Les hommes modernes ont quitté l'Afrique il y a environ 60.000 ans, avant de coloniser toute la planète. Jusqu'il y a environ 10.000 ans, le climat froid a limité l'espace de vie des hommes modernes à des latitudes relativement faibles, tout en abaissant le niveau de la mer, ce qui a ainsi dégagé plus d'espace. A partir d'il y a environ 15.000 ans, les glaciers ont reculé et le climat s'est stabilisé il y a environ 10.000 ans. Cette période a été florissante pour l'expansion des hommes modernes. Les premiers développements de l'agriculture ont eu lieu dans le croissant fertile au Proche-Orient avec la domestication de quelques plantes et animaux. Dans la période qui a suivi, l'agriculture est apparue à différents endroits du globe sauf en Australie. Cette transition Néolithique a eu de nombreuses conséquences comme la sédentarisation des populations, la croissance de la population et la diffusion de maladies infectieuses. Elle correspond à un tournant majeur de la préhistoire humaine.

L'Asie du Sud-Est est une des régions les plus importantes pour l'étude des migrations humaines au carrefour des routes vers l'Amérique et les îles du Pacifique. Shao-Qing Wen et ses collègues avaient proposé précédemment deux vagues de migration suivant deux routes continentale et côtière pour expliquer la colonisation du Sud-Est Asiatique. La première vague est arrivée il y a environ 60.000 ans et a permis la colonisation de l'Australie et a contribué à environ 10% des Est-Asiatiques continentaux. La seconde vague est arrivée il y a environ 30.000 ans et a contribué à l'essentiel de la population Sud-Est Asiatique. Ils viennent de publier un papier intitulé: Y-chromosome-based genetic pattern in East Asia affected by Neolithic transition. Ils étudient les différentes périodes qui ont vu l'expansion des principaux haplogroupes du chromosome Y dans le Sud-Est Asiatique.

Le Néolithique Chinois est divisé entre le Nord et le Sud avec deux centres d'origine indépendants. Au sud le long du fleuve Yang-Tsé, le Néolithique est caractérisé par la culture du riz, au nord le long du fleuve jaune, le Néolithique est caractérisé par la culture du millet. Ce développement est divisé en trois phases: une phase initiale autour de 10.000 ans, une phase de transition entre 9000 et 7000 ans et une phase finale entre 7000 et 6000 ans. Durant la phase initiale, les premières cultures commencent dans les deux foyers Nord et Sud alors que les moyens de subsistance sont essentiellement basés sur la chasse et la cueillette. Durant la phase de transition, la population se sédentarise et subit une transition économique Néolithique avec un mélange de ressources sauvages et domestiques. Durant la dernière période, la subsistance est basée essentiellement sur l'agriculture. Des sociétés relativement complexes basées soit sur le riz, soit sur le millet existent alors dans cinq régions de la Chine: Ce sont les sociétés Hongshan, Yangshao, Dawenkou, Daxi et Songze:
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Une série d'études génétiques récentes a montré que la majorité des haplogroupes du chromosome Y ont suivi une expansion après l'émergence du Néolithique. Une sélection sociale importante a probablement eu lieu durant le Néolithique. Certains hommes du Néolithique possédaient un prestige social important. Ils ont eu plus de succès reproducteur que les autres car les femmes préféraient les hommes avec une forte puissance militaire et un haut statut social. En conséquence, seuls quelques lignages paternels ont prospéré dans la population. Ce résultat a eu une forte influence sur les haplogroupes du chromosome Y:
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Certains haplogroupes ont ainsi prospéré. Il s'agit de O3-F5, O3-F46, O3-F11, O1-F78, C3-F2613 et Q1-M120. Environ 65% des Chinois actuels descendent d'un de ces six ancêtres paternels. Les dates d'expansion sont estimées entre 5000 et 6800 ans. Une des questions qui reste est de savoir qui étaient ces six ancêtres. Étaient-ils les fondateurs des premières sociétés complexes chinoises ? Ces expansions Néolithiques étaient-elles reliées à l'expansion des langues actuelles: Austro-asiatiques, Taï, Sino-tibétaines et Austronésiennes ? Par example l'haplogroupe O3-M134 est majoritaire chez les locuteurs des langues Sino-tibétaines, O2-M95 et O3-M7 sont majoritaires chez les locuteurs de langues Hmong-Mien et Austro-asiatiques, O1-M119 chez les locuteurs des langues Taï-Kadai et Austronéesiennes, et N-Tat chez les locuteurs de langue Ouralique.

Les études d'ADN ancien sont encore rares. Elles nous ont montré néanmoins que l'haplogroupe O3-M7 a été trouvé dans la culture Daxi dans la vallée du Yang-Tsé. Cet haplogroupe est caractéristique des peuples Mon-Khmer et Hmong-Mien. L'haplogroupe O1-M119 a été trouvé dans la culture Liangzhu qui succède à la culture Songze dans le delta du Yang-Tsé. Cet haplogroupe est important chez les populations Daic et les aborigènes de Taïwan suggérant que ces cultures pourraient être à l'origine des populations Austronésiennes et Daic. L'haplogroupe O3-M122 a été retrouvé dans la culture Longshan et est maintenant commun dans les populations Sino-tibétaines. Enfin, l'haplogroupe N-M231 est très fréquent dans la culture Hongshan dans la vallée de la rivière Liao. Il est fréquent aujourd'hui dans les populations du Nord de l'Eurasie, les populations Tibéto-birmanes et les populations Chinoises. Ces résultats relient les anciennes cultures Yangshao, Longshan, Dawenkou et Hongshan aux populations modernes Sino-tibétaines. Cependant, plus de résultats d'ADN ancien sont encore nécessaires.