L'Âge du Bronze en Europe à partir de 3000 av. JC. était accompagné par une augmentation des mouvements de populations. Notamment les populations venues des steppes de la mer Noire et de la mer Caspienne ont laissé un impact démographique profond en Europe de l'est et Centrale à travers la culture Cordée, puis en Europe occidentale à travers la culture Campaniforme. En Crète, l'Âge du Bronze Minoen possède très peu d'ascendance steppique, mais possède cependant une part non négligeable d'ascendance issue des fermiers Iraniens.

Les îles Baléares sont habitées de façon permanente à partir du début de l'âge du Bronze vers 2500 à 2300 av. JC. Vers 1200 av. JC., la culture Talayotique s'est développée sur Majorque et Minorque. Ces structures ressemblent à celles de la culture Nuragique en Sardaigne. La Sicile a été affectée par la culture Campaniforme à partir de 2400 av. JC., puis a été influencée par la culture Mycénienne à partir de 1600 av. JC.

Daniel Fernandes et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: The Arrival of Steppe and Iranian Related Ancestry in the Islands of the Western Mediterranean. Ils ont séquencé 49 nouveaux échantillons des îles Baléares, de Sardaigne et de Sicile et amélioré la qualité du génome d'un Campaniforme de Sicile préalablement publié. Quatorze de ces échantillons ont donné un génome de mauvaise qualité et ont été écartés de cette étude. Sur les 36 génomes de bonne qualité, les auteurs ont obtenu aux Baléares le génome de trois individus datés de l'Âge du Bronze Ancien, Moyen et Récent, en Sardaigne le génome de huit individus de la culture Nuragique entre 2000 et 800 av. JC., un individu de l'Âge du Fer et quatre individus de l'antiquité tardive entre 300 et 600 ap. JC., en Sicile, le génome de quatre individus du Néolithique Moyen, une femme de la culture Campaniforme, huit individus de l'Âge du Bronze Ancien, trois individus de l'Âge du Bronze Moyen et quatre individus de l'Âge du Bronze Final:
2019_Fernandes_Figure1.jpg

Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales pour comparer ces génomes avec ceux d'autres anciens individus et de populations contemporaines:
2019_Fernandes_Figure2b.jpg

Dans la figure ci-dessus, les trois individus des îles Baléares (en rouge foncé) se situent entre les populations du Néolithique et celles de l'Âge du Bronze indiquant ainsi qu'elles contiennent de l'ascendance steppique. Ces résultats sont confirmés par l'analyse avec le logiciel ADMIXTURE. Dans la figure ci-dessous, la composante chasseur-cueilleur est en jaune, la composante Néolithique en vert, la composante steppique en orange et la composante Iranienne en rouge:
2019_Fernandes_Figure2a.jpg

Les huit individus de la culture Nuragique (triangles bleus) se regroupent avec les fermiers du Néolithique Moyen à l'exception d'un individu qui se rapproche des populations de Sicile (en orange). L'individu de l'Âge du Fer et ceux de l'antiquité tardive de Sardaigne se regroupent avec les individus Mycéniens, alors qu'un individu de l'antiquité tardive est dévié vers les populations Européennes de l'Âge du Bronze. La plupart des individus de Sicile se regroupent avec les fermiers du Néolithique à l'exception de deux individus qui se rapprochent des individus de l'Âge du Bronze Européen. Cependant par rapport aux individus du Néolithique Moyen de Sicile, les autres individus sont légèrement décalés vers les groupes de l'Est (Steppes et Iran).

Le plus ancien individu des îles Baléares est une femme datée d'environ 2450 av. JC. Elle possède 36,9% d'ascendance steppique et se regroupe avec les Campaniformes de la péninsule Ibérique. Cela suggère que les Campaniformes arrivés en Espagne, ont également occupé les îles Baléares. La proportion d'ascendance steppique des deux individus des îles Baléares plus récent, est plus faible: 26,3 et 23,1%. La statistique f4 indique que cette baisse d'ascendance steppique pourrait être due à un flux de gènes venue d'une population du chalcolithique Ibérique ou de l'Âge du Bronze de Sardaigne. Ce dernier point pourrait suggérer un lien culturel entre la culture Nuragique de Sardaigne et la culture Talayotique des Baléares. Cependant, l'ADN mitochondrial d'haplogroupe U5b d'un de ces individus des îles Baléares de l'Âge du Bronze pointe davantage vers la péninsule Ibérique que vers la Sardaigne.

