Les hommes modernes ont émergé en Afrique Sub-Saharienne et se sont ensuite dispersé en dehors de l'Afrique d'abord en Asie puis en Europe. Les premières preuves archéologiques de la présence de l'homme moderne en dehors de l'Afrique se trouvent au Levant et sont datées d'environ 100.000 ans. Cependant cette première sortie d'Afrique ne semble pas reliée aux Eurasiens contemporains, contrairement à la dispersion qui s'est répandue en Eurasie entre 50.000 et 40.000 ans.

Les premières analyses génétiques ont montré que la population Eurasienne peut être divisée en deux clades principales orientale et occidentale. La clade orientale est différentiée déjà il y a 40.000 ans environ comme le montre le génome ancien de l'individu de Tianyuan, alors que la clade occidentale comprend les anciens chasseurs-cueilleurs Européens ainsi que les anciens Nord Eurasiens comme le garçon de Mal’ta. Les Européens descendent principalement des individus de cette clade occidentale, avec cependant une autre ascendance nommée "Basal Eurasian" qui a divergé encore plus tôt des lignages non Africains. De manière intéressante, deux anciens individus: Ust’-Ishim de Sibérie et Oase 1 de Roumanie vieux d'environ 45.000 ans, n'ont pas ou très peu de liens génétiques avec la population contemporaine. Plus tard de nouvelles migrations ont conduit à la formation des populations d'Asie du Sud et des Amériques.

Certains ont remis en cause se modèle de séparation ancienne des Eurasiens orientaux et occidentaux, notamment au sujet de certaines populations d'Océanie et d'Asie du Sud-Est comme les aborigènes d'Australie, les papous de Nouvelle-Guinée ou les negritos des Philippines. Ils pensent en effet que ces trois populations sont issues d'une plus ancienne dispersion de l'homme moderne hors d'Afrique qui a suivi une route côtière Sud. Cependant des études génomiques récentes ont montré qu'il n'était pas nécessaire de faire appel à cette première sortie d'Afrique pour expliquer l'ascendance génétique des Australiens.

Mark Lipson et David Reich viennent de publier un papier intitulé: A working model of the deep relationships of diverse modern human genetic lineages outside of Africa. Ils proposent un modèle qui explique les différentes relations entre les populations non Africaines, mais aussi avec les populations archaïques.

Le modèle proposé par les auteurs comprend les populations suivantes: Chimpanzés, Néandertals de l'Altaï, Denisoviens, Dinkas du Soudan, l'ancien individu Ust’-Ishim de Sibérie, l'ancien individu Kostenki 14 de Russie, l'ancien individu de Malt'a de Sibérie, papous de Nouvelle-Guinée, aborigènes d'Australie, Mamanwa (negritos des Philippines), Onges des îles Andaman, Amis (aborigène de Taïwan) et amérindiens Surui du Brésil. Le modèle dessiné ci-dessous est basé sur environ 123.000 SNPs autosomaux. Il incorpore sept populations contemporaines, trois anciens hommes modernes, deux hommes archaïques et un Chimpanzé. Il y a neuf événements de mélange génétique dont six sont issus des hommes archaïques:
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L'homme de Denisova reçoit un flux génétique issu d'un homme archaïque inconnu correspondant à environ 3% de son génome. Toutes les populations d'homme moderne non Africain reçoivent environ 3% de gènes issus de l'homme de Neandertal. Les anciens individus Ust’-Ishim et K14 ont reçu des gènes supplémentaires en provenance de Neandertal (environ 1,5%). Cependant une étude récente a montré que la proportion de gènes de Neandertal a diminué chez les hommes modernes au cours du temps. Il n'est donc peut-être pas nécessaire d'ajouter un flux de gènes supplémentaire en provenance de Neandertal chez les deux individus: Ust’-Ishim et K14. Les aborigènes d'Australie, les papous de Nouvelle-Guinée et les negritos des Philippines reçoivent un flux de gènes issu de l'homme de Denisova (environ 4%). L'homme de Malt'a reçoit également un flux de gènes issu de l'homme de Denisova.

Les aborigènes d'Australie et les papous de Nouvelle-Guinée forment deux groupes frères dont l'ascendance vient principalement des anciens Est Asiatiques. Les negritos des Philippines montrent trois composantes ancestrales: les anciens Australasiens d'avant la divergence entre aborigènes et papous, une issue des anciens Est Asiatiques (interprétée comme issue de la migration Austronésienne) et une issue de l'homme de Denisova. Les Onges forment un groupe frère avec les anciens Australasiens et les populations d'Asie de l'Est.

L'ancien individu K14 ne semble pas issu d'un mélange génétique en dehors de l'homme de Neandertal, néanmoins le garçon de Malt'a reçoit en plus de la composante correspondant aux anciens occidentaux une proportion de gènes issus des anciens orientaux. Les Européens non indiqués dans la figure ci-dessus, montrent qu'ils sont issus de quatre composantes: par exemple les Français incorporent des gènes des anciens occidentaux (28%), Nord Eurasiens (35%), anciens orientaux (23%) et Basal Eurasian (14%).

Les Amérindiens du Brésil sont issus d'un mélange entre Est Asiatiques (73%) et Anciens Nord Eurasiens (27%). Ils incorporent également un peu d'ascendance issue d'une population inconnue, nommée population Y, reliée aux Onges et aux anciens Australasiens.

Dans le modèle ci-dessus, après la sortie d'Afrique et la divergence avec la population Dinka, la plus ancienne divergence est entre groupes occidentaux et orientaux. Dans le groupe occidental, la divergence suivante se situe entre Ust’-Ishim et K14. Dans le groupe Oriental la divergence suivante se situe entre anciens Australasiens, Onges et anciens Est Asiatiques.