Le Guadiana est un fleuve de la péninsule Ibérique, qui se jette dans l'océan Atlantique dans le golfe de Cadix. Durant le Campaniforme (2500-1800 calBC), il a essentiellement fonctionné comme moyen de communication dans le sens Est-Ouest, et non comme frontière. Contrairement à une autarcie relative supposée avoir existé dans les sociétés tribales complexes de la première moitié du 3ème millénaire, les nombreuses frontières des territoires claniques ont disparu pendant la période Campaniforme. Dans la région du bassin du Moyen Guadiana, les plus gros habitats sont La Pijotilla avec environ 80 ha et Porto Torrão avec une superficie estimée entre 75 et 100 ha, tous deux situés sur des terres agricoles fertiles. Le site archéologique de San Blas a atteint son développement maximum au milieu et au troisième quart du 3ème millénaire. Il est constitué d'un habitat d'environ 30 ha et d'une nécropole de 20 ha. Il était doté d'un système complexe de fortifications, avec une citadelle intérieure entourée de murs et de fossés. Les tours fortifiées de Porto das Carretas devaient appartenir au territoire de San Blas, situé à seulement 16 km au sud et également perché au-dessus de la rivière. On y a trouvé des vestiges campanifomes dont les céramiques sont de style exclusivement international. L'étude de ce style international a montré qu'il précédait toujours le style régional de céramiques incisées, bien que l'on trouve également le style international à des époques plus tardives du campaniforme. Cependant, la contribution la plus importante de Porto das Carretas, est due à la discontinuité de l'occupation Campaniforme par rapport à celle du Chalcolithique de la première moitié du IIIe millénaire.

Victor Gonçalves vient d'éditer un livre intitulé: Sinos e Taças. Junto ao oceano e mais longe. Aspectos da presença campaniforme na Península Ibérica. Un des articles de ce livre est écrit par Joaquina Soares: Para uma leitura sociopolítica do campaniforme do Guadiana. Longas viagens com curta estada no Porto das Carretas. Elle y étudie la diffusion du campaniforme dans le sud du Portugal et notamment dans le bassin du Moyen Guadiana. La céramique campaniforme cordée, la plus ancienne, datant du milieu du IIIe millénaire, n'a été identifiée dans la région que par les fouilles archéologiques de La Pijotilla, Porto Torrão, et Alcalar. Sa voie de diffusion a pu être le sud-est de la France, la Meseta, le Guadiana et la côte occidentale du Portugal. La distribution des céramiques internationales campaniforme (associées au style pointillé géométrique) est très régulière dans le Sud-Ouest de la péninsule Ibérique au cours du 3ème quart du 3ème millénaire, sauf à Porto Torrão, où ce style est franchement abondant, avec des centaines d'exemplaires. Le pointillé géométrique est absent à Porto das Carretas et à Miguens 3, villages abandonnés avant le développement du processus de régionalisation des productions céramiques Campaniformes. La diffusion du style international semble s'être produite aussi bien à l'intérieur que sur la côte. Ces principaux axes d'interaction resteront actifs jusqu'à la fin de la période, mais intégrés dans des réseaux d'échanges complexes, à travers lesquels les nouveautés imposées par les styles régionaux, à savoir Ciempozuelos et Palmela, circuleront dans la phase de "vulgarisation" de la céramique. L'habitat important de Porto Torrão, dans la zone d'influence du Groupe Palmela, ne semble pas avoir eu la capacité de redistribuer ce type de poterie campaniforme vers La Pijotilla. La zone du bassin du Guadiana est clairement rattachée à la province stylistique de Ciempozuelos, avec des influences rares et occasionnelles du groupe Palmela. Le style Ciempozuelos a pénétré également dans le bassin du Sado, en croisant la poterie du groupe Palmela, par exemple sur le site de Barrada do Grilo et au Castelos de Torrão:
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L'Algarve est considéré comme un territoire de résistance au Campaniforme puisque seul l'habitat et la nécropole d'Alcalar contiennent des vestiges campaniformes dans cette région.

La fortification chalcolithique de Porto das Carretas d'une superficie d'environ 1 ha, est datée de la première moitié du 3ème millénaire. Elle a été détruite par un incendie violent généralisé, avant d'être réoccupée par les campaniformes entre 2490 et 2130 av. JC.
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La céramique campaniforme est exclusivement de style international sur ce site archéologique. Un brassard d'archer a été trouvé dans la tour M13. Le site est ensuite abandonné définitivement.
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Dans la zone centrale de la fortification initiale Chalcolithique, après construction et terrassement des débris qui ont ajouté de la hauteur à la surface du terrain, une plate-forme a été créée pour la construction d'un nouveau programme architectural Campaniforme composé de trois tours jumelées et communicantes, de trois cabanes et d'un four métallurgique:
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Des parallèles au site de Porto das Carretas existent, comme la tour de Miguens 3, située sur la rive opposée du Guadiana ou la tour de Monte da Tumba, située dans le bassin du Sado.

