La transition entre le Paléolithique Moyen et le Paléolithique Supérieur en Europe est caractérisée par des changements culturels et biologiques majeurs qui coïncident avec l'arrivée des hommes modernes et la disparition des Néandertals. L'analyse des premiers génomes de Néandertal a montré l'existence d'un flux de gènes issus de Néandertal chez les hommes modernes daté entre 60.000 et 50.000 ans. Cela aboutit à l'existence d'environ 2% d'ADN de Néandertal chez les hommes actuels non Africains. De plus l'analyse du génome d'un homme moderne vieux de 40.000 ans issu du site de Oase 1 en Roumanie a montré que le métissage entre Néandertals et hommes modernes est arrivé également en Europe plus récemment. Cependant, peu de choses sont connues sur la diversité génétique des derniers Néandertals en Europe et en Asie de l'Ouest, peu avant leur disparition. Aujourd'hui seule une poignée de restes de Néandertal ont été séquencés.

Mateja Hajdinjak et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Reconstructing the genetic history of late Neanderthals. Ils ont séquencé le génome nucléaire de cinq Néandertals datés entre 44.600 et 37.900 ans en Belgique, France, Croatie et en Russie au nord du Caucase:
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L'arbre phylogénétique des séquences mitochondriales obtenues montrent qu'elles se situent dans la variation des hommes de Néandertal. Notamment la position de la séquence du Néandertal de France (Les Cottés) remet en cause une division géographique entre les Néandertals de l'Est et ceux de l'Ouest:
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Les auteurs ont également montré que parmi ces cinq Néandertals, les individus de Goyet (Belgique), Les Cottés (France) et de Vindja (Croatie) sont des femmes alors que les individus de Mezmaiskaya (Russie) et de Spy (Belgique) sont des hommes. La séquence du chromosome Y de ces deux derniers individus tombent en dehors de la variation des séquences des hommes modernes (voir figure ci-dessus) comme c'était d'ailleurs le cas pour un Néandertal du site de El Sidrón en Espagne préalablement publié.

Le génome de ces cinq Néandertals a également été comparé à celui d'un Néandertal de Sibérie (Altaï) vieux d'environ 120.000 ans, d'un autre de Croatie (également du site de Vindja) vieux de plus de 45.000 ans et d'un Néandertal de Russie (également de Mezmaiskaya) vieux de 70.000 à 60.000 ans. Le résultat montre que tous les hommes de Néandertal se regroupent et forment une clade séparée de l'homme de Denisova et des hommes modernes (voir figure ci-dessus). A l'intérieur de cette clade, les Néandertals se séparent les uns des autres en fonction de leur âge. Le plus vieux (Altaï) se séparant des autres le premier, suivi de Mezmaiskaya 1, alors que les derniers Néandertals se regroupent entre eux. Ces résultats sont confirmés par la statistique D.

Les auteurs ont également vérifié que plus les derniers Néandertals étaient proches géographiquement, plus ils étaient proches génétiquement. De plus le Néandertal récent de Mezmaiskaya est plus proche des Néandertals récent de France, Belgique et Croatie que le Néandertal plus ancien du même site de Mezmaiskaya indiquant ainsi un changement de population Néandertalienne en Russie. Ce changement coïncide avec des fluctuations climatiques qui ont conduit à un refroidissment important en Europe.

Les auteurs ont ensuite estimé la date de séparation entre les derniers Néandertals et le Néandertal de l'Altaï autour de 150.000 ans, et entre les derniers Néandertals et le vieux Néandertal de Vindja à environ 70.000 ans. La séparations des hommes de Néandertal avec ceux de Denisova est estimé à environ 400.000 ans et avec les hommes modernes à environ 530.000 ans.

Les auteurs ont ensuite comparé le génome des hommes de Néandertal avec le génome de la population de Néandertal qui a apporté un flux de gènes à la population d'hommes modernes non Africaine. Ils ont trouvé que tous les Néandertals récents et celui plus ancien de Mezmaiskaya partagent plus d'allèles dérivés avec l'ADN de Néandertal inclu dans les hommes modernes que le Néandertal de l'Altaï, avec peu de différences entre chacun d'eux. Ainsi le flux de gènes de Néandertal dans les hommes modernes est issu d'une population qui s'est séparée du Néandertal de l'Altaï il y a 150.000 ans, puis qui s'est séparée des Néandertals récents avant leur séparation avec l'homme de Néandertal ancien de Mezmaiskaya il y a plus de 90.000 ans.

Enfin les auteurs n'ont pas trouvé de flux de gènes issu d'hommes modernes dans le génome des Néandertals récents.