne pas être fiables. Néanmoins, ces résultats semblent montrer que l'introduction du Néolithique dans la Péninsule Ibérique s'est faite par le Nord-Est de l'Espagne.
Les résultats des sites du Néolithique Moyen montrent l'apparition de nouveaux haplogroupes: U2, U3, W et U5a. Ce dernier haplogroupe est typique des chasseurs-cueilleurs de l'Est et du Centre de l'Europe. Les haplogroupes des chasseurs-cueilleurs persistent durant le Néolithique, bien qu'à une fréquence plus faible qu'au début du Néolithique. Les résultats semblent montrer un influx de gènes du Néolithique dans la Meseta, et le Centre du Portugal en provenance du Nord-Est de l'Espagne:
Les groupes Ibériques du Chalcolithique se rapprochent beaucoup des groupes Ibériques du Néolithique Moyen, sauf pour le Nord-Est de l'Espagne et pour le Centre du Portugal. Mais il faut noter que pour ce dernier groupe, il a été difficile de séparer les échantillons Campaniforme ou non. Des données Campaniformes sont disponibles pour le Nord et pour le Sud de la Meseta. Ces deux groupes montrent des différences significatives avec les groupes du Chalcolithique Ibérique. Ils sont caractérisés notamment par la faible fréquence de l'haplogroupe H (à l'inverse des Campaniformes d'Europe Centrale), et la présence de l'haplogroupe U5a qui semble indiquer un lien avec l'Europe Centrale ou de l'Est. De manière intéressante, on trouve l'haplogroupe Sub-Saharien L1b dans un groupe Campaniforme de la Meseta en plein centre des terres. Ceci indique un lien des Campaniformes avec l'Afrique du Nord.
Les groupes de l'Âge du Bronze Ibérique sont proches de ceux du Chalcolithique, mais éloignés des groupes Campaniformes.
Mise à jour
Les résultats de cette thèse ont été publiés dans le papier de Anna Szecsenyi-Nagy et ses collègues: The maternal genetic make-up of the Iberian Peninsula between the Neolithic and the Early Bronze Age.