L'origine du peuplement des Amériques est sujet à un débat intense dans le domaine de l'archéo-génétique. Deux découvertes récentes sont importantes dans ce débat. L'individu Upward Sun River 1 (USR1) issu d'une sépulture double d'enfants en Alaska et daté d'environ 11.500 ans représente un lignage jusque là inconnu qui a divergé de toute population Amérindienne entre 22.000 et 18.000 ans, et avant la séparation entre les deux principales branches relatives aux Amérindiens du Nord et du Sud qui auraient divergé entre 17.500 et 14.600 ans. Deux autres individus issus des sites archéologiques de Duvanny Yar (Kolyma1) en Sibérie du nord-est, daté de 9800 ans et Ust'-Kyakhta-3 dans la région du lac Baïkal, daté de 14.000 ans représenteraient également des populations à l'origine du peuplement des Amériques et qui auraient divergé des populations Amérindiennes avant l'individu de Upward Sun River. De plus, six individus du début du Néolithique de la grotte de Devil's Gate dans le bassin de la rivière Amour montrent une continuité génétique dans cette région jusqu'à maintenant et avec une majorité des populations actuelles de Sibérie.

Chao Ning et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: The genomic formation of First American ancestors in East and Northeast Asia. Ils ont séquencé 12 individus du site archéologique de Houtaomuga dans le bassin de la rivière Amour dans le nord-est de la Chine, datés entre 12.000 et 2300 ans:

2020_Ning2_Figure1.jpg, oct. 2020

Parmi ces douze individus, six ont été éliminés pour cause de contamination. Parmi les six derniers individus seuls trois ne présentent pas d'ascendance ouest Eurasienne: deux individus du Néolithique Ancien et un individu de l'Âge du Fer.

Les auteurs ont effectué une Analyse en Composantes Principales pour comparer le génome de ces individus à celui d'autres individus anciens ou contemporains. Dans la figure ci-dessous, les chasseurs-cueilleurs de l'ouest (WHG) sont situés à gauche (disques gris), les premiers Américains (FAM) en haut (disques rouges) et les individus de Houtaomuga en bas à droite (disques cyan), proche des autres populations de la région du bassin de l'Amour:

2020_Ning2_Figure2c.jpg, oct. 2020

De manière intéressante, les deux individus USR1 et Kolyma1 se situent entre les Premiers Américains et les populations d'Asie de l'Est.

Les auteurs ont ensuite utilisé les logiciels qpAdm et qpWave pour construire un graphe démographique pour mettre en évidence les différents mélanges génétiques:

2020_Ning2_Figure3a.jpg, oct. 2020

D'après ce modèle l'individu USR1 serait issu de deux sources ancestrales. La première inclue un mélange entre les Premiers Américains et une population proche du garçon de Mal'ta (ANE). La seconde source inclue une autre population proche du garçon de Mal'ta et une population proche des individus de Houtaomuga. Cette dernière composante représente entre 6 et 35% du génome de USR1.

L'individu Kolyma1 serait lui issu d'un mélange génétique entre les Premiers Américains, une population proche du garçon de Mal'ta et une population proches des individus de Houtaomuga. Cette dernière composante représente entre 37 et 55% du génome de Kolyma1, et la composante Amérindienens entre 19 et 38%.

De manière intéressante, les Premiers Américains et l'individu USR1 ne font pas partie d'une branche unique. La source Amérindienne dans l'individu USR1 appartient à la branche Nord Amérindienne seulement. De plus il n'y a pas de flux de gène en provenance d'une population proche du garçon de Mal'ta dans l'ancêtre commun de USR1 et des Premiers Américains.

En conclusion l'interprétation la plus probable de ces résultats est que la divergence entre les branches Nord et Sud Amérindiennes est intervenue en Asie immédiatement après la fin de l'isolation Béringienne qui en fait a du avoir lieu en dehors de la Béringie:

2020_Ning2_Figure4.jpg, oct. 2020

Ce modèle explique la présence du signal du bassin de la rivière Amour chez les anciens Béringiens sans invoquer plusieurs passages par le détroit de Bering pour lesquels il n'y a pas de preuve archéologique claire. Les auteurs supposent que les Sud Amérindiens ont été les premiers à franchir le détroit de Bering, suivis par les Nords Amérindiens qui ont eu le temps auparavant, d’interagir avec les populations du bassin de l'Amour. Cette hypothèse facilite également l'interaction avec la population Y proche des Onges ou de l'ancien individu de Tianyuan et identifiée dans le génome de quelques populations Amérindiennes.