Les données archéologiques, fossiles et génétiques placent les premières traces de l'homme moderne en Afrique Sub-saharienne. L'Afrique de l'Est possède les plus anciens fossiles humains modernes datés d'environ 190.000 ans en Éthiopie. Le genre Homo occupe l'Afrique du Sud depuis environ 2 millions d'années. Il y a une phase de transition majeure entre 600.000 et 200.000 ans avec le passage du Paléolithique Inférieur au Paléolithique Moyen. D'après les données génétiques, les populations Khoe-San d'Afrique du Sud portent les lignages les plus anciens avec une période de divergence remontant entre 160.000 et 100.000 ans avec les autres populations.
Carina Schlebusch et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Ancient genomes from southern Africa pushes modern human divergence beyond 260,000 years ago. Ils ont séquencé le génome de sept anciens individus du KwaZulu-Natal en Afrique du Sud. Il y a trois chasseurs-cueilleurs situés à Ballito Bay et Doonside et datés d'environ 2000 ans et quatre fermiers de l'Âge du Fer situés à Champagne Castle, Eland Cave, Mfongosi et Newcastle, et datés entre 500 et 300 ans. Ces individus ont été comparés à des individus actuels d'Afrique du Sud, d'Afrique et du monde:
Deux des trois chasseurs-cueilleurs sont des hommes, les quatre fermiers sont des femmes. Les trois chasseurs-cueilleurs et un fermier sont de l'haplogroupe mitochondrial L0d commun dans les populations actuelles Khoe-San. Les trois autres fermiers sont de l'haplogroupe mitochondrial L3e commun chez les groupes Bantous. Les deux hommes chasseurs-cueilleurs sont de l'haplogroupe du chromosome Y A1b1b2 commun dans les populations Khoe-San:
Les auteurs ont ensuite réalisé une Analyse en Composantes Principales. Les anciens chasseurs-cueilleurs se situent à une extrémité de la figure ci-dessous (en haut à droite). Les Khoe-San actuels sont déplacés vers les autres Africains ou non Africains indiquant ainsi un mélange génétique avec des Africains de l'Est ou des Eurasiens:
et une analyse avec le logiciel ADMIXTURE (les anciens individus d'Afrique du Sud sont situés à droite du graphique):
Ces résultats montrent que les trois chasseurs-cueilleurs sont liés génétiquement aux groupes actuels Khoe-San du Sud comme les Karretjie et les San du lac Chrissie. Les quatre fermiers se regroupent avec les populations d'origine d'Afrique de l'Ouest, notamment les populations du sud-est d'Afrique du Sud parlant Bantou. Ces résultats sont compatibles avec les données archéologiques qui montrent l'arrivée de migrants il y a environ 1700 ans en Afrique du Sud.
Les auteurs ont testé plusieurs modèles de mélange génétique dans les groupes Khoe-San actuel. Le plus probable indique un mélange entre les anciens chasseurs-cueilleurs d'Afrique du Sud et une population préalablement mélangée entre des Africains de l'Est et des Eurasiens, comparable à la population Amhara d’Éthiopie. Ainsi les Ju|’hoansi ont reçu entre 9 et 14% de cette population, et tous les groupes actuels Khoe-San ont reçu entre 9 et 22% de cette population. Ce mélange génétique est daté entre 1500 et 1300 ans. Ce scénario est consistant avec un modèle impliquant l'arrivée de pasteurs issus du Nord-Est.
Les auteurs ont ensuite estimé le temps de divergence entre les anciens chasseurs-cueilleurs d'Afrique du Sud et les autres populations. Ils ont obtenu une valeur comprise entre 265.000 et 300.000 ans:
Ce temps de divergence est à mi chemin du temps de divergence entre Néandertaliens et Dénisoviens, et entre 2,5 et 3,5 fois plus ancien que la sortie d'Afrique de l'homme moderne. Il est également intéressant de noter que ce temps de divergence est proche de la divergence de la clade A00 avec le reste de l'arbre du chromosome Y.
