Le sud du Caucase, situé entre la mer Noire et la mer Caspienne, relie géographiquement l'Europe avec le Proche-Orient et a servi de carrefour migratoire pendant des millénaires. Malgré de nombreux gisements archéologiques montrant des changements culturels, les événements démographiques qui ont façonné les populations de cette région ne sont pas connus.

Ashot Margarya et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Eight Millennia of Matrilineal Genetic Continuity in the South Caucasus. Ils ont analysé le mitogénome de 52 anciens squelettes d'Arménie dont 44 nouveaux, s'étalant entre le Néolithique il y a 7800 ans et l'époque Médiévale il y a seulement 300 ans, bien que la majorité appartiennent à l'Âge du Bronze entre 4000 et 3000 ans. Ces anciens mitogénomes ont été comparés avec 206 séquences mitochondriales appartenant à trois populations actuelles d'Arménie: Ararat, Artsakh et Erzurum:
2017_Margaryan_Figure1.jpg

Les fréquences des différents haplogroupes mitochondriaux sont les suivantes:
2017_Margaryan_Figure2.jpg

Il est ainsi clair que les Arméniens actuels et les anciens individus d'Arménie montrent beaucoup de similarité. Les trois individus du Néolithique appartiennent aux haplogroupes H et I associés à la diffusion du Néolithique en Europe à partir du Proche Orient. Cependant, bien que I apparaisse en Europe seulement à la fin du Néolithique, il est présent en Arménie il y a 7800 ans. Ainsi le sud du Caucase pourrait représenter le lieu géographique d'origine de cet haplogroupe.

Une analyse en correspondances montre que les anciens Arméniens se regroupent avec les populations actuelles d'Europe, du Caucase et d'Arménie. Il n'y a aucun haplogroupe Est Asiatique (A, C, D, F, G et M) parmi les échantillons anciens d'Arménie, et un seul individu actuel d'Arménie appartient à l'haplogroupe D. Ainsi les migrations préhistoriques et historiques attestées d'Asie Centrale vers le sud du Caucase n'ont eu aucun impact sur les lignages maternels d'Arménie. Les facteurs géographiques et culturels ont empêché tout mélange génétique entre Turcs et Arméniens.

Les auteurs ont ensuite construit un graphique à partir d'une analyse multi-échelles basée sur la distance génétique entre populations. Là encore les anciens Arméniens se regroupent avec les populations Arméniennes actuelles:
2017_Margaryan_Figure3.jpg

Une analyse Bayesian skyline plot (BSP) révèle quatre événements démographiques successifs:
2017_Margaryan_Figure4.jpg

Il y a notamment une diminution sensible de la population effective maternelle il y a environ 25.000 pendant le Dernier Maximum Glaciaire, suivie par une rapide augmentation de la population. Il y a une autre diminution de la population il y a environ 5000 ans. Cet événement correspond à la formation des sociétés complexes de l'Âge du Bronze dans la région. Il a notamment été montré dans des études préalables, que des maladies comme la peste se sont répandues en Eurasie à cette période.

Enfin les auteurs ont testé cinq scénarios démographiques. Le scénario de continuité génétique mitochondriale en Arménie est le plus probable, depuis au moins le début du Néolithique.