L'association de plusieurs individus dans la même sépulture soulève la question de la relation entre les défunts. De plus, la contemporanéité de ces décès interroge sur la cause de ces morts simultanées: violence, maladie ou désastre naturel. La période Mérovingienne dans le Nord-Est de la France entre 450 et 700 ap. JC., est un cas où la grande majorité des sépultures sont individuelles. En effet seules six sépultures sont multiples parmi des centaines. Cette observation pose la question des circonstances exceptionnelles qui ont conduit à ces sépultures multiples.

Le site archéologique d'Hérange fouillé en 2014 contient une de ces sépultures multiples, datée entre 530 et 640 ap. JC.:
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Elle contient une femme (A) d'environ 40 ans, un enfant (B) de 4 à 5 ans, un adolescent (C) de 14 à 16 ans et un bébé (D) de 2,5 à 3 mois:
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De manière intéressante, il semble qu'une grande attention a été portée à l'emplacement de chacun des corps dans cette sépulture. En effet, la femme est située au centre. Elle a son bras gauche qui recouvre une partie du corps du bébé, son bras droit qui recouvre le torse de l'enfant et sa main droite qui recouvre les jambes de l'enfant et de l'adolescent. Ces différentes positions impliquent la simultanéité de la dépose des différents corps dans la sépulture. Comme les squelettes ne présentent pas de trace de violence, on a suggéré une maladie comme cause de ces décès. Enfin la présence des quatre corps dans la même sépulture interroge sur les relations entre ces individus.

Marie-France Deguilloux et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Investigating the kinship between individuals deposited in exceptional Merovingian multiple burials through aDNA analysis: The case of Hérange burial 41 (Northeast France). Ils ont analysé l'ADN mitochondrial (la séquence HVR1 de la région de contrôle et quelques SNPs de la région codante), du chromosome Y (SNPs) et de marqueurs STR autosomaux des quatre individus de cette sépulture.

Les résultats montrent que les individus A, B et D appartiennent à l'haplogroupe mitochondrial U, alors que l'individu C appartient à l'haplogroupe H. De plus la femme (A) et le bébé (D) ont le même haplotype de la région HVR1 qui correspond à l'haplogroupe U2e. Bien que l'haplotype obtenu pour l'enfant (B), soit seulement partiel, il semble appartenir également au même haplotype U2e:
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Ainsi ces résultats confortent une relation maternelle entre la femme, l'enfant et le bébé. Par contre l'adolescent appartient à l'haplogroupe H2a2b et n'a donc pas de relation maternelle avec les trois autres individus.

Quelques rares SNPs du chromosome Y retrouvés pour le bébé suggère qu'il est un garçon, cependant ces trop rares résultats ne permettent pas de déterminer son haplogroupe.

Des marqueurs autosomaux ont pu cependant être déterminé pour ces individus:
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Ainsi 7 marqueurs STR sur 8 ont été déterminé pour la femme. Notamment le marqueur AMEL confirme qu'il s'agit bien d'une femme. Cependant les résultats obtenus pour l'enfant et l'adolescent sont seulement partiels. La femme et l'enfant partagent au moins un allèle pour 4 marqueurs STR: D2S1338, D16S539, D18S51 et CSF1PO. L'absence d'exclusion entre ces marqueurs renforcent la relation entre ces deux individus qui partagent déjà le même haplotype mitochondrial. La femme est ainsi probablement la mère de l'enfant. L'adolescent par contre possèdent des allèles différents avec la femme (D2S1338 et D21S11). Cela confirme que l'adolescent n'est pas l'enfant de la femme.

En conclusion l'enfant (B) et le bébé (D) sont probablement les enfants de la femme (A). A l'inverse, l'adolescent (C) n'est pas l'enfant de la femme. Cependant la pauvreté des résultats obtenus sur l'ADN nucléaire ne permet pas de conclure sur une éventuelle relation biologique plus éloignée. La femme pourrait ainsi être la belle-mère ou la mère adoptive de l'adolescent. De manière intéressante, l'adolescent est positionné différemment des trois autres individus puisqu'il a sa tête aux pieds des autres.