Les moutons, chèvres et bœufs domestiques originaires d'Asie du sud-ouest, ont été introduits pour la première fois en Afrique du nord-est il y a environ 8000 ans. Ils se sont ensuite diffusés en Afrique de l'est il y a 5000 ans, avant d'atteindre l'Afrique du sud il y a 2000 ans. La façon dont le pastoralisme s'est diffusé en Afrique de l'est reste mal compris. Les premiers troupeaux apparaissent en Éthiopie et à Djibouti il y a entre 4500 et 4000 ans. On les trouve cependant au Kenya à partir de 5000 ans, au début du Néolithique Pastoral près du lac de Turkana. Ensuite ce mode de vie se propage au reste du Kenya et dans le nord de la Tanzanie à partir de 3300 ans seulement. Cependant, le Néolithique ne remplace pas le Dernier Âge de Pierre (LSA) complètement dans cette région. Deux traditions pastorales contemporaines sont identifiées au Kenya et en Tanzanie: la culture elmenteitienne et le Néolithique Pastoral de la Savanne (SPN). Les premiers groupes de Pasteurs de l'Âge du Fer apparaissent il y a environ 1200 ans. Cependant l'Âge du Fer apparait dans la région dès 2500 ans dans le bassin du lac Victoria avant d'atteindre la côte il y a 2000 ans. Ces populations sont des fermiers qui ont diffusé la langue Bantoue dans la région.

Mary Prendergast et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Ancient DNA reveals a multistep spread of the first herders into sub-Saharan Africa. Ils ont séquencé le génome de 41 individus du Kenya et de Tanzanie dont trois chasseurs-cueilleurs, 31 pasteurs du Néolithique, un fermier de l'Âge du Fer et six pasteurs de l'Âge du Fer:
2019_Prendergast_Figure1.JPG

Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales afin de comparer ces génomes avec ceux de populations contemporaines et anciennes d'Afrique et du Levant. Dans la figure ci-dessous, les individus actuels du Soudan s'étalent sur un gradient compris entre les coptes situés en haut à droite proche des individus d'Afrique du Nord et du Levant, et les populations parlant une langue Nilotique comme les Dinka et les Nuer situés en bas à gauche. Les populations parlant une langue Afro-asiatique se situent sur un second gradient dont l'extrémité droite se situe proche des Bedja du Soudan et des Nubiens et l'extrémité gauche se situe proche des chasseurs-cueilleurs d'Afrique de l'est qui forment eux aussi un gradient entre l'individu Mota d’Éthiopie et les chasseurs-cueilleurs du Malawi. Les populations actuelles du Kenya se situent entre les Soudanais, les Éthiopiens et les Africains de l'ouest:
2019_Prendergast_Figure2.JPG

Dans la figure ci-dessus les anciens individus de cette étude se situent en fonction de leur culture archéologique. Les trois chasseurs-cueilleurs (losanges bistres) se regroupent avec les chasseurs-cueilleurs d'Afrique de l'est, les pasteurs du Néolithique se regroupent entre eux proche des populations actuelles Afro-asiatiques à l'exception de trois individus de la grotte Gishimangeda de Tanzanie (disques rouges) qui se regroupent avec les chasseurs-cueilleurs. Il y a cependant des individus qui se situent légèrement à part comme deux individus enterrés à Prettejohn’s Gully (disques avec des croix bistres) qui pourraient être les premiers pasteurs de la région datés de 4000 ans. Enfin les cinq individus de l'Âge du Fer dont les pasteurs (triangles bistres) et le fermier (croix de St André noire) sont décalés vers la gauche, les quatre pasteurs le long du gradient Soudanais, et le fermier vers les populations d'Afrique de l'ouest.

Les auteurs ont également analysé les haplogroupes uni-parentaux:
2019_Prendergast_Table1.jpg

Ainsi la grande majorité des pasteurs du Néolithique appartient à l'haplogroupe du chromosome Y E1b-M293 qui avait été préalablement associé à la diffusion du pastoralisme en Afrique de l'est suite à sa distribution géographique actuelle. Les autres hommes appartiennent à des haplogroupesactuellement fréquents en Afrique de l'est à l'exception du fermier de l*Âge du Fer qui appartient à l'haplogroupe E1b-M58, actuellement majoritaire en Afrique de l'ouest. Les lignages maternels forment une mosaïque d'haplogroupes fréquents en Afrique de l'est et du nord-est, mais aussi d'Eurasie de l'ouest.

Les auteurs ont ensuite utilisé le logiciel qpAdm pour mettre en évidence les différents mélanges génétiques parmi les anciens individus de cette étude. Ainsi les pasteurs du Néolithique semblent issus d'un mélange associant 40% des Dinka du Soudan (EN1), 40% des chalcolithiques d'Israël (EN2) et 20% des chasseurs-cueilleurs d’Éthiopie:
2019_Prendergast_Figure3.JPG

Les deux individus de Prettejohn’s Gully suivent également ce modèle mais avec des proportions un peu différentes. Les pasteurs de l'Âge du Fer ont une proportion d'environ 60% d'ascendance issue des Dinka. En accord avec la PCA, les populations Afro-asiatiques ont la même proportion d'ascendance EN1 et EN2, mais avec une proportion d'ascendance issue des chasseur-cueilleurs différente. En revanche les populations Nilo-sahariennes ont plus d'ascendance EN1 que d'ascendance EN2.

Le scénario démographique semble être le suivant:

  1. un mélange en Afrique du nord-est entre une ascendance EN1 locale et une ascendance EN2 venue du Levant à environ égale proportion. Ce mélange est associé à la diffusion du pastoralisme en Afrique du nord-est. Ce mélange donne naissance à l'ascendance des premiers pasteurs du Néolithique (ENP).
  2. Les descendants du groupe ENP se mélangent avec les chasseurs-cueilleurs en Afrique de l'est (environ 20%).
  3. Une nouvelle occurrence de flux de gènes venues d'une ascendance EN1 apparait pour donner naissance aux pasteurs de l'Âge du Fer.
  4. Peu après, l'arrivée des fermiers Bantous en Afrique de l'est, apporte une ascendance issue d'Afrique de l'ouest.

Les auteurs ont ensuite utilisé le logiciel MADLER pour estimer les dates de mélanges génétiques. Ainsi le mélange génétique parmi les premiers pasteurs du Néolithique est arrivé il y a environ 5300 ans, alors qu'il apparait autour de 4600 ans chez les autres pasteurs du Néolithique. Chez les pasteurs de l'Âge du Fer le mélange génétique est estimé autour de 2200 ans probablement associé au second mélange avec une ascendance proche des Dinka. Il est difficile de mettre en évidence plusieurs épisodes de mélange génétique, cependant avec un pasteur du site de Naivasha Burial, les auteurs ont mis en évidence un premier mélange daté de 5100 ans et un second daté de 4000 ans, et pour deux individus de la grotte Gishimangeda les auteurs ont mis en évidence un premier épisode daté de 6000 ans et un second daté de 4000 ans. Ces différents exemples représentent probablement un premier épisode de mélange génétique entre les ascendances EN1 et EN2, suivi par le mélange génétique avec les chasseurs-cueilleurs d'Afrique de l'est. Lorsque une seule date est estimée, il s'agit probablement d'une date moyenne entre ces deux événements.

Parmi l'ensemble des anciens individus dont le génome est analysé dans cette étude, un seul pasteur du Néolithique est tolérant au lactose, montrant ainsi que la tolérance au lactose s'est diffusée seulement récemment dans la région.