La mer Méditerranée a joué un rôle primordial dans les migrations humaines à partir du Levant et du Proche-Orient, notamment durant le Néolithique. Cependant des événements démographiques plus récents ont pu modifier la structure génétique des populations de Sicile et d'Italie du Sud, notamment dans les deux minorités ethnolinguistiques d'Italie: les Arberèches parlant Albanais et situés en Sicile dans la province de Palerme et en Calabre dans la province de Cosenza. Ils ont fui l'Albanie aux 15ème et 16ème siècles, suite à l'invasion Ottomane des Balkans. L'autre minorité est constituée des populations parlant le Grec dans la province de Lecce en Apulie et dans la province de Reggio Calabria en Calabre. Leur origine est incertaine: soit au temps des colonies Grecques, soit durant l'empire Byzantin.

Stefania Sarno et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Ancient and recent admixture layers in Sicily and Southern Italy trace multiple migration routes along the Mediterranean. Ils ont séquencé le génome de 511 échantillons appartenant à 23 populations différentes de Sicile, d'Italie du Sud, d'Albanie et de Grèce:
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Ces individus ont été comparés à un ensemble de 1469 échantillons issus de 68 populations contemporaines et à 263 anciens génomes. Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales et une analyse avec le logiciel ADMIXTURE. La figure A ci-dessous montre la PCA dans son ensemble et la figure B indique uniquement les populations Méditerranéennes étudiées dans ce papier:
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Les populations d'Italie du Sud et des Balkans se situent au centre de la PCA formant un pont ininterrompu entre les populations du Proche-Orient et du Caucase (à droite) et les populations Européennes (au centre). Notamment les populations d'Italie du Sud et de Sicile se regroupent avec les populations des Îles Méditerranéennes (Chypre, Crète, Îles de la mer Égée et Îles Anatoliennes). A l'inverse les populations de Grèce continentale et du Péloponnèse se regroupent avec les autres populations du Sud des Balkans: Albanie et Kosovo, et les populations du Nord des Balkans avec les populations Est Européennes.

L'analyse ADMIXTURE montre les populations étudiées comme un mélange de composantes issues de la région Méditerranéenne: Europe, Caucase, Sardaigne et Proche-Orient. Trois d'entre elles correspondent à d'anciennes populations Européennes: chasseurs-cueilleurs de l'Ouest, chasseurs-cueilleurs du Caucase et premiers fermiers d'Europe. Toutes les populations d'Italie du Sud, de Grèce et du Sud des Balkans montrent une majorité de composante premiers fermiers du Néolithique (en vert ci-dessous), suivie par la composante du Caucase (en jaune ci-dessous). La composante du Proche-Orient (en rouge ci-dessous) est plus importante chez les populations du Sud de l'Italie et des Îles Grecques, alors que la composante Européenne (en bleu ci-dessous) est plus présente chez les populations du Sud des Balkans:
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Les auteurs ont ensuite utilisé le logiciel fineStructure pour mettre en évidence des regroupements à l'intérieur des populations étudiées. Les meilleurs résultats sont obtenus pour un ensemble de 14 groupes:
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Ainsi la figure ci-dessus montre que les populations de Grèce continentale se regroupent entre elles (cluster bleu clair). Cette couleur est absente dans les populations des Îles Grecques et dans le sud de l'Italie sauf chez les Arberèches de Calabre. Les individus d'Italie du Sud, de Crète et des Îles Égées sont assignés à deux autres groupes. Le premier en vert clair est dominant en Sicile et en Calabre, mais également présent dans les îles Grecques. Le second en violet est présent en Apulie et en Sicile de l'ouest, mais aussi dans le Péloponnèse et dans les îles Grecques. Enfin, les population de Chypre et les grecs d'Italie possèdent leur propre cluster.

Les populations Albanaises d'Italie montrent un partage récent d'ascendances avec les populations des Balkans, mais aussi un échange de gènes avec les populations Italiennes qui les entourent. A l'inverses les populations Grecques d'Italie ne montrent pas de partage récent d'ascendances avec les populations Grecques continentales. Ils se rapprochent davantage des populations du Sud de l'Italie et des îles Grecques. L'arrivée de ces populations remontent donc à l'antiquité. Elles se sont ensuite mélangées génétiquement et culturellement avec les populations voisines dans le sud de l'Italie. De plus ces populations Grecques d'Italie ne présentent pas la composante du Sud des Balkans détectée en Grèce continentale, en Albanie et chez les Arberèches de Calabre (en bleu clair). Ainsi leur arrivée en Italie du Sud précède l'arrivée de cette composante dans les Balkans, probablement au début du Moyen-Âge.

Les auteurs ont ensuite utilisé le logiciel ADLER et la statistique f3 pour mettre en évidence des mélanges génétiques récents. Ainsi les populations des Balkans et du Sud de l'Italie ont vu l'arrivée de populations Européennes, il y a environ 3000 ans (Âge du Fer) et 1500 ans (début du Moyen-Âge). Ces derniers événement peuvent être reliés aux migrations Slaves du Moyen-Âge. La présence de la composante du Caucase dans les populations Méditerranéennes est cependant plus faible que dans les populations du Nord-Est de l'Europe, indiquant probablement une origine différente que celle des migrations Yamnaya. Les auteurs proposent des migrations spécifiques plus tardives, le long des côtes Méditerranéennes, et qui ont pu également apporté les langues Indo-Européennes dans la région.