Les nouvelles technologies de séquençage du génome à haut débit permettent maintenant d'étudier les variations du chromosome Y dans des anciennes populations à partir d'ADN extrait des restes humains. Il est ainsi possible de savoir quel haplogroupe était présent dans telle région à telle époque, dans la limite de la survie de l'ADN.
Toomas Kivisild vient de publier un papier intitulé: The study of human Y chromosome variation through ancient DNA. Il fait le point sur les différentes données publiées jusqu'ici, concernant les résultats d'analyses du chromosome Y sur des restes anciens d'homme moderne.
Connaissant l'âge des restes humains dont le génome a été séquencé, il est possible de les positionner sur l'arbre phylogénétique du chromosome Y et ainsi d'interroger la validité de cet arbre reconstruit à partir du génome de populations contemporaines.
Ainsi l'arbre ci-dessous incorpore les neufs plus anciennes séquences aujourd'hui reconstruites. Ces séquences appartiennent à l'un des trois haplogroupes basaux identifiés dans les populations Eurasiennes après leur sortie d'Afrique: C, F et K:
Le bon positionnement de ces anciennes séquences conforte la robustesse de l'arbre obtenu à partir des génomes de populations contemporaines, et aide à sa calibration dans le temps. Les deux plus anciennes séquences: Ust’Ishim (carré rouge) en Sibérie et Oase (étoile rouge) en Roumanie appartiennent à la racine de l'haplogroupe K. Ces deux séquences sont également positives pour le SNP M2308 qui définit la base du groupe NO. Ce groupe est aujourd'hui largement diffusé en Eurasie des populations Finno-ougriennes du Nord-Est de l'Europe aux populations d'Asie du Sud-Est. L'homme de Kostenki (triangle rouge) appartient à une population plus proche des Européens actuels que des Est Asiatiques actuels. Pourtant, il appartient à l'haplogroupe C qui est très rare aujourd'hui en Europe. Un autre individu du Mésolithique Espagnol appartient à la sous-clade C6-V20, de même que trois fermiers Néolithiques d'Anatolie et d'Europe Centrale:
Deux autres chasseurs-cueilleurs appartiennent soit à la base de l'haplogroupe C1 (Goyet), soit à l'haplogroupe C6-V20 (Dolni Vestonice). C6-V20 est un groupe spécifique Européen aujourd'hui, alors que les autres clades de l'haplogroupe C sont présentes dans l'Est de l'Eurasie.
La distribution géographique de l'haplogroupe G aujourd'hui a suggéré sa diffusion avec les fermiers du Néolithique. Les données de l'ADN ancien confirment cette hypothèse. Notamment l'homme de glace: Ötzi se regroupe avec les populations actuelles de Sardaigne et de Corse. Or le génome des populations Sardes actuelles est identifié comme le plus proche des premiers fermiers Européens:
A l'inverse, l'haplogroupe H est présent aujourd'hui essentiellement en Asie du Sud, bien que la sous-clade H4-L285 est retrouvée en Europe. Ce dernier haplogroupe a été effectivement retrouvé dans des fermiers d'Anatolie et d'Europe comme le montre la figure ci-dessus.
L'haplogroupe I est restreint aujourd'hui à l'Europe. Il a été identifié comme un marqueur des populations Paléolithiques d'Europe. L'ADN ancien a confirmé cette hypothèse. La sous-clade mineure I3-L596 a été retrouvée chez des fermiers d'Anatolie et des chasseurs-cueilleurs Scandinaves. I1-M253, qui est très fréquent aujourd'hui en Scandinavie, a été retrouvé chez trois individus du Néolithique Final et de l'Âge du Bronze dans cette région Nordique. De manière intéressante, un fermier du Néolithique Ancien de Hongrie est également positif pour le SNP M253. L'haplogroupe I2 est la clade la seconde en fréquence chez les fermiers d'Europe Centrale après l'haplogroupe G. Elle est aussi présente dans la population Mésolithique d'Europe:
L'haplogroupe J a été associé à la diffusion du Néolithique en Europe. Cependant il n'a pas été détecté dans le génome de fermiers Européens. Ses premières traces apparaissent chez des chasseurs-cueilleurs du Caucase (étoiles rouges ci-dessus) et de Carélie, dans le Nord-Ouest de la Russie. On le retrouve également chez des fermiers d'Iran et d'Anatolie. En Europe, il apparait pour la première fois à l'Âge du Bronze.
L'haplogroupe R1b-M343 est aujourd'hui le plus fréquent en Europe Occidentale, avec un pic de 90% dans la population Basque. Il a été suggéré que cet haplogroupe était celui des populations Paléolithiques d'Europe. Nous savons maintenant que l'âge de la sous-clade Occidentale R1b-M269 est récent: entre 7000 et 5000 ans seulement. De plus l'ADN ancien nous montre que les plus anciennes séquences R1b d'Europe n'appartiennent pas à la sous-clade R1b-M269, notamment l'individu de Villabruna vieux de 14.000 ans. En fait la clade R1b-M269 apparait en Europe uniquement au Néolithique Final et à l'Âge du bronze. Nous savons également que la population actuelle Basque a le plus d'affinité génétique avec les premiers fermiers d'Espagne. Leurs chromosomes Y reflètent donc probablement une diffusion démographique plus récente issue de l'Est dans l'aire de distribution de la culture Yamnaya:
La clade spécifique de la population Yamnaya: R1b-Z2105 est aujourd'hui fréquente dans le Caucase et la région Volga-Oural. De manière intéressante la clade-R1b-V88, aujourd'hui fréquente en Afrique, a des relations au Néolithique Ancien en Espagne, Allemagne et dans la région de la Volga. De plus des anciennes lignées R1b-P297 se retrouvent chez les chasseurs-cueilleurs de Russie et de Lettonie et pourraient indiquer une certaine continuité génétique dans cette région au nord des Steppes.
