La vallée du Nil et l'Afrique du Nord-Est ont une longue histoire des peuplements humains. La région contient des fossiles des premiers hommes modernes et a abrité certaines des plus anciennes civilisations du monde. L'agriculture est datée autour de 5000 ans av. JC. avec des plantes issues du Moyen-Orient et du sorgho. Les premiers troupeaux sont datés du 5ème millénaire av. JC. et le pastoralisme s'est rapidement diffusé parmi les premières sociétés néolithiques. La première unité politique est le royaume de Kerma qui émerge vers 3000 ans av. JC.

Aujourd'hui la région du Soudan montre une grande diversité linguistique dont les populations appartiennent à trois grandes familles: Afro-Asiatique, Nilo-Saharienne et Niger-Congo.

Nina Hollfelder et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Northeast African genomic variation shaped by the continuity of indigenous groups and Eurasian migrations. Ils ont séquencé le génome de 221 individus appartenant à 18 populations du Soudan et du Sud-Soudan:
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Ces populations ont été comparées à d'autres populations mondiales. Les auteurs ont ainsi réalisé une analyse basée sur la distance génétique (Fst):
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et une analyse avec le logicel ADMIXTURE:
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Les résultats montrent certains niveaux de structure et de différentiation dans les différentes populations du Nord-Est de l'Afrique. Certains groupes montrent notamment une forte affinité génétique avec des populations d'Europe, du Moyen-Orient ou d'Afrique de l'Ouest. De plus les variations génétiques sont corrélées davantage avec la géographie qu'avec la linguistique. Ainsi des populations du Nord et de l'Est du Soudan montrent des affinités génétiques avec des populations non Africaines.

Parmi les populations du Soudan, les quatre populations Nilotiques (Dinka, Nuer, Shilluk et Baria) forment un groupe à part. Dans la figure ci-dessus, ils possèdent une composante bleue foncée qui est partagée avec les autres populations d'Afrique du Nord-Est pour de faibles valeurs de K. Ces populations Nilotiques apparaissent donc comme une source ancestrale pour les autres populations du Soudan. La comparaison avec les anciens fermiers Européens montre qu'ils possèdent très peu de gènes non Africains. Ces populations Nilotiques sont essentiellement des pasteurs. Ils sont fortement endogamiques et sont restés longtemps isolés.

Les populations du Soudan montrent très peu d'ascendance Ouest Africaine (en orange ci-dessus) sauf les Hausa. Ainsi les migrations Bantoues n'ont pas causé de flux de gènes importants en Afrique du Nord-Est, contrairement à d'autres régions Sub-Sahariennes. Les Hausa originaire d'Afrique de l'Ouest, ont migré dans la région très récemment il y a environ 300 ans.

Les Nubiens (Danagla, Mahas et Halfawieen) habitent la vallée du Nil dans le désert aride du Nord du Soudan. Ils parlent une langue Nilo-Saharienne. Ils ont une longue histoire dans la région qui remonte aux dynasties Égyptiennes. Ils sont également proche génétiquement des populations Arabes et Beja voisines. Bien que proches linguistiquement des populations Nilotiques, ils en sont différentiés génétiquement à cause de leur fort mélange génétique avec des populations Eurasiennes (proportion entre 39 et 47%).

Toutes les populations du Nord-Est du Soudan montrent des flux de gènes Eurasiens d'une quantité similaire. Les études précédentes historiques et génétiques ont montré que ce flux de gènes était lié à l'expansion de l'Islam à partir de la péninsule Arabique. Cette étude confirme la date de mélange génétique autour de 56 générations, ce qui nous amène proche du 7ème siècle. Cependant une population: les Halfawieen ont reçu le flux de gènes Eurasien plus récemment il y a seulement 19 générations. Il est connu historiquement que les Arabes rencontrèrent les Nubiens au 7ème siècle, mais furent ensuite bloqués jusqu'à la chute de Dongola vers 1315 ou 1316, et l'éclatement du royaume de Makurie. Cette dernière date est consistante avec la date de mélange génétique de la population Halfawieen.

Les Coptes représentent une minorité Chrétienne qui a migré au Soudan il y a environ 200 ans. Ils sont proches génétiquement de la population Égyptienne, et montre, comme cette dernière, plusieurs mélanges génétiques successifs entre une population sub-Saharienne et des populations Eurasiennes. Il semble qu'ils soient restés isolés une fois arrivés au Soudan.

Les Messiria représentent une population parlant Arabe et habitant les régions du Darfour et du Kordofan. Ils sont proches génétiquement des populations voisines géographiquement, et différents des populations Arabes du Nord-Est du Soudan. Ils montrent un mélange génétique entre une population Nilotique (85%) et une population Eurasienne (15%). Ce mélange est daté de seulement 7 générations, soit environ 200 ans.

Les Gemar, une population parlant une langue Nilo-Saharienne du Darfour et du Kordofan, montrent également un mélange génétique avec une population Eurasienne, daté d'environ 13 générations.

Enfin les Zaghawa et les Nuba, autres populations du Darfour et du Kordofan, montrent très peu de flux de gènes Eurasiens. Il sont proches génétiquement des populations Nilotiques ainsi que des Messiria et des Gemar, suggérant ainsi que toutes les populations du Darfour et du Kordofan ont une origine commune proche de celles des populations Nilotiques.