Le Pakistan se situe en Asie du Sud et représente environ 10% de la population de cette région caractérisée par de multiples groupes ethniques et linguistiques. On suppose que les premiers hommes modernes y sont entrés à la suite de leur première expansion hors d'Afrique il y a entre 70.000 et 50.000 ans. Il y a environ 9000 ans ont émergé les premières cités Néolithiques de la culture de Harappa. Depuis, la région a subi plusieurs vagues de migration qui ont influencé le motif génétique des populations actuelles.

Les première études génétiques au Pakistan ont montré que les affinités génétiques entre groupes sont davantage corrélées avec la distance géographique qu'avec l'origine linguistique. Une exception notable est celle de la population Kalash qui semble reliée à des chasseurs-cueilleurs de Sibérie.

Les langues Indo-Européennes prédominent au Pakistan à côté d'un isolat linguistique: le Bourouchaski, plusieurs groupes Tibéto-Birmans et un groupe Dravidien: les Brahouis. Ce groupe est entouré géographiquement de groupes Indo-Européens et est éloigné des autres groupes Dravidiens situés en Inde et au Sri-Lanka. Les premières études mitochondriales et du chromosome Y ont montré que les Brahouis étaient similaires génétiquement à leurs voisins Indo-Européens.

Luca Pagani et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: An ethnolinguistic and genetic perspective on the origins of the Dravidian speaking Brahui in Pakistan. Ils ont analysé le génome complet de plusieurs Brahouis ainsi que d'échantillons appartenant à d'autres populations d'Afrique, de Chine, de Russie, d'Inde et du Pakistan:
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Dans la figure ci-dessus, les populations Indo-Européennes sont représentées par des disques noirs, les populations Dravidiennes par des disques rouges et les populations d'autres langues par des cercles noirs. DRI représente un groupe Indien Dravidien, IEI un groupe Indien Indo-Européen et AAI un groupe Indien Austro-asiatique. L'ensemble est constitué de 237 échantillons génotypés sur environ 470.000 SNPs.

Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales. La figure ci-dessous représente en A les deux premières composantes et en B les composantes PC2 et PC3:
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La première composante sépare les Africains (en bleu) des autres populations. La seconde composante sépare les Adyges de Russie (en cyan) des Chinois Han (en rouge). Les groupes Sud Asiatiques s'étirent entre Adyges et Han avec quelques groupes qui montrent un léger flux de gènes Africains témoin de la traite des esclaves depuis l'Afrique de l'Est. La troisième composante sépare les Indiens Dravidiens et Austro-asiatiques des populations Russes et Chinoises. Les groupes Pakistanais et Indiens Indo-Européens s'étirent entre les Adyges et les Indiens Dravidiens. Les Brahouis se situent à proximité de leurs voisins Pakistanais et Indo-Européens, loin des Indiens Dravidiens.

Les auteurs ont également réalisé une analyse avec le logiciel ADMIXTURE:
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Là encore les Brahouis sont très différents des Indiens Dravidiens, mais similaires à leurs voisins Pakistanais Indo-Européens, à l'exception des Kalashs qui forment un isolat génétique et des Hazaras qui montrent un flux de gènes issus des Chinois Han attribué à l'invasion Mongole.

Les auteurs ont ensuite utilisé la statistique f3 et ont montré que les Indiens Dravidiens n'ont pas contribué au génome des Brahouis. Ces résultats ont été confirmés par la statistique f4 qui a montré que les Indiens Dravidiens n'ont pas plus contribué au génome des Brahouis que de leurs voisins Indo-Européens.

En conclusion, les Brahouis, même s'ils présentent une composante Dravidienne dans leur génome (composante jaune ci-dessus), n'en possèdent pas plus que leurs voisins Pakistanais Indo-Européens. Il y a deux modèles possibles pour expliquer la présence de Dravidiens au Pakistan. Soit les ancêtres des Brahouis étaient des Dravidiens locaux qui ont été assimilés génétiquement par les Indo-Européens qui sont arrivés il y a environ 3000 ans. Soit les ancêtres des Brahouis étaient des Indo-Européens qui ont ensuite adopté une langue Dravidienne. Les données historiques et linguistique supportent davantage le premier scénario.