L'archipel des îles Mariannes est constitué de 15 îles s'étendant du nord au sud sur 750 km. Il est localisé à environ 2500 km à l'est des Philippines et 2200 km au nord de la Nouvelle Guinée:

Mariannes2006.svg.jpg, oct. 2020

Les plus anciens sites archéologiques sont datés de 3500 ans. Ils sont contemporains des premiers sites de la culture Lapita dans les îles Mélanésiennes et l'ouest de la Polynésie. On sait peu de choses sur la première colonisation des îles Mariannes dans l'ouest de l'océan Pacifique. Il y a actuellement un débat pour savoir si les premiers colons sont venus des Philippines, d'Indonésie, de Nouvelle Guinée ou de l'archipel Bismarck. Il y a également un questionnement pour savoir si les premiers habitants des Mariannes: les Chamorro sont reliés au Polynésiens. La langue des Chamorro est une langue malayo-polynésienne occidentale dans la familles des langues Austronésiennes, comme les langues des populations des Philippines, de l'ouest de l'Indonésie et de Sulawesi. Dans les îles Mariannes on ne retrouve pas les poteries de la culture Lapita ni les restes de cochons, chiens et poulets généralement associés aux sites Lapita.

Irina Pugach et ses collègues viennent de publier un papier intitulé Ancient DNA from Guam and the Peopling of the Pacific. Ils ont séquencé le génome de deux squelettes issus du site archéologique de Ritidian situé au nord de l'île de Guam dans les Mariannes. Ils sont datés d'environ 2200 ans, soit environ 1000 ans après la première colonisation des îles Mariannes.

Ces deux squelettes appartiennent à l'haplogroupe mitochondrial E2a qui est l'haplogroupe dominant chez les Chamorro contemporains (65%). On le retrouve également aux Philippines et en Indonésie. Il est absent en Océanie et en Asie continentale du sud-est. Ces premiers résultats suggèrent donc des liens avec les Philippines et l'Indonésie, plutôt qu'avec la Nouvelle Guinée et l'archipel Bismarck. De plus la présence de cet haplogroupe dans la population actuelle des Mariannes suggère une certaine continuité génétique depuis 2200 ans. Enfin les auteurs ont identifié le sexe des deux individus. Il y a un homme et une femme. L'homme appartient à l'haplogroupe du chromosome Y O2a2-P201 que l'on retrouve en Asie continentale du sud-est, dans les îles du sud-est Asiatique et en Océanie. Il est associé à l'expansion Austronésienne.

Les auteurs ont ensuite effectué une Analyse en Composantes Principales à partir des génomes nucléaires de ces deux individus comparés aux génomes d'autres populations anciennes et actuelles. Dans la figure ci-dessous les Papous de Nouvelle Guinée sont en bas à gauche, les Européens et les Asiatiques du sud en haut et les habitants d'Asie du sud-est en bas à droite:

2020_Pugach_Figure2a1.jpg, oct. 2020

Les deux squelettes de Guam se superposent avec les échantillons de Taïwan et des Philippines. Il n'y a donc aucune indication de la présence d'ascendance Papou chez les deux anciens individus de Guam, contrairement aux populations de l'est de l'Indonésie.

Les auteurs ont ensuite effectué une analyse avec le logiciel ADMIXTURE. Celle-ci confirme que l'ascendance Papou en jaune ci-dessous est absente chez les deux individus de Guam. A l'inverse, ces deux derniers ont une composante majeure bleue qui est très fréquente chez les populations des Philippines et de Taïwan:

2020_Pugach_Figure2b.jpg, oct. 2020

La présence de l'ascendance Européenne en violet dans un des deux échantillons de Guam est due à de la contamination.

Les auteurs ont refait ces analyses en ne prenant que des populations de la région. Dans la figure ci-dessous, les Papou sont situés en haut à droite, les populations du sud-est Asiatique en haut à gauche et les anciens Lapita en bas à gauche:

2020_Pugach_Figure3a.jpg, oct. 2020

De manière intéressante, les anciens Guam sont localisés entre les anciens Lapita et les populations actuelles de Taïwan et des Philippines.

Les statistiques f3 et f4 montrent que les anciens Guam ont le plus d'affinité génétique avec un ancien Lapita de Vanuatu, un ancien Lapita des îles Tonga, un ancien échantillon des Philippines vieux de 1850 ans, et les populations actuelles de Taïwan et des Philippines. De manière intéressante, ils ont le moins d'affinité avec les Français et les Papou. Cependant les anciens Lapita montrent plus d'affinité génétique avec les populations Polynésiennes que les anciens Guam. Ainsi même si les anciens Guam sont proche des anciens Lapita, ces derniers constituent une meilleure source génétique pour les Polynésiens.

Les auteurs ont ensuite construit un arbre avec le logiciel TreeMix. La figure ci-dessous montre que les anciens Guam sont proche des anciens Lapita. Elle indique également les flux de gènes des anciens Lapita vers les populations actuelles de Vanuatu et des Tolai:

2020_Pugach_Figure5a.jpg, oct. 2020

Ils ont également construit un graphe démographique avec le logiciel AdmixtureBayes qui suggère que les anciens Guam sont reliés aux populations des Philippines, tout en étant très proches des anciens Lapita:

2020_Pugach_Figure5b.jpg, oct. 2020

Il est possible que les ancêtres des anciens Lapita soient passés les Mariannes. Il est également possible que les ancêtres des Lapita et ceux des Guam aient migré séparément en provenance de Taïwan et des Philippines: les premiers vers l'archipel Bismarck et les seconds vers les Mariannes.

Mise à jour

Ce papier a été définitvement publié en janvier 2021: Ancient DNA from Guam and the peopling of the Pacific