Les premiers fossiles de l'homme moderne au Proche-Orient sont datés entre 130.000 et 100.000 ans. Cependant sa diffusion décisive en dehors d'Afrique date d'environ 70.000 ans. La variabilité génétique de l'Afrique est bien connue, mais des dynamiques locales et des retours vers l'Afrique à partir d'Eurasie ont pu modifier la fréquence des haplotypes et masquer d'anciens scénarios démographiques.

Stefania Vai et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Ancestral mitochondrial N lineage from the Neolithic ‘green’ Sahara. Ils ont séquencé le mitogénome de deux individus du Sahara issus de l'abri sous roche de Takarkori du massif de Tadrart Acacus situé dans le sud-ouest de la Libye:
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Ces deux individus sont datés pour le premier entre 5160 et 4800 av. JC., et pour le second entre 4550 et 4280 av. JC. pendant la phase Néolithique du Sahara vert. Dans cet abri sous roche, 15 sépultures ont été mises au jour exclusivement composées de femmes et d'enfants. Des études isotopiques du strontium ont montré que ces individus étaient tous originaire de la même région. Ces éléments suggèrent un système matrilinéaire issu des premières communautés pastorales. Les deux individus séquencés dans cette étude sont deux femmes entre 30 et 40 ans.

Ces deux femmes, séparées de 250 à 880 ans, ont le même haplotype mitochondrial et sont donc étroitement reliées maternellement. Ces résultats suggèrent que l'abri sous roche a servi de sépulture à des membres du même lignage maternel. Leur séquence appartient à la base de l'haplogroupe mitochondrial N, avec quelques mutations privées.

Les auteurs ont comparé la séquence obtenu à celle de 536 individus contemporains de l'haplogroupe N ou L3 dont est issu N, ainsi qu'à celle de 8 ancien individus. Dans la figure ci-dessous, les individus Néolithiques de Libye sont en rouge et les autres anciens individus en gris:
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Les auteurs ont également tracé un arbre phylogénétique:
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Ces résultats confirment que les individus de Takarkori sont situés à la base de l'haplogroupe N dans une branche qui a divergé juste après celle de l'ancien individu Oase1 de Roumanie et avant toutes les sous-clades de N. La date de divergence de cette branche est estimée à environ 63.000 ans.

C'est la première fois que l'haplogroupe N est identifié dans un ancien squelette d'Afrique. Il est supposé jusqu'ici avoir émergé en Eurasie au moment de la sortie principale de l'homme moderne d'Afrique il y a environ 70.000 ans. Plusieurs scénarios différents peuvent expliquer sa présence en Libye il y a environ 7000 ans. Une première hypothèse est envisageable au Paléolithique en même temps que l'haplogroupe U6 identifié au Maroc il y a environ 15.000 ans. Une seconde hypothèse, plus probable, consiste à voir l'arrivée de l'haplogroupe mitochondrial N avec les premiers pasteurs du Néolithique en provenance du Proche-Orient.