Au 8ème siècle avant notre ère, Rome était une cité état parmi beaucoup d'autres de la péninsule Italienne. En moins de 1000 ans elle est devenue le plus grand centre urbain de l'ancien monde, contrôlant la Méditerranée, et des territoires appartenant à trois continents.
Margaret Antonio et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Ancient Rome: A genetic crossroads of Europe and the Mediterranean. Ils ont séquencé le génome de 127 anciens individus de la région Romaine datés entre le Mésolithique et la période Médiévale et appartenant à 29 sites archéologiques différents. Il y a trois individus du Mésolithique, dix du Néolithique, trois du Chalcolithique, onze de l'Âge du Fer, 48 de la période Impériale, 24 de l'antiquité tardive et 28 de la période Médiévale:
Les trois plus anciens individus de cette étude sont trois Mésolithiques de la grotte Continenza datés entre 10.000 et 7000 av. JC. Dans l'Analyse en Composantes Principales, ces individus se regroupent avec les chasseurs-cueilleurs de l'ouest (WHG) d'autres régions Européennes notamment l'individu de la grotte Villabruna du nord de l'Italie ou de la grotte d'Oriente en Sicile. Ils sont tous les trois de l'haplogroupe mitochondrial U5b et du chromosome Y: I2a. Ces individus montrent une hétérozygotie particulièrement faible, environ 30% plus faible que les Italiens actuels, mais du même ordre de grandeur que les autres chasseurs-cueilleurs de l'ouest.
Le premier changement génétique intervient au début du Néolithique avec l'arrivée d'une ascendance Anatolienne (disques violets ci-dessous):
Ces résultats sont similaires à ceux observés ailleurs en Europe, cependant l'analyse avec le logiciel ADMIXTURE révèle en plus une composante que l'on trouve en forte quantité chez les Néolithiques Iraniens et les chasseurs-cueilleurs du Caucase (CHG) (composante grise ci-dessous):
Ce résultat diffère de ceux obtenus en Europe centrale ou dans la péninsule Ibérique. A la fin du Néolithique et au début du chalcolithique (entre 3600 et 2500 av. JC) la proportion d'ascendance chasseur-cueilleurs augmente dans la région de Rome comme ailleurs en Europe, reflétant probablement un mélange génétique avec des communautés à forte proportion WHG. Les haplogroupes du chromosome Y sont J, J2a, G2a et R1b. Les haplogroupes mitochondriaux sont K1a, N1a, T2, H2, U5b et U8.
Un nouveau changement génétique apparait dans les anciens individus de l'Âge du Fer. Ce changement intervient quelque part entre 2500 et 900 av. JC. et se manifeste par l'apparition d'une composante issue des steppes, comme ailleurs en Europe. Ces populations de l'Âge du Fer de la région Romaine commencent à avoir un profil génétique proche des populations actuelles de la région Méditerranéenne, mais encore assez varié suggérant de multiples sources de migrations. Notamment deux individus montrent une forte composante du Proche-Orient et un troisième une forte porportion d'ascendance Nord Africaine.
Les 48 individus de la période Impériale Romaine montrent un glissement génétique vers les populations de l'est de la Méditerranée comme les Grecs, les Chypriotes et les Syriens:
Ce changement s'accompagne d'une nouvelle augmentation de la composante Néolithique Iranien (composante grise dans l'analyse ADMIXTURE). Cependant, les auteurs n'ont pas trouvé la population source à l'origine de ce changement génétique.
Ils ont ensuite fait une étude de clustering à l'aide du logiciel ChromoPainter. Ils ont ainsi montré que la population de l'époque impériale Romaine se regroupe dans cinq clusters différents:
Seulement deux individus appartiennent au cluster Européen (C7). La majorité appartient à deux clusters principaux: Méditerranée Centrale (C6) et Méditerranée Orientale (C5), un quart des individus appartient à un cluster du Proche-Orient (C4). Enfin deux individus appartiennent à un cluster qui montre une forte affinité génétique avec les populations d'Afrique du Nord (C3). Ces résultats suggèrent une forte augmentation de la complexité génétique de Rome à la période Impériale en relation avec la connexion de Rome avec des populations et des régions Méditerranéennes, notamment de l'est. De manière intéressante l'influence génétique occidentale est très faible.
A la fin de l'antiquité, les anciens individus de la région de Rome montrent un glissement génétique vers les populations d'Europe Centrale et plus éloigné des populations du Proche-Orient. Cela se traduit notamment par la forte augmentation du nombre d'individus inclus dans le cluster Européen C7 (voir figure ci-dessus). Ces résultats sont à rapprocher des migrations des Wisigoths, des Vandales et des Lombards dans la péninsule Italienne à cette époque. Cependant la forte diversité génétique observée pendant la période impériale continue à la fin de l'antiquité comme le montre les fortes proportions des clusters C5, C6 et C7.
Durant la période Médiévale, il y a un net glissement génétique vers l'Europe Centrale et du Nord et une perte des influences orientales (disparition du cluster C5). La population de cette époque ressemble beaucoup à la population actuelle du centre de l'Italie. Ces résultats font écho aux influences Normandes, puis à l'intégration de Rome dans le Saint Empire Romain Germanique durant cette période.
Étude génétique de l'ancienne Rome
vendredi 8 novembre 2019. Lien permanent ADN ancien
une réaction
1 De liganol - 19/01/2020, 22:15
Article très intéressant qui était attendu par plusieurs. La grande présence orientale à Rome au temps de l'empire était connu de par l'Histoire et la grande dénonciation qui y était faite par certains Romains de la noblesse et autres comme Juvénal qui détestaient cette présence, mais de voir ces résultats génétiques, cela donne un sens encore plus réel à ce phénomène dans l'empire romain et authentifie cette présence à Rome; présence qui se traduisait par l'influence de plus en plus grandissante que prenaient les religions orientales sur la société romaine comme le christianisme, le judaïsme, le mithraïsme et autres.