De manière identique, l'haplogroupe R1a fait son apparition en Europe seulement à la fin du Néolithique et à l'Âge du Bronze à la suite des migrations des Steppes. Il apparait également peu après dans différentes cultures des Steppes. Les sous-clades Européennes R1a-Z283 et R1a-M417(xZ645) sont différentes de la sous-clade Asiatique: R1a-Z93:
Des chasseurs-cueilleurs appartenant à d'anciens lignages R1a sont présents chez les chasseurs-cueilleurs au Nord des Steppes. Ils pourraient être le témoin d'une continuité génétique dans cette région.
La population Amérindienne a pour haplogroupes du chromosome Y, principalement Q, mais aussi une faible proportion de C3-M217. Ces lignages se retrouvent également en différents endroits d'Eurasie. De manière intéressante, la population Amérindienne hérite de l'ADN d'une population dont fait partie le garçon de Mal'ta de Sibérie vieux de 24.000 ans. Ce garçon se situe à la base de l'haplogroupe R, peu après sa divergence avec l'haplogroupe Q. L'haplogroupe Q a deux lignées anciennes: Q1a-M3 et Q1b-M971, qui ont émergé quelque part en Sibérie avant de se disperser aux Amériques:
Le plus vieux squelette des Amériques dont le génome a été séquencé, se trouve à Anzick (carré rouge). Il appartient à la clade: Q1b-M971. L'individu de la grotte "On your knees" (losange rouge) appartient à l'autre lignée: Q1a-M3, de même que l'homme de Kennewick (disque rouge). Enfin l'individu Saqqaq (étoile rouge) vieux de seulement 4000 ans, appartient à la clade Q2b-B143, que l'on retrouve aujourd'hui dans une population Koriak du Nord-Est de Sibérie.
L'étude du chromosome Y de l'homme moderne à partir de l'ADN ancien
mardi 7 mars 2017. Lien permanent ADN ancien
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4 réactions
1 De valero - 28/03/2018, 12:58
bonjour,Bernard...je viens de prendre tardivement connaissance de ton blog...dommage que j en'ai pu le faire avant,car il resume absolument tout ce que je recherche;;;il est tres complet et tres documenté....felicitation...!!!je compte preparer un livre sur les incidences de notre passé dans la prehistoire dans nos comportements actuels et les pathologies mentales et nos "nevroses"....je suis psychiatre,psychanalyste,therapeute',et j'ai fait ma these de medecine il y à plus de "30 ans sur les "contraintes ethologiques"dans notre vie...ma "theorie porte sur les reves ,la peur du noir,et les logiciels adaptatifs que nous mettons en place tres tot,pour survivre dans la jungle de la vie moderne,logiciels qui, parfois posent plus de problemes que d'avantages,à l'image des logiciels pare feu ou anti virus,qui,si on les augmentent ,bloquent tout,,,,(c'est un trsé trés bref resumé)....j'aimerais bien te contacter pour en discuter,sachant que tu habites Aix,et moi Marseille... mon tel : 0610883257.....tres bon week-end
2 De Bernard - 28/03/2018, 14:06
Bonjour Valero,
Non je n'habite pas Aix, mais la région Parisienne.
3 De Lagrange - 21/04/2020, 10:51
Haplogroupe I-L22
Ma généalogie remonte très loin dans le centre de la France et dans le sud du Portugal d’une part, et d’autre part l’analyse ADN donne mes haplogroupes paternel (I-L22) et maternel (H3). En effet si on considère que la population n’a pratiquement pas bougée. On trouve des sites Solutréens et Magdaléniens à Argenton sur creuse (la garenne), à Lussac les Châteaux (la Marche), à Bossay sur Claise (les Maitreaux) et en Dordogne. Ce sont des sites très proches de mon ascendance creusoise d’une part, d’autre part le site de « vale Boi » près de Lagos en Algarve au Portugal. C’est un site très proche de mon grand-père José Ignacio, né au Portugal.
D’où mon questionnement, mes ancêtre ne font il pas partie des premiers Homo sapiens européens ? Est-ce de par la lignée paternelle (Portugal & creusois) ou maternelle (creusois) ?
4 De Bernard - 21/04/2020, 15:10
Bonjour Lagrange,
Oui l'haplogroupe du chromosome Y I est ancien en Europe et date du Paléolithique. Par contre la branche I1 dont L22 fait partie est plus mystérieuse. En effet elle reste très rare jusqu'à la fin du Néolithique avant de se diffuser énormément probablement à partir de la Scandinavie. L'haplogroupe mitochondrial H3 est probablement entré en Europe au début du Néolithique.