L'Océanie proche composée de l'archipel de Bismarck incluant les îles de Nouvelle Bretagne et de Nouvelle Irlande, et les îles Salomon, est habitée par l'homme moderne depuis environ 50.000 ans. Par contre l'Océanie lointaine qui inclut le Vanuatu, la Nouvelle Calédonie, les Fidji, la Micronésie et la Polynésie, n'est occupée que depuis environ 3000 ans. Le Vanuatu est un archipel clef dans la colonisation de l'Océanie lointaine car il fut le premier occupé et a été un carrefour d'échanges. Les études précédentes d'ADN ancien du Vanuatu nous ont montré que cet archipel a été le théâtre de trois migrations humaines successives. La première est associée à la diffusion de la culture Lapita et des langues Austronésiennes. Ces premiers individus ont une ascendance unique venue d'Asie du sud-est, et sont originaire de Taïwan. La seconde migration apporte des individus avec une forte composante Papoue probablement originaire de Nouvelle Bretagne. Enfin une dernière migration apporte des individus d'origine Polynésienne. Cette dernière migration a laissé des traces dans les restes archéologiques et dans la langue de plusieurs communautés des Vanuatu.

Mark Lipson et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Three Phases of Ancient Migration Shaped the Ancestry of Human Populations in Vanuatu. Ils ont séquencé le génome de 11 anciens individus issus de l'île Efate dans les Vanuatu datés entre 3000 et 200 ans englobant les trois flux de population arrivés sur l'île. Quatre individus sont issus du cimetière Lapita de Teouma, trois individus sont issus du site archéologique qui inclut la sépulture du roi Mata sur l'île Eretok, deux individus du site de Mangaas, un individu de l'abri sous roche de Taplins et le dernier de Banana Bay:

2020_Lipson2_Figure1.jpg, déc. 2020

Ces 11 anciens génomes ont été combinés avec 26 autres anciens génomes des Vanuatu préalablement publiés, et 8 autres anciens génomes d'Océanie. L'ensemble de ces anciens génomes ont été comparés avec le génome de différentes populations actuelles de la région.

Les auteurs ont effectué une Analyse en Composantes Principales. Dans la figure ci-dessous les anciens génomes sont représentés par des symboles pleins et les génomes contemporains par des symboles vides. Les papous sont situés en bas à gauche, les individus des îles Salomon en haut à gauche et les anciens individus de la culture Lapita ainsi que les populations actuelles de Taïwan sont situés à droite:

2020_Lipson2_Figure2.jpg, déc. 2020

La première composante sépare les populations en fonction de leur proportion d'ascendance d'Asie du sud-est: élevée à droite et faible à gauche, alors que la seconde composante sépare les populations en fonction de leur affinité avec les individus des îles Salomon (en haut) ou avec les individus de Nouvelle Guinée (en bas). Les populations actuelles des Vanuatu et de Nouvelle Bretagne forme un cluster allongé suivant la première composante. Les anciens individus se superposent à ce cluster sauf ceux de la culture Lapita qui sont décalés vers la droite. A l'intérieur de ce cluster, les individus de Nouvelle Bretagne sont situés sur la gauche. Ces résultats suggèrent que les habitants des Vanuatu sont issus d'un mélange génétique entre une population de Nouvelle Bretagne et une population Lapita.

Ces résultats sont confirmés par une analyse avec le logiciel qpAdm qui indique que les individus des Vanuatu sont beaucoup mieux représentés par un mélange génétique entre une population Lapita et une population de Nouvelle Bretagne que par un mélange génétique entre une population Lapita et une population des îles Salomon. La proportion d'ascendance Papoue dans les différents anciens individus est représentée ci-dessous:

2020_Lipson2_Figure3.jpg, déc. 2020

Les individus contemporains du roi Mata à la droite de la figure ci-dessus ont des proportions diverses d'ascendance Papoue.

La date du mélange génétique correspondant à l'arrivée de l'ascendance Polynésienne chez les anciens individus contemporains du roi Mata, est estimée entre 850 et 550 ans avant l'époque où ses individus vivaient soit entre 1400 et 700 avant maintenant. Cette estimation est un peu plus ancienne que la date estimée de l'arrivée des polynésiens à Vanuatu d'après les restes archéologiques (entre 1000 et 750 ans).

La statistique f4 et le logiciel qpWave confirment que la source d'ascendance Papoue chez les anciens individus des Vanuatu est issue de Nouvelle Bretagne, et non pas de Nouvelle Guinée ou des îles Salomon. Ces outils confirment également la présence d'ascendance Polynésienne chez les individus de Vanuatu contemporains du roi Mata. Cependant les auteurs ne sont pas arrivés à discriminer l'origine de cette source Polynésienne.

Les auteurs ont ensuite construit des graphes de mélanges génétiques. Ainsi les habitants des Vanuatu possèdent deux événements de mélange génétique. Par exemple les habitants actuels de Futuna possède 56% d'ascendance issue des habitants de l'île voisine de Tanna et 44% d'ascendance Polynésienne. Les habitants de Tanna possèdent 12% d'ascendance d'Asie du sud-est et 88% d'ascendance Papoue. A Efate, un ancien individu de Mangaliliu possède 11% d'ascendance d'Asie du sud-est et 89% d'ascendance Papoue. Les individus de Eretok et Mangaas possède 63% d'ascendance issue de l'individu précédent de Mangaliliu et 37% d'ascendance Polynésienne:

2020_Lipson2_Figure5.jpg, déc. 2020

Le mélange récent avec l'ascendance Polynésienne se traduit par un accroissement de l'ascendance Lapita chez les individus.