Généalogie génétique

Aujourd'hui les groupes Khoe-San vivent de façon éparse en Afrique du Sud et se divisent en San chasseurs-cueilleurs et Khoekhoe pastoralistes. Ils sont les descendants des populations Later Stone Age qui se sont mélangées avec les groupes de pasteurs issus d'Afrique de l'Est il y a entre 2000 et 1200 ans. Leur culture s'est cependant diluée ces quatre derniers siècles avec l'arrivée des Européens et des Asiatiques dans la région. Leurs descendants forment aujourd'hui les métis du Cap. Les études génétiques précédentes ont montré que tous les groupes San actuels hébergent une part d'ascendance Est Africaine, Bantoue et non Africaine en proportions diverses.

Alexandra Coutinho et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Later Stone Age human hair from Vaalkrans Shelter, Cape Floristic Region of South Africa, reveals genetic affinity to Khoe groups. Ils ont séquencé le génome à partir des restes de cheveux d'un individu vieux de 200 ans issu de l'abri sous roche Vaalkrans situé dans la région florale du Cap.

Les résultats génétiques ont montré que cet individu était un homme. Son haplogroupe mitochondrial est L0d3b1. L'haplogroupe L0d est un de ceux qui a divergé des autres le plus anciennement il y a environ 100.000 ans. On le retrouve actuellement à haute fréquence dans les groupes Khoe-San et métis du Cap d'Afrique du Sud, quoique beaucoup moins fréquent que les haplogroupes L0d1 et L0d2. L0d3 est également présent sur la côte Est Africaine entre le Mozambique et le Kénya, bien qu'à très faible fréquence. La comparaison avec les séquences mitochondriales actuelles montrent que l'individu de Vaalkrans se regroupent avec des individus d'Afrique du Sud. L'haplogroupe du chromosome Y est E1b1b1, également fréquent en Afrique de l'Est et du Sud.

Les auteurs ont ensuite comparé ce génome avec d'autres anciens génomes et des génomes de populations contemporaines de la région. Dans la figure ci-dessous les anciens génomes sont représentés par des losanges, les populations Khoe-San actuelles par des cercles et les populations Bantoues actuelles par des carrés:



Les auteurs ont effectué une Analyse en Composantes Principales. Dans la figure ci-dessous, la première composante sépare les populations d'Afrique du Sud à gauche des autres populations Africaines à droite. La seconde composante sépare les populations d'Afrique de l'ouest en haut des populations d'Afrique de l'est en bas:



Les anciens individus du Later Stone Age d'Afrique du Sud (St Helena, Faraoskop et Ballito) se regroupent ensemble à l'extrême gauche de la figure ci-dessus. L'ancien individu de Vaalkrans se regroupe avec l'ancien pasteur de Kasteelberg vieux de 1200 ans et la population Nama actuelle. Les San du nord (Juj'hoansi) se regroupent entre les individus du Later Stone Age et les San du Sud (Karretjie).

Les auteurs ont également fait une analyse avec le logiciel ADMIXTURE. Dans la figure ci-dessous les anciens échantillons sont en haut et les échantillons contemporains en bas. L'individu de Vaalkrans possède une composante majoritaire Khoe-San du sud (en marron) et une composante minoritaire (15–32%) d'Afrique de l'est (en bleu clair). La composition génétique de l'ancien pasteur de Kasteelberg est similaire à celle de l'individu de Vaalkrans avec cependant une plus forte proportion de composante d'Afrique de l'est:



Les auteurs ont ensuite recherché la population Est Africaine la plus proche de la source de la composante dans l'individu de Vaalkrans, en utilisant la statistique D. Ce sont les Amharas d’Éthiopie qui donnent la plus forte valeur. Les valeurs négatives obtenues pour les populations d'Afrique de l'ouest indique que l'individu de Vaalkrans ne possède pas d'ascendance ouest Africaine. Ces résultats sont confirmés par la statistique f4.

L'ascendance Est Africaine apparait entre 2000 et 1200 ans puisqu'elle est absente chez les anciens individus de St Helena, Faraoskop et Ballito vieux de 2000 ans et qu'elle est maximale chez l'ancien individu de Kasteelberg vieux de 1200 ans. Les deux courbes ci-dessous représentent deux méthodes d'estimation de la proportion d'ascendance à l'aide des logiciels qpgraph et admixture. Le point contemporain (date 0) correspond à la population Nama actuelle:



Le génome de l'individu de Vaalkrans possède une allèle dérivée pour le SNP rs145946881 responsable de tolérance au lactose. Ce SNP est aussi dérivé dans une bonne proportion (20 à 36%) de la population Nama.

Ainsi l'ancien individu de Vaalkrans faisait probablement partie d'une population pastoraliste d'Afrique du Sud dont la composante Est Africaine est arrivée dans la région il y a plus de 1200 ans. Bien qu'il date d'une période postérieure à l'arrivée des populations Bantoues dans la région, il ne possède pas d'ascendance ouest Africaine.