Les Néandertaliens vivaient dans l'ouest de l'Eurasie des centaines de milliers d'années avant la sortie d'Afrique de l'homme moderne. Les dernières études génétiques ont montré que les Néandertaliens, à la fin de leur existence, entre l'Europe et l'Asie Centrale, appartenaient à un groupe génétique unique dont l'ancêtre commun datait de moins de 97.000 ans. Cependant, plus loin vers l'est, une discontinuité de la population a été observée dans la grotte Denisova en Sibérie entre deux individus datés de 120.000 et 90.000 ans. Le dernier étant plus proche des Néandertaliens d'Europe.

Stéphane Peyrégne et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Nuclear DNA from two early Neandertals reveals 80,000 years of genetic continuity in Europe. Ils ont séquencé le génome de deux individus datés d'environ 120.000 ans: le premier est issu de la grotte Hohlenstein-Stadel (HST) en Allemagne et le second est issu de la grotte Scladina en Belgique:
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La séquence mitochondriale de l'homme de Néandertal de Hohlenstein-Stadel a été publiée dans une étude précédente. Les auteurs ont reconstruit la séquence mitochondriale de l'individu de Scladina et confirmé celle de l'individu de HST:
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Ainsi, la séquence de Scladina est plus proche de celle de l'individu de l'Altaï vieux de 120.000 ans également, alors que la séquence de HST est basale à tous les autres Néandertaliens avec une date de divergence d'environ 270.000 ans.

D'autre part, l'étude de l'ADN nucléaire indique que HST était un homme alors que Scladina était une femme en accord avec les études morphologiques des deux squelettes. Les auteurs ont ensuite comparé l'ADN nucléaire de ces deux Néandertaliens avec celui des Néandertaliens de Vindija en Croatie et de la grotte de Denisova dans l'Altaï dont le génome est de bonne qualité. L'individu de Croatie est un membre des hommes de Néandertal récents d'Europe alors que celui de Denisova est un ancien Néandertalien de l'est. Les résultats montrent que HST et Scladina sont tous les deux plus proches de l'homme de Néandertal de Croatie.

Les auteurs ont ensuite estimé la date de divergence entre les populations représentées par les individus de HST, Scladina et Vindija. Le résultat est proche de 120.000 ans très proche de l'âge des individus de HST et Scladina. Ainsi les deux anciens Néandertaliens de cette étude (HST et Scladina) devaient appartenir à une population ancestrale aux Néandertaliens récents d'Europe dont celui de Vindija. Cette ancienne population a également migré vers l'est et remplacé la population Néandertal de l'Altaï.

Pour expliquer l'ancienneté de la séquence mitochondriale de l'individu de HST, les auteurs invoquent deux scénarios possibles:
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Le premier scenario (ci-dessus à gauche) propose une introgression d'hommes modernes (en jaune) sortis d'Afrique autour de 270.000 ans. Ce scénario a l'avantage d'expliquer pourquoi la séquence mitochondriale de l'individu de Sima de los Huesos vieux de plus de 400.000 ans et ancêtre des Néandertaliens, est plus proche des séquences des hommes de Denisova que de celles des hommes de Néandertal. Dans ce cas là, la séquence de HST appartiendrait à la diversité mitochondriale des hommes modernes au moment de cette ancienne introgression.

Le second scénario propose une population de Néandertal isolée durant une période glaciaire, qui se serait réintroduit dans la population principale au moment du réchauffement climatique (ci-dessus à droite). La séquence de HST appartiendrait alors à la diversité mitochondriale de cette ancienne population Néandertalienne isolée.