Les données de cette étude contribuent à mieux comprendre deux événements démographiques récents mis en évidence par l'archéologie en Afrique du Sud: la migration de pasteurs venus d'Afrique de l'Est il y a un peu plus de 1500 ans, et la migration de fermiers Bantous issus d'Afrique de l'Ouest. Le temps de divergence estimé supérieur à 260.000 ans est compatible avec le début du Paléolithique Moyen en Afrique Sub-saharienne. Notamment à Florisbad, dans le centre de l'Afrique du Sud, des artefacts et des restes humains (dont un crâne présentant des caractères archaïques et modernes) datent d'environ 259.000 ans. Des restes humains ont été découverts également à Hoedjiespunt, en Afrique du Sud et sont datés entre 300.000 et 200.000 ans. Ils ont été attribués à Homo heidelbergensis. Ces éléments démontrent la présence humaine en Afrique du Sud à une époque proche du temps de divergence entre les anciens chasseurs-cueilleurs d'Afrique du Sud et les autres populations.
Mise à jour
Ce papier a été définitivement publié en novembre 2017: Southern African ancient genomes estimate modern human divergence to 350,000 to 260,000 years ago
5 réactions
1 De liganol - 08/06/2017, 03:39
Intéressant, j'aime les articles sur les découvertes archéologiques et surtout sur les études génétiques faites en Afrique sub-saharien, car étant donné que l'écriture est apparue tard dans ces régions, à part les traditions orales auxquels on ne peut se fier à 100 %, ainsi que les témoignages laissés par des voyageurs et chroniqueurs arabes dans un premier temps et des Européens des siècles plus-tard dans un deuxième temps, pour savoir ce qui s'y est passé et comment ça s'est passé, on peut compter que sur l'archéologie et la génétique. La seule chose qui est déplorable, c'est qu'il est quasiment impossible d'effectuer des études d'ADN ancien sur les habitants d'Afrique de l'Ouest, qui est quand même le berceau de plusieurs empires d'Afrique sub-saharien, ainsi que d'anciennes civilisations, comme celui des Nok au Nigéria, et cela à cause de la haute acidité du sol dans cette région qui empêche la préservation des squelettes anciens de ces contrées.
2 De Le-Kabyle - 08/06/2017, 18:06
Nos cousins coushites d'Afrique de l'est et de langue afrasienne sont partis jusqu'en Afrique du Sud. Même certains khoisant possèdent de l'ADN des coushites.
Les Maasai semblent un mélange de Nilotes et de Coushites c'est fascinant. Les Tutsis rwandais semblent avoir une part importante d'ascendance coushites de l'est et du Sud. Les coushites du Sud ont atteint l'Afrique australe et on retrouve leur ADN chez beaucoups de peuples bantous et même khoisan de cette region.
Autre chose : les Africains de l'ouest semble être le mélange de plusieurs populations distincts les unes des autres dont l'une des plus importante est originaire d'Afrique de l'est (porteur de mtDNA L3 et ydna E1b).
