Les populations Méditerranéennes de l'Âge du Fer entre 1100 et 600 av. JC. vivaient à une époque où le monde était très connecté. C'est à cette période que le concept de Mare Nostrum cosmopolite s'est développé en favorisant la diffusion des cultures, des marchandises, des langues et des progrès technologiques. Les exemples les plus frappants sont les colonies Grecques et Phéniciennes qui s'étendent jusqu’en Europe occidentale à partir des 9 et 8ème siècles av. JC. La péninsule Italienne et ses îles Thyréniennes participait grandement à ce processus en hébergeant de nombreuses colonies sur ses côtes. De nombreuses communautés y apparaissent à cette époque, chacune caractérisée par une culture et une identité spécifiques. Elles furent par la suite assimilées et fondues dans la colonisation Romaine. Le passage de la République à l'Empire Romain avec l'inclusion de civilisations étrangères a montré qu'il s'est accompagné d'un flux de gènes oriental important en Italie Centrale.

Malgré l’existence de nombreuses traces écrites et des découvertes archéologiques, l'origine des différentes populations de l'Âge du Fer de la péninsule Italienne reste souvent incertaine. Les Dauniens, une population du nord de l'Apulie, sont mentionnés pour la première fois aux 7 et 6ème siècles av. JC. dans les anciens écrits Grecs. Les restes archéologiques de cette population consistent principalement en un type de stèle unique et de la céramique. Ils étaient principalement des fermiers, des éleveurs, des cavaliers et des marchands maritimes qui commerçaient principalement avec des tribus Illyriennes. Une des caractéristiques de cette population est sa résistance aux influences étrangères, notamment à la culture Grecque, jusqu'à l'arrivée des romains à la fin du 4ème et au début du 3ème siècle av. JC. Leur origine est toujours restée obscure.

Serena Aneli et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: The genetic origin of Daunians and the Pan-Mediterranean southern Italian Iron Age context. Ils ont séquencé le génome de 16 anciens individus issus de trois nécropoles de l'Âge du Fer: Ordona (8), Salapia (5) et San Giovanni Rotondo (3) situées dans le nord de l'Apulie, en Italie du sud-est. La datation radiocarbone de ces échantillons a montré qu'ils étaient datés entre 1157 et 275 av. JC. Cependant deux individus sont datés du Moyen-Âge respectivement en l'an 700 et 1100 ap. JC.:

2021_Aneli_Figure1A.jpg, août 2021

Ces anciens individus appartiennent aux haplogroupes mitochondriaux: H1, H5, K1 et U5, et aux haplogroupes du chromosome Y: R1b-P312, I1-M253, I2d-M223 et J2b-M241. R1b est l'haplogroupe le plus fréquent à l'Âge du Bronze en Italie. I2d est l'haplogroupe le plus fréquent en Europe occidentale avant l'Âge du Bronze. J2b apparait également à l'Âge du Bronze dans cette région. I1 est trouvé uniquement chez un individu du Moyen-Âge. Fréquent en Europe du Nord, il arrive dans la région avec les Lombards au 6ème siècle ap. JC.

Les auteurs ont identifié une paire d'individus: deux femmes reliées au premier degré, âgées au décès de 10 et 42 ans. Elles ont le même haplogroupe mitochondrial H5c. Il s'agit d'une mère et de sa fille.

Les auteurs ont ensuite effectué une Analyse en Composantes Principales. Dans la figure ci-dessous les anciens Dauniens se répartissent entre les Italiens péninsulaires (disques bleus) et les anciens Sardes (symboles vides jaunes). A l'inverse des autres populations Européennes de l'Âge du Fer qui se regroupent avec les populations actuelles de la même région, les anciens Dauniens sont éloignés génétiquement des Apuliens actuels (disques bleu foncé):

2021_Aneli_Figure1C.jpg, août 2021

Ces résultats sont confirmés par la statistique f4. De manière intéressante, l'hétérogénéité génétique des anciens Dauniens qui forment un gradient le long de la seconde composante, ne reflètent pas les sites archéologiques. De plus les deux échantillons médiévaux sont décalés vers les populations du Caucase et du Moyen-Orient. En fait la position des anciens Dauniens sur le gradient est fonction de leur datation. Les plus récents sont plus proches des sud Européens actuels. Les trois individus les plus bas sur la PCA: ORD004, ORD019 et SAL007 sont éloignés génétiquement des Apuliens actuels et sont proches des anciens Italiens du Chalcolithique et de l'Âge du Bronze. Ces résultats jettent des doutes sur l'époque où les anciennes populations ont eu leur composantes génétiques proches des populations actuelles de la même région. Peut-être seulement à l'époque Impériale Romaine.

Sur la PCA, les anciens Dauniens sont relativement proches d'autres populations de l'Âge du Fer Méditerranéen: trois individus punique de Sardaigne, trois Scythes Moldaves, des individus de la péninsule Ibérique des périodes Grecque et Romaine et un individu d'Ashkelon du 12ème siècle av. JC.

Les auteurs ont ensuite utilisé les logiciels qpWave et qpAdm pour modéliser les anciens Dauniens en fonctions des composantes chasseurs-cueilleurs de l'ouest (WHG), fermiers d'Anatolie (AN), pasteurs des steppes, chasseurs-cueilleurs du Caucase (CHG) ou fermiers d'Iran (IN). Si pour la plupart un mélange entre AN et pasteurs des steppes explique leur compositions génétiques, pour d'autres il faut utiliser un mélange AN, steppe et CHG ou AN, steppe et IN notamment pour les échantillons: ORD004, ORD010 et SAL010:

2021_Aneli_Figure2B.jpg, août 2021

Les auteurs ont également fait des modélisations à partir d'une composante Minoenne formée principalement par une composante fermiers d'Anatolie et un peu de fermiers d'Iran. Les résultats suggèrent que les anciens Dauniens sont dans l'ensemble proche des individus de la Rome Républicaine. Ainsi le profil qui se dégage de ces modélisations est une population Daunienne cosmopolite composée d'une grosse part d'ascendance Italienne (Rome Républicaine) et une part variable d'ascendance issue des populations de l'âge du Bronze de la Méditerranée. La statistique f3 montre que cet part variable est plus proche des populations de l'Âge du Fer de Croatie que des populations Minoennes. Ainsi l'origine des Dauniens est principalement locale avec un influx variable selon les échantillons issu d'Illyrie.