L'économie de subsistance de la phase campaniforme de Porto das Carretas était basée sur l'agro-silvo-pastoralisme. Les éléments de mouture sont mieux représentés que dans la phase Chalcolithique précédente. Les animaux domestiques incluaient le porc, le mouton, la chèvre et le bœuf. La pêche fluviale a été documentée par une fréquence élevée de poids de filets notamment à la tour M13, où l'auteur a trouvé une concentration de poids partiellement chevauchants, interprétés comme des traces d'un filet de pêche complet, qui aurait été soigneusement plié. Deux activités marquent la plus grande discontinuité entre l'occupation Chalcolithique et celle Campaniforme de Porto das Carretas. La première est la métallurgie du cuivre arsenié, clairement mise en évidence pendant la période Campaniforme et absente dans la phase précédente. La seconde est l'intégration de Porto das Carretas dans les réseaux d'échange régionaux, comme la route du sel marin du Guadiana suggérée par la présence de coquilles d'estuaire marin à l'échelle suprarégionale.

Le site de Porto das Carretas, après son abandon définitif, est remplacé par d'autres sites Campaniforme du style régional Ciempozuelos. Le premier exemple est celui de Monte do Tosco 1, un village en hauteur sur la rive gauche du Guadiana. Une occupation Campaniforme tardif a été identifiée, en discontinuité avec celle du Chalcolithique précédent. La poterie Campaniforme est exclusivement de style Ciempozuelos. Le remplissage de la décoration par une pâte blanche est bien représenté. Les céramiques Campaniformes, associées à des métaux (poignards à languette), des coulées de fonte et des vases de stockage, ont été concentrées dans la cabane 1. Il est probable que Monte do Tosco 1 a remplacé dans cette partie de la rivière, entre les cours d'eau de Cuncos et d'Alcarrache, Porto das Carretas alors abandonné, à environ 16 km au nord. Sur la rive droite de la rivière Guadiana et environ 14 km, le site de plaine de Quinta do Estácio 14 a révélé une occupation campaniforme, où l'auteur a identifié, dans un ensemble de 14 vases de style Ciempozuelos, seulement une coupe du style de Palmela.

Dans le bassin du Guadiana, une première phase métallurgique a été identifiée datant de la première moitié du 3ème millénaire, mais c'est surtout dans la deuxième moitié du 3ème millénaire, dans une chronologie Campaniforme, que la métallurgie du cuivre atteint une plus grande visibilité. La grande majorité (plus d'une centaine) des pièces métalliques du village de La Pijotilla appartient à la période Campaniforme, dont le point culminant est la présence de pointes de javelot et de poignards à languette. L'intensification de la production métallique dans le Guadiana Moyen pendant l'horizon Campaniforme est générale, et associe, comme dans la Meseta, le style Ciempozuelos à des productions d'armes en cuivre arsenié et à des diadèmes en or. Contrairement à la céramique Campaniforme qui semble avoir rencontré des résistances dans le sud du Bas Alentejo, dans l'Algarve et le Bas Guadiana, la métallurgie du cuivre arsenié, généralement associée à cette céramique, a été disséminée dans les zones considérées, où des établissements de mineurs ont été identifiés. Les vestiges métallurgiques récupérés à Porto das Carretas représentent différentes phases de la chaîne opératoire: minéraux, four métallurgique, scories, céramiques vitrifiées (creusets) et objets métalliques arseniés. L'analyse chimique des artefacts métalliques de la Phase II de Porto das Carretas comparés aux minéraux pouvant être produits à partir de minerais riches en cuivre sans arsenic disponibles dans le bassin du Guadiana, montre que de l'arsenic a été ajouté dans la phase de réduction. L'arsenic a contribué à augmenter la dureté des pièces en leur donnant une teinte argentée, aspects qui n'ont peut-être pas été le résultat de simples accidents mais, au contraire, ont été intentionnellement recherchés.

En conclusion, cette étude montre que le passage du Chalcolithique au Campaniforme dans le bassin du Moyen Guadiana s'est fait dans la violence avec la destruction du site fortifié de Porto das Carretas autour de 2500 av. JC. Cette destruction coïncide avec l'arrivée d'une population Campaniforme issue des steppes dans toute l'Europe Occidentale. Cette population remplace l'ancienne population Néolithique en Grande-Bretagne, et arrive également dans la péninsule Ibérique au contact de la population Chalcolithique comme le montre la dernière étude génétique de Olalde. Cette population a t'elle joué un rôle dans la destruction de Porto das Carretas ?