3 De liganol - 09/06/2017, 05:08
@Le-Kabyle
Bonjour,concernant l'Afrique de l'Ouest, j'ai justement lu un article scientifique, il y a à peine quelques jours, qui allait aussi dans votre sens. Le scientifique en question expliquait que si aujourd'hui l'haplogroupe E1b1a et ses sous-clades sont très largement prévalents en Afrique de l'Ouest et aussi centrale, ce n'était pas le cas autre-fois : Selon lui, autre-fois l'Afrique de l'Ouest était largement dominé par les haplogroupes anciennes A et B et leurs sous-clades, qu'on ne retrouve plus aujourd'hui que chez les Khoisans, les Pygmées et d'autres peuples isolés. Selon lui, l'haplogroupe E1b1a serait né en Afrique de l'Est, et il y a 8 ou 9000 ans, les porteurs de cet haplogroupe auraient migré vers l'Afrique de l'Ouest où ils se seraient métissés aux anciens peuples qui se trouvaient déjà sur place, finissant aux fils des siècles par complètement absorbés les autres haplogroupes plus anciens. Par la suite, des siècles plus-tard, l'expansion bantou allait se charger de répandre cet haplogroupe et ses sous-clades en Afrique centrale, de l'Est et aussi du Sud, ce qui explique aujourd'hui la prévalence de E1b1, dont E1b1a est issus, en Afrique sub-saharien. Bien-sûr aux fils des siècles il y aura d'autres petites vagues de migrations de l'Est vers l'Ouest, mais selon lui la cause de cette prévalence de l'haplogroupe E1B1a et ses sous-clades en Afrique de l'Ouest viendrait majoritairement de cette lointaine migration de l'Est vers l'Ouest qui eut lieu il y a 8000 ans.
Maintenant, imaginez un peu tous les informations supplémentaires qu'on pourrait tirer si on arrivait à trouver plusieurs squelettes anciens et préhistoriques en Afrique de l'Ouest et centrale et à prélever leur ADN. En tout cas je ne désespère pas, je sais qu'on continu de faire des prélèvements d'ADN sur d'autres populations d'Afrique sub-sahariens en vue de comprendre l'histoire complexe des populations de cette région et comment ils ont interagi entre eux; cela pourrait aider à comprendre l'Histoire de ces régions : Par exemple, il y a près de 20 ans, j'ai lu dans un livre sur l'Histoire générale de l'Afrique, que l'archéologie avait découvert une culture que les archéologues ont appelé culture aquatique, car ses porteurs semblaient laissé une large place à la pêche, et cette culture aurait pris naissance il y a 10 000 ans en Afrique de l'Est. D'après l'archéologie, les porteurs de cette culture auraient occupé un vaste territoire qui s'étendait de l'Afrique de l'est à l'Afrique centrale et aussi de l'Afrique de l'Est à l'Afrique du Sud. Ils semblaient avoir atteint leur apogée il y a 7000 ans, et ensuite commencé à décliner il y a 5000 ans. Par la suite ,des millénaires plus-tard, l'expansion des Nilotiques, celui des Couchites et enfin celui des bantous allaient complètement les absorber. Pour certains spécialistes les porteurs de la culture aquatique, seraient les locuteurs d'origine des langues kordofaniennes qui ne sont presque plus parlé par personne aujourd'hui en Afrique, à l'exception d'un peu plus de 100 000 personnes, mais pour d'autres, les Nilotiques n'auraient pas absorbés les porteurs de la culture aquatique parce que les porteurs de cette culture seraient à l'origine des Nilotiques, si vous voulez ce seraient eux qui seraient à l'origine des langues nilotiques, et seraient les locuteurs de la langue nilotique originelle qui était autre-fois répandu sur un bien plus grand territoire, avant d'être absorbés par les Coushites, et ensuite par les Bantous. C'est exactement ce genre de choses que les tests génétiques pourraient permettre de confirmer ou d'infirmer, et c'est pour cela que les études génétiques sont très importantes pour la compréhension de l'Histoire de l'Afrique sub-saharien.
4 De lecteur - 09/06/2017, 07:46
En afrique du sud , dans les temps modernes il y a
eu surtout l'énorme génocide ( environ 2 millions de morts ) lors de l'invasion bantoue 18 et 19 ème siècles -
migrant vers le sud pour envahir l'afrique australe
et venant à la rencontre des afrikaaners et khoisans
5 De L - 09/06/2017, 07:49
ces jours-ci la presse hurle à la découverte d'humains au Maroc ,découverte qui repousserait
de 100 000 ans la datation humaine
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hors déjà par les haplogroupes ceci semblait acquis
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en découvrant même un A00 de plus de 300 000 ans
chez un africain de New-York
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quel apport réel ???