Les Jomons (entre 16000 et 2900 ans) sont les ancêtres locaux des Japonais. Les études morphologiques des squelettes indiquent qu'ils sont originaires du sud-est de l'Asie alors que les études génétiques des Japonais actuels pointent vers une origine nord asiatique.

Une première étude génétique sur un ancien Jomon a été publiée en 2016 bien que la qualité de ce génome était faible. Hideaki Kanzawa-Kiriyama et ses collègues viennent de publier un second papier dans lequel ils ont analysé le génome de deux anciens Jomons situés sur l'île Rebun au nord d'Hokkaido: Late Jomon male and female genome sequences from the Funadomari site in Hokkaido, Japan. Ces deux individus (F5 et F23) sont issus du site archéologique de Funadomari situé au nord de l'île Rebun. Ils sont datés entre 3800 et 3500 ans:
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L'analyse de ces deux génomes montre que la qualité de F23 est très bonne (couverture importante) et supérieure à celle de F5. D'autre part F5 est un homme alors que F23 est une femme. Les deux individus sont de l'haplogroupe mitochondrial N9b1, mais ils n'ont pas le même haplotype. Ils ne sont donc pas de proches parents maternels. F5 appartient à l'haplogroupe du chromosome Y D1b2b:
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Les auteurs ont ensuite observé 12 traits phénotypiques dans le génome de F23. Son système ABO est AO rare dans la population actuelle du Japon et son facteur Rhésus est D+. Son niveau d'incisive en forme de pelle est léger, la taille des couronnes dentaires est moyenne. Ses cheveux sont fins. Sa tolérance à l'alcool est élevée. La couleur de la peau et de l'iris sont respectivement moyennement sombre et intermédiaire. F23 est de petite taille. Elle est susceptible d'avoir des tâches de rousseur et des lentigos. Elle a enfin des risques importants concernant trois maladies génétiques: le déficit en carnitine palmitoyltransférase I associé également au métabolisme des acides gras (gène CPT1A), la dystrophie musculaire associée à la cardiomyopathie dilatée (gène MYH7) et les troubles du métabolisme de la proline et de l'hydroxyproline associée à la schizophrénie (gène PRODH).

Les auteurs ont ensuite montré que le niveau d'hétérozygotie de F23 est faible et son nombre de segments d'homozygotie par descente (HBD) est élevé. Ainsi la diversité génétique de la population de ces anciens Jomons était faible. Cependant, le nombre de longs segments HBD est plus faible que celui des populations amazoniennes comme les Surui ou les Karitiana ou celui des populations Néandertaliennes. Ce dernier résultat suggère peu de mariages consanguins dans la population Jomon.

L'analyse de l'évolution de la taille effective de la population Jomon, montre que cette population évolue comme les autres populations non Africaines jusqu'à 50.000 ans. Par la suite la population Jomon continue à décroître contrairement aux populations Européenne et Est asiatique:
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La date de divergence entre la population Jomon et les populations Européennes est voisine de 40.000 ans et celle entre la population Jomon et les populations Est asiatique est comprise entre 38.000 et 18.000 ans.

Les auteurs ont ensuite effectué une Analyse en Composantes Principales. Dans la figure a ci-dessous, les populations Africaines sont à droite, les populations Européennes en haut à gauche et les populations Est asiatiques en bas à gauche. Les anciens Jomons (F5, F23 et deux anciens génomes préalablement publiés: Sanganji et IK002) se situent proche des populations Est asiatiques:
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La figure b montre uniquement les populations Est asiatiques. Les anciens Jomons sont en haut à gauche, au-dessus des Japonais actuels (cercles oranges), des anciens individus du Néolithique du site de Devil's Gate (disques rouges), des Coréens actuels (triangle vert).

Les auteurs ont ensuite utilisé le logiciel TreeMix pour tracer un arbre d'événements migratoires. La figure ci-dessous montre que les Jomons ont divergé après la séparation avec les Papous et l'ancien individu de Tianyuan daté de 40.000 ans, mais avant la séparation entre Est asiatiques et Amérindiens:
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Les auteurs ont tracé un modèle de relations phylogénétiques entre les Jomons et les populations Eurasiennes et Amérindiennes:
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Les statistiques f3 et f4 montrent que les Oultches, les aborigènes de Taïwan (Ami et Atayal), les Taïwanais, les Coréens, les populations des Philippines, les Japonais actuels, les anciens individus du site de Devil's Gate et les anciens Hoabiniens du Laos et de Malaisie sont plus proches génétiquement des Jomons que toute autre population:

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L'analyse des segments IBD montre que les Jomons partagent plus de segments avec les Japonais actuels, les Oultches, les Hezhens, les Coréens et les aborigènes Taïwanais. Ces résultats suggèrent des mélanges génétiques entre les ancêtres de ces populations et les Jomons.

La comparaison des génomes de F23 de l'île de Rebun et de IK002 du site de Ikawazu sur l'île principale du Japon montre que ces deux anciens individus sont à égale distance génétique avec les populations contemporaines sauf pour les Aïnous qui sont plus proches de F23. La statistique f3 montre que les Aïnous sont issus d'un mélange génétique entre F23 et une population Sibérienne comme les Coréens ou les Itelmènes. La proportion d'ascendance Jomon dans les populations Aïnous, Ryukyuan et Japonais continental est respectivement de 66%, 27% et 13%.