Les auteurs ont également analysé le génome d'un Phénicien des îles Baléares préalablement publié. Cet individu est composé de 18,8% d'ascendance fermiers d'Anatolie et 81,2% d'ascendance Nord Africaine. Enfin la population actuelle des îles Baléares est le mieux modélisée comme issue d'un mélange génétique entre les chasseurs-cueilleurs de l'ouest, les fermiers du Néolithique, les pasteurs des steppes, une population liée aux fermiers d'Iran mais aussi une population Nord Africaine.

Les individus de la culture Nuragique de Sardaigne sont issus d'un mélange génétique entre les chasseurs-cueilleurs de l'ouest et les fermiers d'Anatolie. Leurs haplogroupes du chromosome Y sont G2a, R1b-V88 et J2b, différents de celui des campaniformes (R1b-L51). De manière intéressante l'haplogroupe J2b a été observé chez un individu de Croatie de l'Âge du Bronze Moyen suggérant un éventuel flux de gènes venu de l'est. L'individu de Sardaigne de l'Âge du Fer possède de l'ascendance issue des fermiers d'Iran (11,9%). Cet individu ne semble pas avoir d’ascendance locale en Sardaigne, mais semble issu d'un mélange génétique entre une population proche des chalcolithiques de la péninsule Ibérique et une population proche des Mycéniens de l'Âge du Bronze. Enfin les individus de l'antiquité tardive de Sardaigne possèdent encore plus d'ascendance issue des fermiers d'Iran (29,6%). Une explication possible est que cette ascendance Iranienne aurait pu être apportée par les Phéniciens. Enfin l'individu situé à part de l'antiquité tardive de Sardaigne possède 33,3% d'ascendance steppique. La population contemporaine de Sardaigne peut être modélisée comme issue d'un mélange génétique composé de 61,4% d'ascendance fermier d'Anatolie, 9,5% de chasseurs-cueilleurs de l'ouest, 19,1% d'ascendance fermier d'Iran et 10% d'ascendance steppique. Cependant lorsque les auteurs rajoutent une cinquième source Nord Africaine, la population de Sardaigne possède environ 16,1% d'ascendance Nord Africaine. Enfin de manière intéressante il semble que la population actuelle de Sardaigne ne descende pas de la population de la culture Nuragique, mais plutôt d'une population de Sardaigne de l'antiquité tardive.

Les individus de Sicile du Néolithique Moyen sont typiques de la population des fermiers Européens modélisée comme issus d'un mélange génétique entre les chasseurs-cueilleurs de l'ouest et les fermiers d'Anatolie. L'individu Campaniforme de Sicile est une femme qui ne possède pas d'ascendance steppique. Ceci n'est pas surprenant quand on sait que la migration campaniforme était composée essentiellement d'hommes qui ont pris des femmes locales. D'ailleurs certains individus du Bronze Ancien de Sicile possèdent de l'ascendance steppique. Ainsi les individus I11443 et I8561 possèdent respectivement 40,2% et 23,3% d'ascendance steppique. En moyenne le groupe de Sicile du Bronze Ancien possède 9,1% d'ascendance steppique. Cela se voit également dans les haplogroupes du chromosome Y puisque R1b-P312 est présent en Sicile. Notamment le marqueur R1b-Z195 typique de la péninsule Ibérique est présent en Sicile. Ce résultat suggère une arrivée de l'ascendance steppique en Sicile à partir de la péninsule Ibérique, et donc probablement l'origine du Campaniforme de Sicile dans le Campaniforme Ibérique.

L'ascendance des fermiers d'Iran est présente en Sicile au Bronze Moyen entre 1800 et 1500 av. JC. Ainsi deux individus possèdent respectivement 18% et 14,9% d'ascendance fermiers d'Iran. Cette ascendance est peut-être également présente en Sicile dès le Bronze Ancien puisque un individu en possèderait 19,3%, mais ce résultat pourrait être un artéfact d'après les auteurs. Au Bronze Final, la population de Sicile peut être modélisée par un mélange génétique de 80,2% de fermiers d'Anatolie, 5,3% de chasseurs-cueilleurs de l'ouest et 14,5% de pasteurs ds steppes. Enfin la population actuelle de Sicile peut être modélisée comme issue d'un mélange génétique entre des fermiers d'Anatolie, des chasseurs-cueilleurs de l'ouest, des pasteurs des steppes, des fermiers d'Iran mais aussi des Nord Africains.

Mise à jour

Ce papier a été définitivement publié en février 2020: The spread of steppe and Iranian-related ancestry in the islands of the western Mediterranean. Dans cette nouvelle version du papier, les auteurs présentent 61 nouveaux génomes, soit 12 de plus que dans la version initiale.